vendredi 17 avril 2015

Une Spirale Dynamique aux Couleurs de l'Evolution


Toute innovation décisive est totalement imprévisible, mais récapitule et mémorise les processus qui ont conduit jusqu’à elle. Patrice Van Erseel 


Dans la longue marche de l'espèce humaine, chaque étape évolutive voit l’émergence d’un nouveau paradigme accompagné par les modèles d’interprétation qui lui correspondent. Fondée sur la rationalité abstraite, l’ère industrielle fut celle de l’analyse et de l’objectivation. Parce qu’il a fait son temps - dans les deux sens du terme - ce paradigme abstrait est impuissant à rendre compte de l’ère de l’information, fondée sur la complexité, dans laquelle nous entrons. Le nouveau paradigme de la complexité inspire une pensée qui ne fonctionne plus seulement en termes d’analyse réductionniste et de séparation abstraite mais en termes de relations dynamiques et d’ensembles intégrés. 

Ceux qui cherchent à comprendre aujourd’hui avec les lunettes d’hier restent aveugles à l’évolution des mentalités parce qu’ils sont incapables de saisir le mouvement présent, cette dynamique qui anime un monde en mutation constante et complexité croissante. Ce rôle est dévolu à une intelligence relationnelle - à la fois intuitive et globale - capable de participer aux dynamiques profondes qui animent les systèmes vivants et leur développement. 

Fondée sur une cartographie détaillée du développement humain, l’approche intégrale participe de la mutation épistémologique en cours, rendue indispensable pour résoudre, à travers un saut de conscience qualitatif, la crise systémique que nous traversons. Dans nos deux derniers billets intitulés « Charlie et la Spirale », Jacques Ferber utilisait le modèle de la Spirale Dynamique crée par Clare Graves pour tenter de mieux comprendre les évènements tragiques de Janvier. Patrice Van Erseel présentait ce modèle de manière synthétique et vivante dans l’article du magazine Clés que nous vous proposons ci-dessous. Suite à cet article nous évoquerons rapidement le contexte épistémologique et méthodologique dans lequel s'inscrivent les modèles développementaux comme la Spirale Dynamique.

Du Pithécanthrope au Karatéka

Grand reporter pour le magazine Actuel de 1974 à 1992, Patrice Van Erseel a été par la suite rédacteur en chef du magazine Nouvelles Clés - devenu Clés en 2010 - le magazine de référence des créatifs culturels. Plusieurs de ses ouvrages, comme La Source noire, explorent les mystères de l’expérience humaine, aux frontières du connu, en allant à la rencontre des grands visionnaires de notre époque, particulièrement dans les domaines de la naissance et de la mort. Patrice Van Erseel est un véritable sismographe pointant les centres d’intérêts des créatifs culturels et exprimant la sensibilité de cette communauté qui se passionne depuis quelques années pour l’évolution sous toutes ces formes : naturelle, culturelle et spirituelle. 

Ce n’est donc pas un hasard s’il a fait paraître en 2010 un livre passionnant sur l’évolution intitulé Du Pithécanthrope au Karatéka et sous-titré La longue marche de l'espèce humaine auquel nous avons consacré plusieurs billets. En traitant de l’évolution des formes vivantes en général et plus spécialement de celle des hominidés, Patrice Van Erseel cherche à répondre à un certain nombre de questions : « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Comment nos descendants vont-ils évoluer ? Comment l’humanité s’inscrit-elle dans les processus de l’évolution naturelle ? Et surtout, pouvons-nous faire en sorte que les activités humaines cessent de blesser la biosphère, mais se mettent au contraire en résonance harmonieuse avec elle ? D’une certaine façon, toutes ces questions sont liées. Pour une raison notamment, qu’exprime la formule suivante : " Toute innovation décisive est totalement imprévisible, mais récapitule et mémorise les processus qui ont conduit jusqu’à elle."  »

Dans la première partie du livre, l'auteur évoque l’état actuel des recherches sur l’évolution biologique en faisant état du débat scientifique et des nombreuses controverses, parfois violentes, entre les tenants des différentes écoles où l’idéologie et le dogmatisme se parent souvent du masque de la scientificité. Qui a raison, qui a tort ? Les médias répondent mal. Le débat « Dieu contre Darwin », faux mais omniprésent, nous enferme dans une alternative infernale et occulte les vraies questions posées dans ce livre par trois scientifiques réputés, intuitifs et honnêtes : le paléoanthropologue Yves Coppens, le paléontologue Jean Chaline et l’écologiste Jean-Marie Pelt

Hominisation et Humanisation  

Dans la seconde partie du livre, PVE s’interroge sur le sens de l’évolution humaine en allant à la rencontre de praticiens qui accompagnent nos évolutions personnelles. Cette seconde partie intègre et met en perspective les grands thèmes que Patrice Van Eersel nous a déjà fait croiser : la redécouverte de l’accompagnement des mourants, l’enfantement, l’inspiration créatrice de la voix de l’ange, la communication avec les dauphins et le mythe du 5ème Rêve. Comme fil conducteur de sa réflexion, la question suivante : si l’être humain est par essence inaccompli, chacun peut-il entrer à sa façon dans la danse de notre évolution collective ? 

Cet ouvrage nous propose un voyage dans le temps, des premiers pas de l’évolution biologique au processus d’hominisation qui mène des grands singes anciens jusqu’à l'espèce humaine. Un voyage qui se poursuit à travers cette longue marche de l'espèce qu'est l'humanisation, celle du développement de la psyché, de la conscience et de la culture, à travers des stades successifs. C’est dans ce contexte que PVE s’interroge, à la fin de l’ouvrage, sur la mutation collective que nous sommes en train de vivre et sur l’évolution culturelle impliquée par celle-ci.

A partir de la perspective de cette mutation collective, l'auteur évoque la Spirale Dynamique de Clare Graves : « Le modèle de la Spirale Dynamique nous montre que tous les âges de l’hominisation coexistent en nous, mais qu’il est urgent de passer à une nouvelle « couleur » dans l’ascension de cette spirale. » Deux ans après la parution de Du Pithécanthrope au Karatéka, Patrice Van Erseel présente la Spirale Dynamique dans l’article ci-dessous pour le magazine Clés. 

La Spirale de Don Beck ; êtes vous bleu, rouge ou vert ? Patrice Van Erseel
À chaque étape de notre évolution correspond une couleur. 

Sociétés et individus passent par les mêmes stades de maturation. C’est la théorie de la Spirale dynamique, une façon de figurer l’évolution de la conscience, personnelle ou collective. 


Inventée dans les années 1960 par le psychosociologue américain Clare W. Graves, elle a été popularisée trente ans plus tard par son élève Don Beck, autant en psychothérapie que dans le management ou la diplomatie. Elle découpe l’évolution de la conscience en stades successifs, symbolisés par des couleurs et représentant les étapes par lesquelles tout le monde passe nécessairement. Le nourrisson est entièrement mû par ses pulsions vitales – comme les hordes primitives. Le petit enfant découvre la magie du monde – comme les tribus chamaniques. Il affirme ensuite son ego avec agressivité – comme les royaumes guerriers. Puis viennent l’âge de raison et le besoin d’ordre – qui correspondent à l’âge des États et des grandes religions. Etc. 

Bien des problèmes, personnels ou collectifs, viennent de ce que les humains n’en sont pas aux mêmes stades et qu’il est impossible de brûler les étapes. Le comprendre permet d’aider des personnes ou des collectivités de « couleurs » différentes à communiquer malgré tout, en évitant d’innombrables malentendus. Ainsi, comment faire dialoguer une collectivité « bleue » (par exemple une théocratie ou un État communiste) et une collectivité « orange » (une multinationale ou une ligue de marchands) ? Le modèle de Graves et Beck montre que cette question bute sur des obstacles comparables à ceux que connaîtrait un enfant de 8 ans, campé sur son besoin d’ordre et obligé de négocier avec un adolescent de 18 ans, affirmant sa créativité et son indépendance. 

Mais cet arc-en-ciel se retrouve aussi à l’intérieur de chacun de nous. Car les stades successifs de l’évolution ne s’éliminent pas, ils s’empilent. De même que vous avez un cerveau reptilien, siège de vos pulsions vitales, qu’il s’agit de faire collaborer avec un cerveau limbique, siège de vos émotions, et un néocortex, siège de votre raison, les couleurs de la spirale coexistent en vous. Et pas toujours de façon harmonieuse ! Le reconnaître représente un grand pas vers la pacification. 

L'Arc en Ciel de l'évolution

Illustration du magazine Clés. Cliquez sur l'image pour un peu plus de netteté dans le texte...
 
Le jaune, pour sortir de l’impasse

Cognitiviste travaillant sur l’intelligence collective à l’université de Montpellier, Jacques Ferber enseigne la Spirale Dynamique à ses étudiants. « Les lecteurs d’un magazine comme CLÉS, dit-il, ont des chances d’être orange (parce qu’entrepreneurs ou en quête de leur moi) ou verts (soucieux de l’intérêt collectif). L’individu orange prend des décisions individualistes et intéressées, alors que son congénère vert aime le partage et les assemblées où l’on débat de tout… Mais gare aux confusions : les écolos de Greenpeace, par exemple, fonctionnent surtout avec l’énergie rouge des guerriers, alors qu’un business coopératif marche à l’énergie verte. 

Dans les pays développés, on voit s’affronter aujourd’hui trois couleurs : des bleus (étatistes et nationalistes), des orange (libéraux et businessmen) et des verts (sociaux-démocrates et écologistes). Trois logiques incompatibles. Pour sortir de l’impasse, l’humanité doit passer à une nouvelle couleur, le jaune. L’individu "jaune" comprend que, dans un monde complexe, chaque couleur a son rôle à jouer. Surfant sur les réseaux, c’est un “intégrateur” fluide qui se sent à l’aise partout : chez les chamanes aussi bien que dans un laboratoire de recherche, dans une synagogue, une mosquée ou une église autant qu’avec des libres penseurs, en ville comme en pleine nature, etc. Les Américains disent que c’est “l’alliance de l’iPhone et du bambou”. »


Le jaune peut intégrer : 
• Le beige, en reconnaissant les besoins vitaux de tout humain ; 
• Le violet, en s’ouvrant au réenchantement du monde ; 
• Le rouge, en canalisant l’esprit guerrier à la façon du judoka ; 
• Le bleu, en admettant la nécessité d’un cadre organisationnel et éthique ; 
• L’orange, en stimulant toutes les créativités et entreprises ; 
• Le vert, en liant l’intelligence collective à la solidarité. 

Un outil géopolitique

« Le passage d’une couleur à l’autre demande toujours du temps, poursuit Jacques Ferber. Ceux qui l’ont le mieux compris sont les Chinois. En soi, le Parti communiste est bleu. Mais en trente ans, il a su planifier un passage progressif à l’orange sur le plan économique, ce qui va avec la nature de cette couleur. Les Occidentaux protestent contre le non-respect des droits de l’homme par Pékin, mais les Chinois répondent que ce passage au vert ne pourra se faire qu’ensuite, d’ici à dix ans. Par contre, les révolutions arabes sont coincées entre des blocs bleus (islam et armée) en régression vers le rouge, du fait de la corruption et du jihadisme. Seule la Tunisie semble pouvoir éviter cette régression pour passer de Bleu à Orange, du fait qu'elle a investi depuis des décennies dans l'éducation et que la femme y a un statut pratiquement égal à celui de l'homme, ce qui n'est pas le cas dans beaucoup de pays musulmans.» (1)

Faire dialoguer les couleurs n’est jamais facile. Sur YouTube, vous pouvez suivre une mission diplomatique de Don Beck entre Israéliens et Palestiniens : aux premiers, il sert des arguments très orange (l’intérêt, la logique causale, les bénéfices) ; aux seconds, des arguments rouges et bleus, voire violets (valeurs familiales, préceptes moraux de l’islam, magie du cœur). Pour mener pareille mission, il faut faire preuve de qualités très « jaunes » ! 

Les théoriciens de la Spirale dynamique se plaisent parfois à imaginer une humanité turquoise, dont les individus seraient à la fois libres et entièrement au service de la collectivité. Mais pour l’instant, passer au jaune serait déjà formidable. La toute nouvelle génération, qui a 20 ans aujourd’hui et qu’on appelle « génération Z », semble bien partie pour ça : elle est multitâche, ouverte aux autres et d’une extraordinaire adaptabilité. Typiquement jaune. (Fin de l'article de Patrice Van Erseel )

(1) Note du Journal Intégral. On notera au passage la justesse de ce diagnostic : aujourd'hui, trois ans après la parution de l'article en 2012, les faits donnent raison à J. Ferber quant à l'exception tunisienne par rapport aux autres pays musulmans. Comme quoi, un modèle développemental comme la Spirale Dynamique permet d'interpréter les évènements avec suffisamment de précision pour anticiper leur évolution.

Pertinence et fluidité

Les anglophones qui voudraient mieux comprendre l’utilisation concrète de la Spirale Dynamique peuvent aller sur le site The Daily Evolver Jeff Salzman anime une émission hebdomadaire dans laquelle il décrypte l’actualité à partir d’une perspective évolutionnaire. Dans nos deux précédents billets, Charlie et la Spirale, Jacques Ferber met en perspective le jeu des influences socio-culturelles qui permettent de mieux comprendre les évènements tragiques de Janvier. Créateur du site Spirale Dynamique Fabien Chabreuil tient un blog où il analyse régulièrement des faits de société à partir de ce modèle. Dans tous les cas, l’interprétation des évènements et phénomènes dans une perspective évolutionnaire donne à celle-ci la profondeur d'une vision globale et dynamique qui échappe aux analyses réductionnistes et superficielles.

La pertinence des modèles développementaux a été validée dans le temps sur plusieurs dizaines d'années et dans l'espace sur tous les continents. Comme l'écrit Ken Wilber dans Une Théorie de Tout : " Il est important de garder à l'esprit que toutes ces représentations par niveau, qu'il s'agisse de celle d'Abraham Maslow, de Jane Loevinger, de Robert Kegan ou de Clare Graves, sont fondées sur d'importantes sommes d'informations et de recherches. Ce ne sont pas simplement des idées conceptuelles ou des théories en vogue mais des recherches ancrées en tous points dans d'abondantes analyses soigneusement vérifiées. Nombre de ces modèles, d'ailleurs, ont été méthodiquement appliqués dans différents pays des premier, second et tiers-monde. Il en est de même pour le modèle de Graves : à ce jour, il a été testé sur plus de cinquante mille personnes à travers le monde sans révéler d'exception majeure au schéma général."

Divers modèles développementaux

Les praticiens de la Spirale doivent s'appuyer sur cette pertinence pour faire preuve de finesse dans leur analyse et d'intuition dans leur interprétation. Selon Wilber : « Le développement n’est pas une échelle linéaire mais plutôt quelque chose de fluide et fluctuant, fait de spirales, de tourbillons, de courants et de vagues, et il présente un nombre presque infini de modalités multiples… Beck et Cowan insiste sur le fait que les mèmes (ou niveaux) ne sont pas des paliers rigides mais plutôt des vagues, un mouvement fluide fait de nombreux chevauchements qui aboutit à un meshwork, une spirale dynamique du déploiement de la conscience. Comme le dit Beck : " La Spirale est chaotique et asymétrique, faite de nombreux mélanges plutôt que de types purs. C’est une mosaïque, un maillage, une mixture." »  (Une Théorie de Tout)

Si on suit les description qu'en font Wilber et Beck, la spirale de l'évolution relève précisément du domaine de la complexité si on entend par là - selon l'étymologie latine cum-plectere - ce qui est "tissé ensemble" dans une forme d'entrelacement. Le modèle de la Spirale Dynamique - comme tous les modèles développementaux - est donc la représentation abstraite de cette dynamique évolutionnaire à la fois complexe et multidimensionnelle. Non seulement la complexité du Réel est irréductible à un modèle abstrait mais elle l'est encore plus à l'application mécanique de ce modèle sur une dynamique aux modalités multiples. 

Trop souvent ceux qui ont été formés - et formatés - par l'approche réductionniste de l'ancien paradigme, utilisent les modèles développementaux en appliquant de manière mécanique et linéaire un modèle abstrait sur une dynamique complexe, réduisant dramatiquement celle-ci à celui là. Ce faisant, ils utilisent la Spirale avec un filtre cognitif de type "Orange", c'est à dire mécaniste, au lieu d'être inspirés par une complexité de type Jaune qui correspond au paradigme émergent. Dans le contexte de celui-ci, l’explication analytique sera complétée par une implication subjective de l'intuition, seule à même de percevoir de l'intérieur la dynamique interdimensionnelle qui anime une personne, un groupe humain ou une nation au sein de son écosystème.

Intuition et Complexité 

Le paradigme de la complexité voit l'univers comme un tissu de processus, d'interactions et d’interrelations assorties de propriétés émergentes qui se manifestent à travers des formes évolutives de plus en plus intégrées. Parce qu'il conduit à percevoir et à penser en termes de relations dynamiques et d’ensembles intégrés, ce paradigme holiste fait aussi appel à des méthodologies intuitives. Dans un billet intitulé Intuition et Complexité, nous avons évoqué ce retour de l’intuition dans le champ de l’épistémologie après qu’elle en ait été chassée par le rationalisme abstrait qui la considérait comme « irrationnelle ». 

Dans le champ vivant de la complexité, un modèle développemental, en plus de sa pertinence objective, est une médiation formelle qui canalise l’intuition et lui permet d’entrer en résonance interne avec l’objet de son étude. Ce qui nécessite d’avoir exercé cette intuition et de l’avoir développé en ayant fait un long travail sur soi pour débusquer les filtres cognitifs et émotionnels qui font obstacle à sa perception ou qui la dénaturent. L’utilisation de la Spirale Dynamique, tout comme un instrument de musique, peut s’avérer nulle dans les mains d’un novice comme elle peut s’avérer d’une grande richesse dans celles d’un interprète expérimenté qui connaît suffisamment la technique pour la transcender par son inspiration. 


A l’origine de méthodologies et de modèles novateurs, l’épistémologie de la complexité est très différente de l’épistémologie réductionniste à laquelle nous a habitué l’approche objective et analytique des sciences modernes. Une différence à peu près aussi grande que celle existant entre cette science réductionniste et les connaissances analogiques et symboliques de la tradition. Dans le Journal Intégral, nous avons déjà évoqué certaines des spécificités épistémologiques propres au paradigme de la complexité avec leurs conséquences méthodologiques. (voir Tag Épistémologie)

Si nous voulions évoquer ici le contexte épistémologique dans lequel s’inscrivent les modèles développementaux c'est pour montrer le paradoxe qui consiste à décrire une dynamique évolutionnaire régissant des systèmes complexes avec les références abstraites et les méthodologies réductionnistes de l’ancien paradigme. Nous ne sommes qu'au début d’une profonde révolution épistémologique qui, en changeant notre regard sur le monde, va transformer celui-ci. Si nous savons l'utiliser, la Spirale Dynamique fait partie de ces modèles développementaux qui peuvent changer notre regard sur la vie et la conscience humaines en les considérant, l'une et l'autre, comme des systèmes en évolution constante et en complexité croissante, conformément à la nouvelle "vision du monde" à la fois dynamique et globale correspondant aux sociétés de l'information. 

Ressources

La Spirale de Don Beck  de Patrice Van Erseel in Clés

Du Pithécanthrope au Karatéka  de Patrice Van Erseel

Une mutation collective ? de Patrice Van Erseel

Du Pithécanthrope au Karatéka  Un site dédié au livre et à l'évolution

Le monde bouge… et nous ?  de Véronique Guérin et Jacques Ferber 

Introduction à la Spirale Dynamique de Jacques Ferber

La Spirale Dynamique  de Patricia et Fabien Chabreuil

Spirale Dynamique, Site de Patricia et Fabien Chabreuil avec un blog dédié où les auteurs interprètent des évènements et des faits de société à partir de la Spirale Dynamique.


Dans le Journal Intégral

vendredi 3 avril 2015

Charlie et la Spirale (2)


Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Paul Valéry 


Suite aux attentats islamistes contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de Vincennes, toutes les sciences humaines furent convoquées pour exorciser l’inhumain en le réduisant à des explications. C’est ainsi qu’une armée d’intelligences et d’experts s’est levée pour interpréter l’évènement sous tous les angles : géo-politique, religieux, culturel, historique, philosophique, ethnologique, anthropologique, économique, psychologique, psychiatrique, spirituel, sociologique, etc. Il s’agissait de circonscrire l’évènement dans une grille d’interprétation, comme l’animal sauvage dans un zoo, en cherchant à neutraliser sa complexité comme sa part de mystère irréductible. 

Hélas, trop d’intelligences tuent l’Intelligence. Plus la diversité des réflexions s’engagent dans leurs champs d’explications spécifiques et plus elles s’éloignent d’une vision globale et synthétique susceptible de nous éclairer dans les temps à venir. Ce dont nous avons besoin aujourd'hui, c'est de percevoir la cohérence d’une totalité significative, à la fois complexe et évolutive, par-delà la diversité des points de vue, leur hétérogénéité et leurs contradictions. Une cohérence dont nous éloigne la déconstruction analytique, chaque élément considéré isolément perdant une signification profonde qu’elle ne trouve que dans sa relation aux autres éléments. 

C’est dans cette perspective de synthèse que nous proposons aujourd’hui la seconde partie de l’article de Jacques Ferber intitulée Charlie et la Spirale. Après avoir fait un résumé de notre propre réflexion dans notre dernier billet, nous avons proposé un premier extrait de « Charlie et la Spirale » où Jacques Ferber évoque les principes d’une approche intégrale dans laquelle s'inscrivent aussi bien le modèle AQAL de Ken Wilber que la Spirale Dynamique de Clare Graves. Dans nos sociétés mondialisées en mouvement continu, la connaissance de la dynamique évolutionnaire permet de mieux comprendre les diverses "visions du monde", les logiques et les représentations auxquels s’identifient les individus, les organisations et les nations. 

Une telle compréhension permet de distinguer les parties saines de ces "visions du monde" de leur dimension pathologique et dégénérée. Elle permet aussi de saisir la nature profonde des conflits qui les opposent et de créer des médiations dans la perspective d’un équilibre harmonieux et évolutif pour l’ensemble de la spirale évolutive. Mieux vaut donc avoir lu le billet précédent où ces deux  modèles sont présentés avant de commencer la lecture de la seconde partie du texte ci-dessous où l'auteur les utilise pour interpréter les évènements de Janvier.

Charlie et la Spirale. Jacques Ferber 

Une analyse des attentats de Charlie Hebdo 
à la lumière de la Spirale Dynamique et de l’approche intégrale. 


… Pour comprendre ce qui se passe avec les attentats du 7 Janvier, il suffit de planter le décor. Apparu à la suite des mouvements de Mai 68, et donc à l’émergence d’une pensée qui se libère de tous les dogmes, Charlie Hebdo aimait se moquer, parfois férocement, de tout ce qui avait été sacré auparavant: la patrie, l’état, les grands hommes, et bien sûr l’Église Catholique et l’ensemble des bien-pensants. C’était un retournement de pensée, une révolution dans l’expression : on pouvait (enfin!) sortir de la pensée convenue et des valeurs traditionnelles, on pouvait démonter toutes les statues de commandeur, toutes les institutions surannées et créer un monde neuf. 

Coluche, Pierre Desproges, Reiser, et bien d’autres dont Cabu et Wolinski justement, se moquaient de tous les préjugés, de toutes les morales. En même temps, des philosophes comme Jacques Derrida déconstruisaient rationnellement, pas à pas, toutes les structures, toutes les normes. On entrait dans l’époque post-moderne sur le plan de la pensée. 

Charlie Hebdo est donc le produit d’un courant Individualiste-Rationnel (Orange) laïc et anticlérical (dans le fil de Voltaire), associé à un Vert (Empathique-Relativiste) encore tout neuf marqué par l’espoir d’une nouvelle société, plus juste, plus harmonieuse, plus égalitaire et respectueuse de chacun. Ces années (fin des années soixante début des années soixante-dix) sont marquées par une grande mutation Bleu/Orange en ce qui concerne les mœurs: la pilule, le féminisme, les progrès du confort domestique, l’augmentation du niveau de vie des trente glorieuses ont eu raison du conservatisme Bleu. 

Très vite, les nouvelles générations s’engouffrent dans cette nouvelle pensée et globalement l’opinion nationale change, les procès contre Charlie Hebdo se terminant de plus en plus par l’annulation des plaintes au motif de la «liberté d’opinion», thème fondamentalement Orange. Le courant rationnel-individualiste avait gagné contre le conservatisme Bleu, ouvrant la porte à l’émergence du courant Vert, lié à l’ouverture à l’autre, à l’empathie, au bien-être. 

Il faudra cependant attendre les années deux-mille pour que ce dernier s’installe réellement dans la société : la progression du développement personnel et du bien-être, symbolisé par le succès des instituts de massage, les droits des minorités, des enfants, des animaux, des handicapés, les lois contre le racisme et la xénophobie, la montée de la pensée écologique, l’acceptation de l’homosexualité jusqu’au mariage pour tous (en novembre 2014 près de 70% des personnes sont favorables à cette loi, totalement impensable dans les années soixante) sont autant de signes de l’importance que le courant Vert (Empathique-Relativiste) a pris dans notre société. Mais cette évolution n’est vraie que pour le monde occidental. 

Les Couleurs de l’Islam 

Dans les pays musulmans, les mentalités n’en sont pas là. Pourquoi? Tout simplement parce que les pays islamiques sont encore à leurs débuts en ce qui concerne la transition Bleu-Orange, et pour nombre d’entre eux elle n’a pas même pas encore démarré. Beaucoup de ces pays, autrefois dominés par le colonialisme des occidentaux, ont dans un premier temps rejeté le modèle occidental, et l’Islam fut une voie pour que ces peuples retrouvent leurs racines. Mais ce faisant, le courant Bleu s’est fortement imposé dans tous ces pays, après des années vécues, notamment dans le cas de systèmes totalitaires comme en Irak ou en Lybie, sous le couvert d’un courant Rouge-Bleu, sous le joug de « despotes » plus ou moins éclairés (Saddam Hussein en Irak, Khadafi en Lybie, Ben Ali en Tunisie, etc.). 

Le problème est un peu semblable en Afghanistan : pays régenté par les courants Violet-Rouge jusqu’à l’arrivée des soviétiques en 1979 qui tentent d’imposer un gouvernement «communiste» (Bleu), il passe aux mains des Talibans en 1996, c’est-à-dire à un système musulman intégriste Rouge-Bleu. Et les américains, en tentant par la force d’éradiquer les Talibans n’ont pas réussi, avec leurs manières Orange (argent, efficacité, mode de pensée fonctionnel à base de projets et d’objectifs), de faire évoluer le pays vers une réelle démocratie, les composantes Rouge (courage, honneur et puissance individuelle) et Bleu (respect des règles et des traditions, hiérarchie des statuts) étant fortement imprimées dans la population.


La répartition des couleurs de la Spirale pour l’Islam et la France. En abscisse les différents stades de développement et en ordonnée l’importance de chaque stade. On peut noter la tension entre les dominantes Bleu-Orange entre le monde occidental, et la France en particulier, et l’Islam. 

Attention l’Islam n’est ni Rouge, ni Bleu ni d’aucune autre couleur! Comme toutes les religions authentiques, il peut s’exprimer sur tous les niveaux de la Spirale. Il existe un Islam Rouge (le Dieu vengeur), Bleu (le respect des règles, l’obéissance), Orange (Islam « laïc » avec la séparation de la religion et de l’Etat), et Vert (l’ouverture vers le respect de chacun et la spiritualité au-delà des règles de la religion), et continuer au-delà. C’est pour cela que dans un premier temps, lors des événements du 7 Janvier, la communauté «éclairée» de l’Islam, c’est-à-dire les personnes qui ont développé les courants Orange et Vert en elles, se disaient proches du journal. Certains même affirmaient «je suis musulman, je suis Charlie», revendiquant ainsi le droit à pouvoir vivre leur foi dans la religion révélée par le Prophète tout en exprimant leur désir de vivre dans un monde disposant de la liberté d’expression. 

Liberté d’expression 


Mais il faut bien comprendre que pour Bleu, la liberté d’expression n’a strictement aucun sens: vous pensez bien ou mal. Vous vivez dans la vertu ou dans le péché. Pour un fidèle, vivre dans la vertu consiste à vivre comme Dieu le veut, et vivre dans le péché consiste à nier la volonté divine, et donc à nier Dieu. Le blasphème, en tant que tel, est donc une négation de la Vérité et du Dieu révélé. De ce fait, toujours pour ce courant, les caricatures contre l’expression la plus sacrée de la foi est vécue comme le plus terrible des outrages! 

Les caricatures de Mahomet constituent des affronts terribles pour les musulmans qui le vivent au mieux comme un non-respect de leur propre croyance (Bleu-Orange) ou plus directement comme une offense envers Dieu (Bleu), c’est-à-dire comme l’expression de Satan. Sachant qu’en plus, une grande partie du monde musulman porte en lui un sentiment d’avoir été souvent humilié par les chrétiens blancs du fait des souvenirs du colonialisme toujours un peu présent. Il est donc évident qu’une petite frange de cette population, centrée en Rouge comme le sont les djihadistes, voudra répliquer par les armes en se vengeant de cette humiliation. 

L’opposition n’est pas entre l’occident et l’Islam, mais entre deux courants de pensée principaux: Orange caractérisé par sa liberté d’expression («Je peux exprimer ce que je veux, et notamment caricaturer n’importe qui») et Bleu qui voit là un blasphème («Profaner le divin est un sacrilège, qui doit être châtié»). 

Quelles intentions ?

Cliquez sur l'image pour voir les détails. Illustration de Serge Durand. Blog Foudre évolutive

Mais qui était derrière cette attaque contre Charlie? Sans se pencher sur les mobiles des auteurs des assassinats, je me suis demandé les intentions possibles en termes de stades de la Spirale. Est-ce qu’il s’agissait de Bleu, de Rouge, voire d’un Orange déguisé dans ces couleurs? L’intention de Rouge est d’instiller la peur, la soumission. Il veut montrer qu’il est le plus fort et quiconque viendra blasphémer sera soumis par la terreur. Celle de Bleu est de faire arrêter les blasphèmes en n’utilisant la force qu’en recours ultime. Il ne recherche pas la destruction de l’autre, mais seulement la reconnaissance que l’autre a tort. Il utilise donc d’abord les possibilités juridiques, mais il ne se soucie pas réellement des conclusions de la justice Orange. 

Même si les poursuites juridiques contre Charlie sont déboutées devant un tribunal, le journal est coupable devant Dieu (seul le Coran peut être invoqué dans ce cadre) et le blasphème doit être puni pour que cela cesse, point final. Bleu désire ainsi créer une prise de conscience et que les auteurs de caricatures demandent pardon et même éventuellement se convertissent. Si cela ne passe pas par la justice, il peut être amené à prendre les armes, pour «punir» les fautifs.

Enfin, il n’était pas impossible qu’il y ait derrière tout cela une vision «machiavélique» Orange (1) et que les attentats aient été accomplis pour créer une réaction contre l’Islam. Cette réaction entrainerait de facto une contre-réaction et une radicalisation de certains musulmans, ce qui favoriserait un recrutement pour les factions intégristes en général et Daesh en particulier. Peut-être y avait-il un peu de tout ça dans ces attentats.

(1) Machiavel c’est de l’Orange dans un système Rouge-Bleu: comment être le «meilleur» Prince possible en utilisant toutes les techniques possible.

L’égrégore contre « les barbares » 


Dans un premier temps, la réaction générale a été celle d’une participation mystique, d’une fusion Violet dans laquelle tout le monde s’est associé à la détresse des personnes assassinées avec la phrase «Je suis Charlie». Cela a créé un puissant égrégore (2) caractérisé par une grande émotion collective. Pendant quelques jours, tout le monde était Charlie, et il régnait une impression d’unité nationale, les politiciens eux-mêmes répugnant à sortir de cette fantastique énergie collective d’amour.

Ce qui est intéressant c’est que chacun pouvait entrer dans cette unité à partir de son point de vue: les conservateurs catholiques (Bleu) en réaction contre l’Islam, les républicains Orange en criant leur indignation contre la liberté d’expression et défendre les valeurs de la laïcité, et enfin les Vert en exprimant leur empathie envers les journalistes et leur soutien aux familles, en défendant les faibles contre les forts, ceux qui meurent armés d’un crayon contre les barbares munis de mitraillettes. A ce moment-là, l’Islam Orange et Vert se joignent à l’émotion collective tandis que la composante Bleu-Orange, se souvenant des caricatures, dénonçait l’attentat tout en rejetant le ton du magazine. L’Islam Bleu se taisait…

Mais dans un deuxième temps, Charlie Hebdo se sentant légitimé dans sa vocation de défendre la liberté de la presse contre tous ceux qui veulent le bâillonner pour ses propos lance un nouveau tirage avec la première page sous la forme d’un dessin de Mahomet disant « Tout est pardonné, je suis Charlie». Bien entendu, pratiquement tous les musulmans voient cela d’un mauvais œil. Et les mouvements extrémistes (Rouge-Bleu) comme les conservateurs (Bleu) de crier au blasphème. Plusieurs marches ont lieu dans le monde islamique, et notamment à Alger, Dakar et au Niger. 

Voici un commentaire, bien Rouge, montrant comment la parution du dessin à la une de Charlie Hebdo a été reçue: «Avec ce qui est à la une de Charlie Hebdo aujourd’hui, toute la Oumma islamique doit être prête et savoir que ce journal et tous ceux qui le soutiennent nous ont déclaré à nous musulmans une guerre totale et impitoyable. Nous ne devons pas reculer, nous devons être soudés et vigilants car nos ennemis sont vicieux!» 

Rouge se sent humilié et agressé par la une de Charlie Hebdo car il ne peut pas comprendre qu’en fait, dans les propos des auteurs, il n’y a pas d’idée d’agression ni même de revanche. C’est même plutôt une manière d’aller vers l’Islam tout en gardant leur esprit critique. Ils le disent d’ailleurs «Tout est pardonné». Mais on se trouve là au centre de l’incompréhension caractéristique de deux courants différents du premier cycle de la Spirale: Vert, Orange, Bleu et Rouge ne se comprennent pas et chacun interprète les comportements de l’autre à partir de ses propres valeurs. 

(2) Un égrégore est une concentration d’énergies individuelles centrées sur une pensée commune. Cela donne lieu à une sorte d’âme ou de pensée collective dans laquelle chacun a l’impression de s’immerger. C’est toujours associé à un bien être. Les supporters de sports collectif en savent quelque chose.

Charlie depuis le niveau intégratif-systémique 

Dans le Jaune, intégratif-systémique, divers courants et croyances coexistent

Le courant intégratif et systémique (Jaune), ne peut que contempler le système par lequel tout cela arrive. Jaune est caractérisé par l’intégration des différents niveaux, et c’est le premier qui «voit» la Spirale comme un système en évolution. Jaune est caractérisé par une pensée de la complexité. Chez nous, Edgar Morin est un vibrant exemple de la pensée Jaune qui pense en termes de systèmes et voit le monde comme un ensemble de dynamiques en interaction. 

En même temps, Jaune est assez caméléon, et il ne cherche pas à imposer sa manière de voir. Il désire simplement aider les systèmes à être plus vivants, plus adaptés, plus fluides. Il ne cherche pas à exciter la furie de Rouge qui peut partir au moindre affront, ni à heurter la sensibilité de Bleu, mais à aider l’ensemble des «parties prenantes», des citoyens du monde à vivre en meilleur intelligence. 

Or aujourd’hui, tout est mondialisé. Dans les années soixante-dix, quand Charlie Hebdo se gaussait du pape, il était soutenu en France par un fort courant Orange et Vert face à un Bleu outré, sachant qu’il n’y a pratiquement plus de Rouge chrétien: l’inquisition n’existe plus et le délit de blasphème a été supprimé du droit français depuis 1881 avec l’instauration de la liberté de la Presse. Ainsi, du point de vue du droit commun français, une caricature, même irrespectueuse, ne peut donc être un blasphème. Orange, qui constitue la base de la vision du monde de l’Union Européenne et de l’ONU, considère en effet que «les droits de l’Homme ne protègent pas et ne doivent pas protéger des systèmes de croyances». 

Mais maintenant tout événement peut avoir un retentissement global. L’effet papillon agit en permanence: comme le battement d’ailes d’un papillon peut avoir une conséquence sur notre climat, la sortie d’un magazine d’extrême gauche libertaire en France peut mettre dans la rue des milliers de personnes dans le monde et causer des morts dans plusieurs pays africains. 

Aider les parties saines 

Qu’est-ce que ferait Jaune dans un tel cas? C’est simple, il essaye d’aider systématiquement toutes les parties saines des différents courants afin d’apporter la meilleure adaptation aux conditions de vie existantes. Par exemple, il aiderait les aspects Bleu modérés à se développer, afin de lutter contre l’extrémisme radical. Il contribuerait à la construction de mosquées et tenterait de promouvoir les conditions pour qu’elles soient dirigées par des imams modérés. 

Tout cela non pas pour aider les musulmans à sortir d’une quelconque domination ou exploitation, comme pourrait le faire Vert ou même pour lutter contre une inégalité, mais tout simplement pour aider l’ensemble du système social à aller mieux. De même, il aiderait les pays ayant déjà une forte composante éducative et ayant déjà développé un fort Orange à passer à la démocratie et à la laïcité, tout en sachant que la démocratie élective n’est pas la panacée et qu’il existe des formes de gestion et de gouvernements plus évoluées (démocratie participative, sociocratie, holacracy). 

Et cela sans aucun angélisme, sans penser que les musulmans seraient meilleurs ou plus mauvais que d’autres personnes. En reconnaissant simplement qu’il est nécessaire d’agir en utilisant le système tel qu’il est (et non comment il devrait être) afin de favoriser le développement harmonieux du monde. Pour voir comment fonctionne Jaune dans un cas particulier, il est intéressant de regarder le film Invictus de Clint Eastwood qui montre comment Nelson Mandela peut utiliser un sport minoritaire «blanc» (le rugby) pour créer une unité nationale et favoriser la sortie de l’apartheid sans violence. 

Un fonctionnement plus fluide 


A chaque fois, Jaune essaye de ne pas froisser les convictions religieuses. Il ne défend pas plus Mahomet, le Christ que la laïcité, mais il utilise au mieux les composantes présentes pour faire évoluer le monde dans un fonctionnement plus fluide. Dans le cas de Charlie Hebdo, si la mentalité avait été plus Jaune, il est certain qu’il n’y aurait pas eu de dessin de Mahomet à la Une suivant l’attentat. 

En effet, la question que l’on peut se poser, c’est : pourquoi choquer? Pourquoi attenter à la foi de personnes? On peut critiquer le comportement des personnes, mais pourquoi toucher à la graine de ce qui est considéré par certains comme sacré? Peut-on mettre des caricatures du Prophète et en même temps défendre les peuples premiers à conserver ou à récupérer des terres sacrées? 

Il y a un peu de Rouge à insulter ou provoquer, même si on la cache derrière la liberté d’expression Orange. Un «Je fais et dis ce que je veux et j’emmerde tout le monde, car on est en république» n’est pas un comportement Orange, mais rouge qui se déguise derrière le droit à chacun d’exprimer ce qu’il croit et pense. Il s’agit ainsi d’aller nous interroger sur nos propres motivations lorsqu’on nous invoquons les droits de l’Homme. Bien sûr que nous avons le droit à tout cela, et comme le disait Voltaire, je me battrais pour que cela soit possible, et je me battrais contre tous les intégrismes et les terroristes et tous ceux qui enferment d’autres personnes dans l’esclavage et la dépendance. 

Bien sûr qu’il ne s’agit pas de plier devant Rouge et le terrorisme, d’où qu’il vienne. Et en même temps savoir reconnaitre la partie saine dans chacun des courants en essayant de ne pas trop la heurter pour l’aider à grandir. La Conscience est une fleur précieuse et délicate qui a besoin d’attentions et d’amour pour croitre et s’épanouir. Sachons en prendre soin. Jacques Ferber

Ressources

Développement Intégral le site de Jacques Ferber 


Évolution des mentalités et des mouvements politiques en France  Une cartographie évolutionnaire des mouvements politiques en France. Blog Foudre évolutive de Serge Durand