Ce billet est la suite des deux précédents : Le sage et l’érudit (1) et (2). Ce texte est la traduction française d’un dialogue entre Andrew Cohen - le sage - et Ken Wilber - l’érudit - paru en Juin 2006 dans le magazine EnligthnmentNext suite à la sortie du livre de Ken Wilber, Integral spirituality.
Il est possible de retrouver la série de dialogues entre Cohen et Wilber intitulée Le Sage et l'Erudit sur le site du magazine Eveil et Evolution qui est la traduction française du magazine américain. Ce site propose actuellement, à titre gratuit, la lecture passionnante d'un de ces entretiens intitulé Les interdynamiques entre la conscience et la culture.
Cohen : Parmi les nombreuses idées qui m’ont beaucoup frappées dans le livre, il y a tout ce qui concerne ce que vous nommez le « tapis roulant ».
Wilber : Je vais vous expliquer brièvement ce que j’entends par tapis roulant. Je commencerai par des statistiques concernant les stades de développement dont nous venons de parler. Et je me servirai des termes : égocentriques, ethnocentriques, géocentriques et Kosmocentriques qui sont des termes globaux pour parler d’une manière assez générale de certains stades de développement.
Si nous regardons au niveau mondial, à peu près soixante-dix pour cent de la population se situe à un niveau de développement ethnocentrique ou plus bas. Cela veut dire que soixante-dix pour cent de la population mondiale est nazie ! Et je dis cela comme une boutade mais avec tout le sérieux qui convient. Alors il faut se demander : à qui appartiennent les idées de ces croyances ethnocentriques ? Aux religions du monde. Selon Jean Gebser, le stade ethnocentrique correspond aux croyances mythiques.
Wilber : Je vais vous expliquer brièvement ce que j’entends par tapis roulant. Je commencerai par des statistiques concernant les stades de développement dont nous venons de parler. Et je me servirai des termes : égocentriques, ethnocentriques, géocentriques et Kosmocentriques qui sont des termes globaux pour parler d’une manière assez générale de certains stades de développement.
Si nous regardons au niveau mondial, à peu près soixante-dix pour cent de la population se situe à un niveau de développement ethnocentrique ou plus bas. Cela veut dire que soixante-dix pour cent de la population mondiale est nazie ! Et je dis cela comme une boutade mais avec tout le sérieux qui convient. Alors il faut se demander : à qui appartiennent les idées de ces croyances ethnocentriques ? Aux religions du monde. Selon Jean Gebser, le stade ethnocentrique correspond aux croyances mythiques.
Et les grandes religions du monde, parce qu’elles sont nées il y a deux ou trois mille ans, sont encore le réceptacle des composants mythiques et magiques de l’humanité. Cela signifie qu’elles croient que Moïse a bien ouvert la mer Rouge, que Lao Tseu avait réellement neuf cents ans à sa naissance et que Jésus est vraiment né d’une vierge biologique. Tous ces éléments sont mythiques et la religion est la seule discipline qui ait vraiment fait en sorte que les hommes et les femmes adhèrent à des éléments magiques et mythiques.
Maintenant, c’est très bien, mais le problème c’est que dans la religion liée au stade mythique / ethnocentrique / mème bleu / ambre, on croit également que notre sauveur ou notre Dieu est le seul Dieu possible. « Il n’y a qu’un Dieu ; Son nom est Allah » etc. Et si quelqu’un ne croit pas en ce Dieu ou en son représentant, il devient essentiellement de la chair à canon. C’est un infidèle et l’on peut tuer un infidèle. Non seulement ce n’est pas un péché...
Cohen : Non, on va au paradis.
Wilber : C’est une promotion professionnelle ! C’est là que réside le problème, qu’il s’agisse d’Allah, de Bouddha ou de qui que ce soit. Aum Shinrikyo, le groupe terroriste bouddhiste a mis du gaz sarin dans le réseau métropolitain de Tokyo. Cette tendance frappe donc n’importe quel croyant religieux au stade mythique de développement.
Le problème est aggravé par le fait que les régions du monde qui s’identifient au stade mythique ou ambre sont détenues par les religions du monde, et dès que l’on arrive à la région du monde liée au stade rationnel ou orange c’est la science qui prend le relais. Et c’est cet énorme conflit ouvert entre les niveaux mythique et rationnel, ambre et orange, qui crée ce que j’appelle un couvercle de cocotte minute sur le monde. C’est un problème incroyable. Si l’on prend le terrorisme par exemple, chacun des actes terroristes les plus importants des trente ou quarante dernières années, inspirés par la religion, vient pratiquement sans exception de croyances liées au stade mythique / ethnocentrique / mème bleu / ambre. Et tous disent fondamentalement la même chose : « Dans le monde lié au stade rationnel / moderne / orange, il n’y aura pas de place pour ma religion ». Et donc, ils essaient de le faire exploser.
Maintenant, toutes les formes de religion ne sont pas mythiques ou ethnocentriques. Il existe des formes rationnelles de religion, des formes pluralistes de religion, etc. Il y a par exemple des formes rationnelles ou géocentriques de christianisme qui se sont mises en place avec Vatican II, ce concile au cours duquel il a été dit : « Le christianisme n’est pas la seule voie de salut. D’autres religions peuvent l’être également ». C’est le christianisme ethnocentrique en évolution vers le christianisme géocentrique. On peut encore croire au Christ en tant que sauveur personnel, en tant qu’individu ayant eu une profonde réalisation et dont on aimerait égaler la conscience, quelqu’un qu’on aimerait voir devenir une partie vivante de notre vie. C’est tout à fait bien et légitime.
Et si les leaders religieux pouvaient expliquer cela, s’ils disaient à leurs fidèles : « Voyez, c’est bien d’avoir cette foi fervente en Jésus, en Jéhovah, en Allah, en la Grande Déesse ou en Marie, ou en celui que vous pensez être l’unique sauveur, mais le Saint-Esprit parle de différentes manières et apparaît parfois sous différentes formes à d’autres peuples qui peuvent eux aussi trouver le salut » Dire simplement quelque chose comme cela, à partir d’un niveau orange ou géocentrique, désamorcerait la haine du croyant envers tout autre être humain sur la planète. Et il appartient à la religion et à ses leaders de faire comprendre cela.
Donc, le seul problème, le plus important dans le monde d’aujourd’hui, est que soixante-dix pour cent de la population est piégé à un niveau ethnocentrique ou inférieur par le conflit entre la religion et la modernité. La science et la modernité sont assises au-dessus des grandes régions qui sont le fief des religions traditionnelles. Et il y a cet énorme conflit qui empêche les gens de soustraire leur foi du niveau mythique, ethnocentrique et ambre pour l’élever jusqu’au niveau rationnel, géocentrique et orange.
Il faut donc que les dirigeants religieux commencent à comprendre que la religion peut fonctionner comme un tapis roulant parce qu’en réalité elle recueille les gens aux stades archaïque, magique et mythique, et peut les aider à cheminer vers les stades rationnel, pluraliste, intégral et au-delà. Rappelez-vous : on part encore tous de zéro et on doit se développer à travers ces grands niveaux ou ces vagues de conscience. Il y aura toujours des gens qui croiront au magique et au mythique, et c’est bien comme ça. Mais la religion peut fonctionner comme un tapis roulant qui les emmène dans des structures supérieures, et elle seule peut le faire. Donc cette image du tapis roulant exprime le rôle que peut avoir la religion dans le monde moderne et post-moderne, et auquel elle n’a pas encore pensé. Si elle adoptait cette façon de voir les choses, ce serait une démarche radicale et révolutionnaire
Cohen : Néanmoins pour que cela arrive, il faudrait que les leaders religieux eux-mêmes évoluent au moins jusqu’aux niveaux rationnels et pluralistes, voire même intégraux. Il faudrait qu’ils aient au moins une perspective géocentrique, de façon à mesurer combien ce saut évolutif serait radical et absolument nécessaire pour retirer ce couvercle de la tête de soixante-dix pour cent de la population mondiale qui pourrait alors entrer dans le monde moderne et post-moderne. On pourrait alors réellement commencer à être un seul monde, au lieu d’un ancien monde contre un monde nouveau, le monde pré-moderne combattant le monde moderne et post-moderne.
Wilber : C’est exact. Il faudrait qu’ils atteignent au moins le niveau orange...
Cohen : ... pour qu’ils commencent à mesurer la nécessité impérative d’interpréter leurs propres traditions avec plus de hauteur, non seulement pour la paix mondiale mais pour la survie même de nos espèces.
Wilber : Je ne vois pas d’autre voie. Ce qui doit arriver, dans un sens, est un mouvement de type « Vatican II » pour toutes les religions du monde, une tentative de se hisser à la hauteur du stade orange. Et bien sûr elles peuvent le faire à l’intérieur même de leurs traditions. Il y a, dans chaque grande religion, de nombreuses raisons légitimes pour passer à une compréhension au minimum géocentrique. Mais avant que cela n’arrive, vous avez raison, c’est « la règle des nazis ». Et bonne chance... (Ndt : Wilber fait référence à l'idéologie nazie en tant que paradigme d'une conscience totalement ethnocentrée). Le tapis roulant doit vraiment fonctionner dans le monde pour déplacer des masses de gens de l’ambre à l’orange, du mythique au rationnel. Et dans nos cercles d’influence, la tâche est bien sûr de faire passer les gens du vert au sarcelle (teal) et au turquoise, du pluraliste à l’intégral.
Cohen : La tâche qui nous incombe, dans nos cercles d’influence, est de prendre ce sentiment de soi hautement évolué et individué qui est le nôtre avec son extraordinaire capacité à l’objectivité et à l’auto-réflexivité et de le libérer de sa propre auto-adoration narcissique pour qu’il embrasse un cadre hiérarchique ou, comme vous dîtes holarchique, plus grand, dans un contexte évolutif ou de développement.
Quand j’étais en visite en Israël, il y a quelques mois, je pensais beaucoup à tout cela. Il m’est apparu qu’à mesure que nous nous élevons à travers les stades de développement – de l’ambre chrétien, judaïque, islamique ou bouddhique etc... à l’orange et au vert jusqu’au deuxième tiers du spectre des niveaux de conscience et au-delà – le lieu d’identification du soi en évolution, en passant du géocentrique au Kosmocentrique commence tout naturellement à se détacher de toute identité qui ne serait pas universelle. Il semblerait que notre identité aille de plus en plus vers une perception de soi vraiment universelle et dans un même temps s’éloigne de toute notion de soi qui ne correspondrait pas à cela, y compris l’appartenance à une tradition historique, que celle-ci soit bouddhiste, juive, chrétienne, musulmane ou autre.
Wilber : Oui. Parce qu’alors tout ce qu’il reste à transcender est ce que les bouddhistes appellent « l’esprit de lignée ». Ce qu’il faut, en fait, c’est « transcender et inclure. » On peut toujours honorer notre lignée – c’est « inclure » – mais on doit également la transcender.
Cohen : Une identité Kosmocentrique telle que je l’entends, est basée sur l’éveil direct au soi authentique ou à l’impulsion évolutive qui - comme vous l'avez fait remarquer - commence seulement à émerger quelque part entre un niveau géocentrique et Kosmocentrique de développement.
Wilber : Et comme vous le savez, il n’y a pas encore de lignée correspondant à cela.
Cohen : C’est toute la question, car l’on s’identifie à l’impulsion créatrice en tant que telle, qui est en fin de compte la perception de soi Kosmocentrique comme elle est expérimentée le plus authentiquement. Et il n’y a pas d’identité relative pour cette partie du soi. Cela voudrait dire, par conséquent, qu’à mesure que l’humanité progresserait vers ces niveaux supérieurs – d’orange scientifique à pluraliste vert jusqu’au second tiers, et au-delà, c’est à dire en fin de compte d’une perspective géocentrique à une perspective plus Kosmocentrique – les pionniers se dissocieraient progressivement de toute identification à une lignée pour s’identifier de plus en plus à une vraie perception de soi universelle allant bien au-delà de toutes les différences relatives liées à une mythologie. Comme vous le disiez justement, il y a des interprétations plus élevées, plus profondes, et plus inclusives des mythes qui viennent des grandes traditions. Je dis néanmoins que les mythes eux-mêmes devraient finir par être transcendés radicalement. Ou au moins, le besoin de s’y identifier.
Wilber : Oui. Transcender et inclure.
Maintenant, c’est très bien, mais le problème c’est que dans la religion liée au stade mythique / ethnocentrique / mème bleu / ambre, on croit également que notre sauveur ou notre Dieu est le seul Dieu possible. « Il n’y a qu’un Dieu ; Son nom est Allah » etc. Et si quelqu’un ne croit pas en ce Dieu ou en son représentant, il devient essentiellement de la chair à canon. C’est un infidèle et l’on peut tuer un infidèle. Non seulement ce n’est pas un péché...
Cohen : Non, on va au paradis.
Wilber : C’est une promotion professionnelle ! C’est là que réside le problème, qu’il s’agisse d’Allah, de Bouddha ou de qui que ce soit. Aum Shinrikyo, le groupe terroriste bouddhiste a mis du gaz sarin dans le réseau métropolitain de Tokyo. Cette tendance frappe donc n’importe quel croyant religieux au stade mythique de développement.
Le problème est aggravé par le fait que les régions du monde qui s’identifient au stade mythique ou ambre sont détenues par les religions du monde, et dès que l’on arrive à la région du monde liée au stade rationnel ou orange c’est la science qui prend le relais. Et c’est cet énorme conflit ouvert entre les niveaux mythique et rationnel, ambre et orange, qui crée ce que j’appelle un couvercle de cocotte minute sur le monde. C’est un problème incroyable. Si l’on prend le terrorisme par exemple, chacun des actes terroristes les plus importants des trente ou quarante dernières années, inspirés par la religion, vient pratiquement sans exception de croyances liées au stade mythique / ethnocentrique / mème bleu / ambre. Et tous disent fondamentalement la même chose : « Dans le monde lié au stade rationnel / moderne / orange, il n’y aura pas de place pour ma religion ». Et donc, ils essaient de le faire exploser.
Maintenant, toutes les formes de religion ne sont pas mythiques ou ethnocentriques. Il existe des formes rationnelles de religion, des formes pluralistes de religion, etc. Il y a par exemple des formes rationnelles ou géocentriques de christianisme qui se sont mises en place avec Vatican II, ce concile au cours duquel il a été dit : « Le christianisme n’est pas la seule voie de salut. D’autres religions peuvent l’être également ». C’est le christianisme ethnocentrique en évolution vers le christianisme géocentrique. On peut encore croire au Christ en tant que sauveur personnel, en tant qu’individu ayant eu une profonde réalisation et dont on aimerait égaler la conscience, quelqu’un qu’on aimerait voir devenir une partie vivante de notre vie. C’est tout à fait bien et légitime.
Et si les leaders religieux pouvaient expliquer cela, s’ils disaient à leurs fidèles : « Voyez, c’est bien d’avoir cette foi fervente en Jésus, en Jéhovah, en Allah, en la Grande Déesse ou en Marie, ou en celui que vous pensez être l’unique sauveur, mais le Saint-Esprit parle de différentes manières et apparaît parfois sous différentes formes à d’autres peuples qui peuvent eux aussi trouver le salut » Dire simplement quelque chose comme cela, à partir d’un niveau orange ou géocentrique, désamorcerait la haine du croyant envers tout autre être humain sur la planète. Et il appartient à la religion et à ses leaders de faire comprendre cela.
Donc, le seul problème, le plus important dans le monde d’aujourd’hui, est que soixante-dix pour cent de la population est piégé à un niveau ethnocentrique ou inférieur par le conflit entre la religion et la modernité. La science et la modernité sont assises au-dessus des grandes régions qui sont le fief des religions traditionnelles. Et il y a cet énorme conflit qui empêche les gens de soustraire leur foi du niveau mythique, ethnocentrique et ambre pour l’élever jusqu’au niveau rationnel, géocentrique et orange.
Il faut donc que les dirigeants religieux commencent à comprendre que la religion peut fonctionner comme un tapis roulant parce qu’en réalité elle recueille les gens aux stades archaïque, magique et mythique, et peut les aider à cheminer vers les stades rationnel, pluraliste, intégral et au-delà. Rappelez-vous : on part encore tous de zéro et on doit se développer à travers ces grands niveaux ou ces vagues de conscience. Il y aura toujours des gens qui croiront au magique et au mythique, et c’est bien comme ça. Mais la religion peut fonctionner comme un tapis roulant qui les emmène dans des structures supérieures, et elle seule peut le faire. Donc cette image du tapis roulant exprime le rôle que peut avoir la religion dans le monde moderne et post-moderne, et auquel elle n’a pas encore pensé. Si elle adoptait cette façon de voir les choses, ce serait une démarche radicale et révolutionnaire
Cohen : Néanmoins pour que cela arrive, il faudrait que les leaders religieux eux-mêmes évoluent au moins jusqu’aux niveaux rationnels et pluralistes, voire même intégraux. Il faudrait qu’ils aient au moins une perspective géocentrique, de façon à mesurer combien ce saut évolutif serait radical et absolument nécessaire pour retirer ce couvercle de la tête de soixante-dix pour cent de la population mondiale qui pourrait alors entrer dans le monde moderne et post-moderne. On pourrait alors réellement commencer à être un seul monde, au lieu d’un ancien monde contre un monde nouveau, le monde pré-moderne combattant le monde moderne et post-moderne.
Wilber : C’est exact. Il faudrait qu’ils atteignent au moins le niveau orange...
Cohen : ... pour qu’ils commencent à mesurer la nécessité impérative d’interpréter leurs propres traditions avec plus de hauteur, non seulement pour la paix mondiale mais pour la survie même de nos espèces.
Wilber : Je ne vois pas d’autre voie. Ce qui doit arriver, dans un sens, est un mouvement de type « Vatican II » pour toutes les religions du monde, une tentative de se hisser à la hauteur du stade orange. Et bien sûr elles peuvent le faire à l’intérieur même de leurs traditions. Il y a, dans chaque grande religion, de nombreuses raisons légitimes pour passer à une compréhension au minimum géocentrique. Mais avant que cela n’arrive, vous avez raison, c’est « la règle des nazis ». Et bonne chance... (Ndt : Wilber fait référence à l'idéologie nazie en tant que paradigme d'une conscience totalement ethnocentrée). Le tapis roulant doit vraiment fonctionner dans le monde pour déplacer des masses de gens de l’ambre à l’orange, du mythique au rationnel. Et dans nos cercles d’influence, la tâche est bien sûr de faire passer les gens du vert au sarcelle (teal) et au turquoise, du pluraliste à l’intégral.
Cohen : La tâche qui nous incombe, dans nos cercles d’influence, est de prendre ce sentiment de soi hautement évolué et individué qui est le nôtre avec son extraordinaire capacité à l’objectivité et à l’auto-réflexivité et de le libérer de sa propre auto-adoration narcissique pour qu’il embrasse un cadre hiérarchique ou, comme vous dîtes holarchique, plus grand, dans un contexte évolutif ou de développement.
Quand j’étais en visite en Israël, il y a quelques mois, je pensais beaucoup à tout cela. Il m’est apparu qu’à mesure que nous nous élevons à travers les stades de développement – de l’ambre chrétien, judaïque, islamique ou bouddhique etc... à l’orange et au vert jusqu’au deuxième tiers du spectre des niveaux de conscience et au-delà – le lieu d’identification du soi en évolution, en passant du géocentrique au Kosmocentrique commence tout naturellement à se détacher de toute identité qui ne serait pas universelle. Il semblerait que notre identité aille de plus en plus vers une perception de soi vraiment universelle et dans un même temps s’éloigne de toute notion de soi qui ne correspondrait pas à cela, y compris l’appartenance à une tradition historique, que celle-ci soit bouddhiste, juive, chrétienne, musulmane ou autre.
Wilber : Oui. Parce qu’alors tout ce qu’il reste à transcender est ce que les bouddhistes appellent « l’esprit de lignée ». Ce qu’il faut, en fait, c’est « transcender et inclure. » On peut toujours honorer notre lignée – c’est « inclure » – mais on doit également la transcender.
Cohen : Une identité Kosmocentrique telle que je l’entends, est basée sur l’éveil direct au soi authentique ou à l’impulsion évolutive qui - comme vous l'avez fait remarquer - commence seulement à émerger quelque part entre un niveau géocentrique et Kosmocentrique de développement.
Wilber : Et comme vous le savez, il n’y a pas encore de lignée correspondant à cela.
Cohen : C’est toute la question, car l’on s’identifie à l’impulsion créatrice en tant que telle, qui est en fin de compte la perception de soi Kosmocentrique comme elle est expérimentée le plus authentiquement. Et il n’y a pas d’identité relative pour cette partie du soi. Cela voudrait dire, par conséquent, qu’à mesure que l’humanité progresserait vers ces niveaux supérieurs – d’orange scientifique à pluraliste vert jusqu’au second tiers, et au-delà, c’est à dire en fin de compte d’une perspective géocentrique à une perspective plus Kosmocentrique – les pionniers se dissocieraient progressivement de toute identification à une lignée pour s’identifier de plus en plus à une vraie perception de soi universelle allant bien au-delà de toutes les différences relatives liées à une mythologie. Comme vous le disiez justement, il y a des interprétations plus élevées, plus profondes, et plus inclusives des mythes qui viennent des grandes traditions. Je dis néanmoins que les mythes eux-mêmes devraient finir par être transcendés radicalement. Ou au moins, le besoin de s’y identifier.
Wilber : Oui. Transcender et inclure.
(A suivre...)