Nous vivons une époque de crise. Sur ce constat tout le monde est à peu près d’accord. Là où nous ne le sommes plus, c’est quand il s’agit d’interpréter le sens d’une crise qui se décline, se diffracte et se diffuse à travers de nombreuses dimensions : personnelle et sociale, économique et environnementale, culturelle et morale.
A tous ceux qui, à longueur d’articles ou de livres, s’interrogent sur le sens de ces crises diverses en se perdant dans les détails factuels d’une analyse spécialisée, comme à ceux qui cherchent un éclairage profond et lumineux pour comprendre la situation critique où nous nous trouvons, on ne peut que recommander la lecture de ce bel ouvrage de Christiane Singer, Du bon usage des crises, paru en 96.
Ce livre est un recueil de conférences prononcées lors de divers événements, congrès ou tables rondes. La conférence qui donne son titre à l’ouvrage a été prononcée le 15 juin 1991 à Mirmande à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Durkheim dans la Drôme.
Une conspiration contre l'esprit Pour Christiane Singer, notre époque moderne, profondément matérialiste, est le théâtre de « la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit. » Une civilisation qui transforme les êtres humains en êtres de manque « des êtres qui réclament sans cesse à cor et à cri au-dehors ce qui leur manque à l’intérieur. En les tournant vers l’extérieur, on les dépouille de cette dimension d’intériorisation qui en fait des êtres libres ».
Dans un telle civilisation fondée sur le déni de l’essentiel, la crise remplace l’initiation : « Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer en profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »
Prononcée voilà près de vingt ans, cette conférence est aujourd’hui d’une brûlante actualité. Au-delà des spéculations intellectuelles et des analyses fragmentaires qui fleurissent dans les médias et en librairie, Christiane Singer nous donne à voir l’origine réelle – existentielle et spirituelle – des diverses crises que nous traversons.
Du bon usage des crises. Christiane Singer
Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usage des crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension.
Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension. Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit.
Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer en profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. […]
Ce serait une erreur de croire que la crise est quelque chose de normal, d’inhérent à la nature humaine. Il y a de nombreuses sociétés (toutes les sociétés traditionnelles) qui ne la connaissent pas. Un ami anthropologue m’a rapporté ces mots d’un africain : « mais non monsieur, nous n’avons pas de crise, nous avons des initiations. »
L’initiation est la ritualisation des passages, la possibilité pour l’homme de passer d’un état d’être naturel, premier, à cet univers agrandi, où l’autre versant des choses est révélé. Et il s’avère que toutes ces initiations, dans leur incroyable diversité et inventivité, ont toutes la même visée : mettre l’initié en contact avec la mort, le faire mourir selon le vieux principe du « meurs et deviens ».
Que ce soient les rites des aborigènes qui enterrent les néophytes pendant trois jours sous des feuilles pourries, ou les épreuves auxquelles sont soumis les jeunes Indiens, il n’y a pas un rite pourtant – qui soit aussi cruel que l’absence de rite. Et la vie n’a d’autre choix que de nous précipiter ensuite dans une initiation, cette fois sauvage, qui est faite non plus dans l’encadrement de ceux qui nous aiment, ou qui nous guident, de chamans, de prêtres ou d’initiés, mais dans la solitude d’un destin.
Ces catastrophes ne sont là que pour éviter le pire ! Il peut paraître très cynique de parler ainsi. J’ai connu cette période où lorsqu’on entend une chose pareille, et que l’on est plongé dans un désespoir très profond, ces propos paraissent d’un cynisme insupportable. Et pourtant quand on a commencé à percevoir que la vie est un pèlerinage, quand à une étape de ce pèlerinage on regarde en arrière, on s’aperçoit vraiment que les femmes, les hommes qui nous ont le plus fait souffrir sur cette terre sont nos maîtres véritables, et que les souffrances, les désespoirs, les maladies, les deuils ont été vraiment nos sœurs et nos frères sur le chemin.
La Nature du Réel
Nous l’écrivions à la fin de notre dernier billet : si les crises sont des pédagogues sévères et rigoureuses, parfois monstrueuses, c'est qu'elles nous montrent les limites d’une pensée réductionniste, impuissante à donner du sens et à créer du lien. Parce qu’elles sont initiatiques, les crises nous ouvrent à une nouvelle vision du monde et de nous-mêmes, en nous obligeant à penser et à vivre autrement. La crise est alors à l’origine d’une transformation intérieure - vécue par chacun d’entre nous - qui rayonne sur le monde qui nous entoure.
Dans une autre conférence prononcée à l’université de Cordoue en mars 1989, lors d’un colloque réunissant sociologies, politologues et philosophes sur « Le futur de l’homme – Un nouvel humanisme ? » Christiane Singer met en cause la fausse clarté réductionniste de la pensée moderne et le sectarisme théorique qui en découle, empêchant ainsi de saisir la nature du réel, sa complexité et sa dynamique évolutive.
Ce texte inspiré est le manifeste prémonitoire d’une culture intégrale en train d'émerger actuellement : « Dans ce système de fausse clarté réductionniste, toute complexité est perçue comme une injure. Il n'y a pas de place pour le chatoiement, la multiplicité des approches et des niveaux, la complémentarité des visions... Il serait temps de ne plus remplacer une option par une autre, de retrouver goût à cette perpétuelle mouvance, à l’infinie fluctuation des apparences, à ce transfert permanent d’énergies et d’informations, à ce jeu d’échos et de résonances dont frémissent la matière créée et l’esprit – c’est tout un. » Tel est, exprimé dans une langue vivante et inspirée, le mouvement d'une pensée post-matérialiste qui se libère de l'emprise du réductionnisme dominant pour s'éveiller à une compréhension globale où chaque phénomène est perçu comme l'expression significative du contexte où il se manifeste. L'intégration d'une multiplicité d'approches et de niveaux permet ainsi la complémentarité des visions en lieu et place de la fragmentation infinie des spécialisations disciplinaires.
Le futur de l’homme, un nouvel humanisme ? Christiane Singer
Pourquoi est-il si difficile pour notre civilisation de comprendre la nature du Réel – son mouvement fluctuant, son incessante métamorphose, ce tissu de corrélations et de complémentarités qui le constituent ?
La science contemporaine, et surtout la physique nucléaire, depuis Werner Heisenberg et Neils Bohr, ont beau nous apporter confirmation de cette nature du réel dont témoignent les anciens systèmes cosmologiques et religieux : nous persistons dans nos sociétés à chausser les lunettes réductionnistes d’un positivisme étroit à la Auguste Comte
Dans ce système de fausse clarté réductionniste toute complexité est perçue comme une injure. Il n’y pas place pour le chatoiement, la multiplicité des approches et des niveaux, la complémentarité des visions. L’esprit, tout comme la nature entière, se trouve menacé par l’effondrement du champ vibratoire, par l’entropie. Toute théorie est aussitôt atteinte du virus mortel du monopole et tend à s’imposer férocement comme exclusive, inconciliable.
Toute notre histoire européenne, tant sur le plan des idées que sur le plan social et politique, est une histoire d’ostracisme et de persécution, d’extradition et d’exclusion. Partout se nouent dans le tissu social ces nœuds de fixation, de prolifération, ces ulcères cancéreux.
Il serait temps de ne plus remplacer une option par une autre, de retrouver goût à cette perpétuelle mouvance, à l’infinie fluctuation des apparences, à ce transfert permanent d’énergies et d’informations, à ce jeu d’échos et de résonances dont frémissent la matière créée et l’esprit – c’est tout un.
Il serait temps de nous souvenir de ce que nous savons au plus profond de nous-mêmes – que les antonymes ne sont qu’une seule et même réalité, les deux côtés d’une même médaille, surgis d’une seule et même coulée ! Le monde est ce lieu de l’alliance où se célèbre la rencontre des antonymes, où le feu et la glace, le doux et l’amer, le jour et la nuit, la fête et le deuil, la vie et la mort, l’homme et la femme fêtent ensemble leurs arcanes.
Beaucoup le soupçonnent déjà : cette révolution dont il est question ici se joue en chacun de nous. Il ne s’agit pas d’un phénomène de masse qui bon gré mal gré (et le plus souvent mal gré !) transforme la vie de chacun, mais d’une transformation intérieure qui, à partir de chacun de nous rayonnera sur le monde qui nous entoure. Je n’hésite pas en ce lieu au plaisir de raconter une merveilleuse histoire de la tradition soufie : « Un vieil homme est interrogé sur la trajectoire de son existence jusqu’à ce jour. Et voilà comment il en résume les trois étapes : A vingt ans, je n’avais qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à changer ce monde si insoutenable, si impitoyable. Et vingt ans durant, je me suis battu comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’avait changé. A quarante ans, je n’avais qu’une seule prière : mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, mes parents et mes enfants ! Pendant vingt ans, j’ai lutté comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’avait changé. Maintenant, je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à me changer - et voilà que le monde change autour de moi ! »
A tous ceux qui, à longueur d’articles ou de livres, s’interrogent sur le sens de ces crises diverses en se perdant dans les détails factuels d’une analyse spécialisée, comme à ceux qui cherchent un éclairage profond et lumineux pour comprendre la situation critique où nous nous trouvons, on ne peut que recommander la lecture de ce bel ouvrage de Christiane Singer, Du bon usage des crises, paru en 96.
Ce livre est un recueil de conférences prononcées lors de divers événements, congrès ou tables rondes. La conférence qui donne son titre à l’ouvrage a été prononcée le 15 juin 1991 à Mirmande à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Durkheim dans la Drôme.
Une conspiration contre l'esprit Pour Christiane Singer, notre époque moderne, profondément matérialiste, est le théâtre de « la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit. » Une civilisation qui transforme les êtres humains en êtres de manque « des êtres qui réclament sans cesse à cor et à cri au-dehors ce qui leur manque à l’intérieur. En les tournant vers l’extérieur, on les dépouille de cette dimension d’intériorisation qui en fait des êtres libres ».
Dans un telle civilisation fondée sur le déni de l’essentiel, la crise remplace l’initiation : « Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer en profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »
Prononcée voilà près de vingt ans, cette conférence est aujourd’hui d’une brûlante actualité. Au-delà des spéculations intellectuelles et des analyses fragmentaires qui fleurissent dans les médias et en librairie, Christiane Singer nous donne à voir l’origine réelle – existentielle et spirituelle – des diverses crises que nous traversons.
Du bon usage des crises. Christiane Singer
Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usage des crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension.
Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension. Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur. C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration d’une civilisation contre l’âme, contre l’esprit.
Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer en profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. […]
Ce serait une erreur de croire que la crise est quelque chose de normal, d’inhérent à la nature humaine. Il y a de nombreuses sociétés (toutes les sociétés traditionnelles) qui ne la connaissent pas. Un ami anthropologue m’a rapporté ces mots d’un africain : « mais non monsieur, nous n’avons pas de crise, nous avons des initiations. »
L’initiation est la ritualisation des passages, la possibilité pour l’homme de passer d’un état d’être naturel, premier, à cet univers agrandi, où l’autre versant des choses est révélé. Et il s’avère que toutes ces initiations, dans leur incroyable diversité et inventivité, ont toutes la même visée : mettre l’initié en contact avec la mort, le faire mourir selon le vieux principe du « meurs et deviens ».
Que ce soient les rites des aborigènes qui enterrent les néophytes pendant trois jours sous des feuilles pourries, ou les épreuves auxquelles sont soumis les jeunes Indiens, il n’y a pas un rite pourtant – qui soit aussi cruel que l’absence de rite. Et la vie n’a d’autre choix que de nous précipiter ensuite dans une initiation, cette fois sauvage, qui est faite non plus dans l’encadrement de ceux qui nous aiment, ou qui nous guident, de chamans, de prêtres ou d’initiés, mais dans la solitude d’un destin.
Ces catastrophes ne sont là que pour éviter le pire ! Il peut paraître très cynique de parler ainsi. J’ai connu cette période où lorsqu’on entend une chose pareille, et que l’on est plongé dans un désespoir très profond, ces propos paraissent d’un cynisme insupportable. Et pourtant quand on a commencé à percevoir que la vie est un pèlerinage, quand à une étape de ce pèlerinage on regarde en arrière, on s’aperçoit vraiment que les femmes, les hommes qui nous ont le plus fait souffrir sur cette terre sont nos maîtres véritables, et que les souffrances, les désespoirs, les maladies, les deuils ont été vraiment nos sœurs et nos frères sur le chemin.
La Nature du Réel
Nous l’écrivions à la fin de notre dernier billet : si les crises sont des pédagogues sévères et rigoureuses, parfois monstrueuses, c'est qu'elles nous montrent les limites d’une pensée réductionniste, impuissante à donner du sens et à créer du lien. Parce qu’elles sont initiatiques, les crises nous ouvrent à une nouvelle vision du monde et de nous-mêmes, en nous obligeant à penser et à vivre autrement. La crise est alors à l’origine d’une transformation intérieure - vécue par chacun d’entre nous - qui rayonne sur le monde qui nous entoure.
Dans une autre conférence prononcée à l’université de Cordoue en mars 1989, lors d’un colloque réunissant sociologies, politologues et philosophes sur « Le futur de l’homme – Un nouvel humanisme ? » Christiane Singer met en cause la fausse clarté réductionniste de la pensée moderne et le sectarisme théorique qui en découle, empêchant ainsi de saisir la nature du réel, sa complexité et sa dynamique évolutive.
Ce texte inspiré est le manifeste prémonitoire d’une culture intégrale en train d'émerger actuellement : « Dans ce système de fausse clarté réductionniste, toute complexité est perçue comme une injure. Il n'y a pas de place pour le chatoiement, la multiplicité des approches et des niveaux, la complémentarité des visions... Il serait temps de ne plus remplacer une option par une autre, de retrouver goût à cette perpétuelle mouvance, à l’infinie fluctuation des apparences, à ce transfert permanent d’énergies et d’informations, à ce jeu d’échos et de résonances dont frémissent la matière créée et l’esprit – c’est tout un. » Tel est, exprimé dans une langue vivante et inspirée, le mouvement d'une pensée post-matérialiste qui se libère de l'emprise du réductionnisme dominant pour s'éveiller à une compréhension globale où chaque phénomène est perçu comme l'expression significative du contexte où il se manifeste. L'intégration d'une multiplicité d'approches et de niveaux permet ainsi la complémentarité des visions en lieu et place de la fragmentation infinie des spécialisations disciplinaires.
Le futur de l’homme, un nouvel humanisme ? Christiane Singer
Pourquoi est-il si difficile pour notre civilisation de comprendre la nature du Réel – son mouvement fluctuant, son incessante métamorphose, ce tissu de corrélations et de complémentarités qui le constituent ?
La science contemporaine, et surtout la physique nucléaire, depuis Werner Heisenberg et Neils Bohr, ont beau nous apporter confirmation de cette nature du réel dont témoignent les anciens systèmes cosmologiques et religieux : nous persistons dans nos sociétés à chausser les lunettes réductionnistes d’un positivisme étroit à la Auguste Comte
Dans ce système de fausse clarté réductionniste toute complexité est perçue comme une injure. Il n’y pas place pour le chatoiement, la multiplicité des approches et des niveaux, la complémentarité des visions. L’esprit, tout comme la nature entière, se trouve menacé par l’effondrement du champ vibratoire, par l’entropie. Toute théorie est aussitôt atteinte du virus mortel du monopole et tend à s’imposer férocement comme exclusive, inconciliable.
Toute notre histoire européenne, tant sur le plan des idées que sur le plan social et politique, est une histoire d’ostracisme et de persécution, d’extradition et d’exclusion. Partout se nouent dans le tissu social ces nœuds de fixation, de prolifération, ces ulcères cancéreux.
Il serait temps de ne plus remplacer une option par une autre, de retrouver goût à cette perpétuelle mouvance, à l’infinie fluctuation des apparences, à ce transfert permanent d’énergies et d’informations, à ce jeu d’échos et de résonances dont frémissent la matière créée et l’esprit – c’est tout un.
Il serait temps de nous souvenir de ce que nous savons au plus profond de nous-mêmes – que les antonymes ne sont qu’une seule et même réalité, les deux côtés d’une même médaille, surgis d’une seule et même coulée ! Le monde est ce lieu de l’alliance où se célèbre la rencontre des antonymes, où le feu et la glace, le doux et l’amer, le jour et la nuit, la fête et le deuil, la vie et la mort, l’homme et la femme fêtent ensemble leurs arcanes.
Beaucoup le soupçonnent déjà : cette révolution dont il est question ici se joue en chacun de nous. Il ne s’agit pas d’un phénomène de masse qui bon gré mal gré (et le plus souvent mal gré !) transforme la vie de chacun, mais d’une transformation intérieure qui, à partir de chacun de nous rayonnera sur le monde qui nous entoure. Je n’hésite pas en ce lieu au plaisir de raconter une merveilleuse histoire de la tradition soufie : « Un vieil homme est interrogé sur la trajectoire de son existence jusqu’à ce jour. Et voilà comment il en résume les trois étapes : A vingt ans, je n’avais qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à changer ce monde si insoutenable, si impitoyable. Et vingt ans durant, je me suis battu comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’avait changé. A quarante ans, je n’avais qu’une seule prière : mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, mes parents et mes enfants ! Pendant vingt ans, j’ai lutté comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’avait changé. Maintenant, je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à me changer - et voilà que le monde change autour de moi ! »
La Rage des Anciens
RépondreSupprimerY’a pas à dire mon frère, tout est clair,
Tout s’éclaire quand on partage de la lumière.
L’heure est au choix,
Ne le vois-tu pas?
Ne laisse pas les anges déchus choisir pour toi.
Il n’est pas question de religion,
Seulement de sensations, de perceptions et d’imagination
Pour construire cet avenir, qui s’exprime de la matière,
Pour choisir et s’unir à la chanson de l’univers.
On est tous des frères, l’intuition comme mère, la sagesse comme père,
On est tous en colère, c’est l’invitation à briser les barrières, à changer de bannière.
Ne reste pas dans l’ombre, ne reste pas dans leur monde.
Je t’en prie, ne te laisse pas piéger par eux,
D’ici, nous voyons déjà les décombres des prétentieux.
Rejoins la fronde métaphysique, la lutte magnétique, énergétique, pour une vraie libération.
Regarde bien tous ces cyniques cathodiques, ces démons atypiques,
Qui te manipulent par les ondes, qui te tiennent prisonnier dans leur tombe.
Ils te vendent le chaos avec tous leurs artifices, leurs images, leurs chimères, qui justifient leur soif de fric.
Mais dans l’indicible leur danse s’efface, se décompose, et explose face à trop de proses qui s’imposent et appellent au réveil planétaire.
Prends la pose, arrête toi, l’esprit à l’écoute de ce que tu ne vois pas. Regarde la misère dans les yeux, ressens la souffrance dans les creux de ton ventre, pour que jaillisse de ton coeur la rage des anciens, la rage des lendemains.
Écoute les arbres et le ciel gronder, partage leur sagesse, leur tristesse et imprègne toi de leur histoire, de notre histoire.
Celle de la matière qui s’exprime, qui s’anime et demande de l’équilibre, celle de l’univers qui s’affine et s’imprime dans nos énigmes.
L’heure est à la libération, il est temps de chanter vos propres histoires, chacun est le centre de l’univers, c’est écrit dans nos mémoires.
Réveillez-vous, rappelez-vous à la matière, rappelez-vous à l’univers, jusqu’à ce que résonnent les mots, les énergies, qu’il n’y ait plus qu’un seul flow menant à l’infini.
ML (2010)
Un Grand Merci ML pour ce bel exemple de Flow Inspiré...
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