C’est une rencontre de troisième type qui me mit en présence, il y a quelques années, d'une petite princesse de vingt ans et des poussières d'étoiles. Tête d'ange, cheveux blonds et yeux intenses, cette extra-terrestre débarqua un soir de son vaisseau alors que nous dînions chez des amis communs. En exil dans ce monde inhumain, Delphine semblait appartenir à une autre dimension.
Ayant lu certains de mes textes, elle me pressait de questions comme on le fait pour un explorateur de retour d'un long voyage dans des contrées exotiques. Ce continent dont elle était curieuse, c'était sa propre vie qu'elle abordait sans cartes et sans repères. Découvrant le monde avec un mélange d'épouvante et de curiosité, elle se sentait perdue sur une planète de signes qu’elle ne savait pas interpréter.
Delphine poursuivait des études sans chercher vraiment à les rattraper. Autour d’elle, le manège universitaire tournait en rond, de manière hypnotique, l’emportant chaque jour un peu plus loin d'elle-même, dans un tourbillon vertigineux de représentations abstraites. En elle, se creusait un vide d'où s'échappait son bien le plus précieux : cette présence intérieure d'où jaillit l'enthousiasme.
A l'université, on apprend tout. Sauf l'essentiel, bien-sûr, que l'on évite avec d'autant plus de soins qu'il pourrait mettre à jour l'imposture générale. Autour de la force subversive et contagieuse de l'essentiel, on avait donc dressé le cordon sanitaire du savoir. Comme nombre de jeunes, Delphine avait appris beaucoup de choses utiles – autant dire essentiellement inutiles – tout en ne connaissant d'elle-même et des autres qu'une image renvoyée par les écrans d'un monde qui voulait réfléchir à sa place.
Quand son entourage lui demandait " Que veux tu faire DANS la vie ? " elle répondait joyeusement: " Dans la vie, je ne sais pas... Mais par contre, je sais ce que je veux faire DE ma vie : devenir moi-même chaque jour un peu plus ". Elle n'aspirait qu'à danser sur le rythme évident de son inspiration. Faire carrière pour acquérir un statut social ? Des rêves minéraux pour des hommes sans sève.... Elle n’avait rien à perdre, ni rien à gagner. Rien à perdre si ce n’est elle-même. Rien à gagner si ce n’est un sens à sa vie.
Delphine avait grandi dans ce décor à la fois cosmique et électronique d'un village planétaire où les images se zappent et où les langages se rappent en une transe dédiée au culte de l'éphémère. Dans ce monde complètement neuf, elle se plaignait qu’on cherche à lui fourguer des mots d'occasion dont le délai de signification était révolu.
Ces mots d'hier lui paraissaient à peu près aussi anachroniques que des hiéroglyphes. Si la langue qu'elle parlait lui semblait étrange, c'est qu'elle lui était étrangère, incapable de traduire les sensations, les intuitions, les perceptions, les idées qui étaient les siennes. Une langue qui parlait d'un univers révolu, une Atlantide engloutie, d'avant le numérique, en ces temps où notre petite planète s'appelait encore le vaste monde.
Enfant des étoiles et du cyberspace, comment pouvait-elle se reconnaître dans ce rôle de terrien sculpté à même la glaise des générations passées ? Trop à l'étroit dans ce prêt à penser, elle était en quête de visions et de langages novateurs, susceptibles de faire le pont entre deux infinis : celui du dedans et celui du dehors. Elle voulait se libérer d’une vielle cartographie mentale qui trace des frontières d'un autre âge pour entrer dans une conscience-fiction dont on elle ressentait confusément l'appel. Une conscience où les forces créatrices de l’inspiration s’exprimeraient aussi bien à travers les formes esthétiques de la sensibilité qu’à travers celles, rigoureuses, de l’intelligence.
Elle était en quête d'un langage inspiré, le seul qui permet de penser une époque inédite. Ne l’ayant pas encore trouvé, elle devait se résoudre à parler la médialectique, ce dialecte utilisé par la race irradiée des absents. Conçue pour nommer tout ce qui n'est pas l'essentiel, la médialectique ne s'apprend pas. Contagieuse, elle s'attrape dans la répétition hypnotique de la banalité en célébrant la dérision et le divertissement, déesses laïques et obligatoires de la post-modernité.
Delfine regardait avec effroi ses contemporains tomber dans le puits sans fond de la résignation en répétant sans cesse, sans cesse, sans cesse, la même scène hallucinée des ambitions. Elle ne voulait pas participer à ce jeu de fous qui appellent folie tout ce qui ne ressemble pas à leur ennui. Le romancier Michel Houellebecq avait dessiné au scalpel cette nouvelle race d’individus résignés qui prennent leur impuissance pour de la lucidité.
En ce début de millénaire, l'air du temps était lourd : brumes, brouillards, nuages bas, crachin. L’atmosphère, était celle d'un long dimanche pluvieux. Ni bouleversements, ni tempêtes, mais de petites fêlures qui laissent deviner, dans le chantier d'un homme abandonné, des machines à vivre grippées par de petites fièvres. Des éruptions, bien sûr, des convulsions même, mais dans le cadre médiatique des émotions sponsorisées.
Sans perspective, les jours, comme des perles passées au fil du temps, forment un collier lourd à porter. Toutes ces journées qui passent et qui se ressemblent, la jupe plissée, le regard droit à se regarder dans la glace d'un avenir qui ne vient toujours pas. Toutes ces nuits qui vous enlacent dans l'angoisse du petit matin...
Dans cette ambiance mortifère, le conformisme d'une pensée confortable faisait son lit d'une chape de plomb. On vivait à l'imparfait dans un bain collectif de normose et de soumission, noyant tout élan vital et dissolvant toute force créatrice. Considérés comme des empêcheurs de penser en rond, ceux qui refusaient de se couler dans le moule étaient jetés en pâture au public dans les arènes médiatiques comme de nouveaux hérétiques.
Comment donc lutter contre cette fatigue colossale, cette torpeur confortable des compromis et des faux-semblants ? Que faire contre cet ordre des choses auquel obéit l'armée du nombre ? Comment peut-on être jeune, sensible et se rendre complice de ces crimes contre l'humanité que sont l'indifférence et la servilité, le renoncement et le dégoût ?
Ces questions, et bien d'autres, Delphine me les posait avec la violence de ceux à qui l’ont n’a pas transmis les mots d’ailes qui permettent de grandir en humanité. Des mots à apprendre par cœur pour soigner les maux d’une génération squattée par une tribu sauvage de pensées, d'émotions et de désirs contradictoires qu'aucun idéal supérieur n'était en mesure d'harmoniser et d'unifier. Après des générations d'hommes au service d'un idéal qui les grandissait, était venu le temps d'une lente dégénération asservie par le désoeuvrement.
Les feux de l'artifice avaient donc brûlé les ailes de Delphine, lui donnant cette soif d'absolu que rien ne parvenait à étancher. Comme toute personne qui rêve d'explorer ses sommets, elle cherchait un guide - non par soumission lâche ou par intérêt, comme l'animal cherche le maître - mais parce qu'elle entrevoyait parfois, derrière les apparences, au fond d'elle-même, une autre réalité qui ressemblait à un jardin secret.
C’est ainsi qu’elle s’était plongée dans les livres et qu’elle avait failli se noyer sous le poids des mots. Nombre d’écrivains s’étaient transformés en maquereaux de la littérature, faisant commerce de l’absurdité, tout en surveillant d’un œil cupide la rue où se pavanaient leurs idées. Plus l'homme se sent isolé et plus il se croit obligé de semer des phrases comme autant de traces de son égarement. On n'avait jamais autant parlé pour dire si peu de choses. Jamais autant écrit de textes aussi insignifiants.
Usée, blasée, désabusée, l'encre noire de ces écrits vains épousait un style neutre, d'une blancheur cadavérique, pour accoucher de cet univers gris qui est celui du cauchemar aseptisé de la post-modernité. D'où cette culture crépusculaire écrite avec l'alphabet du renoncement, cette littérature d'exil pleine d'histoires dérisoires où s'affrontent l'homme et l'inhumain.
Delphine était sortie transie de toutes ses pages muettes dans lesquelles la froideur clinique du style avait évacuée la fraîcheur poétique de l'inspiration. Elle n'y trouvait aucun écho au chant secret de son âme mais une vision filtrée à travers les verres opaques d'une désespérance dont le rôle était de se protéger de l'intensité du sublime.
Ce sublime dont elle recherchait des traces, elle ne le trouvait pas, non plus, dans des traditions qui lui paraissaient anachroniques, comme sorties de l'almanach poussiéreux où sont racontées les merveilleuses légendes du passé. L'image de Dieu le Père était allée rejoindre celle du fils et de l'esprit sain dans un corps sain à la maison de retraite des mythes bouffés aux mites. Leur date de conversion est périmée.
Pour Delphine, comme pour tant d'autres de sa génération, religion était un synonyme de résignation et rimait avec abnégation : tout un héritage ancestral érigé en morale souffreteuse pour canaliser l'ardeur des faibles, justifiant ainsi leur droit de suivre et leur devoir de se taire.
Quant à la souffrance, trop incarnée en ce monde, impossible de l'adorer comme une déesse. Les croassements masochistes des prêcheurs éveillaient en elle une envie infernale de pêcher par pensée, par parole, par action et même, peut-être surtout, par omission. Comment aurait-elle pu se contenter de cette eau bénite, tombée d'un ciel dévot ? Ses racines puisaient dans un sol bien plus riche et ses fruits aspiraient à d'autres couleurs que le rouge de la honte ou le noir du sacrifice.
Avec la rigueur du policier qui mène son enquête et qui interroge un suspect, elle cherchait à connaître mes secrets. Quel était ce paysage dont elle avait intuition mais dont elle ne disposait pas des cartes ? Quel était ce nouveau monde dont elle était enceinte et qu’elle ne parvenait pas à accoucher ? Quel était ce chant secret qui l’emportait parfois vers une harmonie subtile et une profonde intensité ?
Toutes ces questions n'étaient que l'écho d'une quête éperdue : celle d'un sens qui aurait donné à sa vie une perspective et une dynamique. Le désordre était un désert intérieur dont elle cherchait à s'évader en cherchant intuitivement la source vibrale où s'origine le monde.
Ayant lu certains de mes textes, elle me pressait de questions comme on le fait pour un explorateur de retour d'un long voyage dans des contrées exotiques. Ce continent dont elle était curieuse, c'était sa propre vie qu'elle abordait sans cartes et sans repères. Découvrant le monde avec un mélange d'épouvante et de curiosité, elle se sentait perdue sur une planète de signes qu’elle ne savait pas interpréter.
Delphine poursuivait des études sans chercher vraiment à les rattraper. Autour d’elle, le manège universitaire tournait en rond, de manière hypnotique, l’emportant chaque jour un peu plus loin d'elle-même, dans un tourbillon vertigineux de représentations abstraites. En elle, se creusait un vide d'où s'échappait son bien le plus précieux : cette présence intérieure d'où jaillit l'enthousiasme.
A l'université, on apprend tout. Sauf l'essentiel, bien-sûr, que l'on évite avec d'autant plus de soins qu'il pourrait mettre à jour l'imposture générale. Autour de la force subversive et contagieuse de l'essentiel, on avait donc dressé le cordon sanitaire du savoir. Comme nombre de jeunes, Delphine avait appris beaucoup de choses utiles – autant dire essentiellement inutiles – tout en ne connaissant d'elle-même et des autres qu'une image renvoyée par les écrans d'un monde qui voulait réfléchir à sa place.
Quand son entourage lui demandait " Que veux tu faire DANS la vie ? " elle répondait joyeusement: " Dans la vie, je ne sais pas... Mais par contre, je sais ce que je veux faire DE ma vie : devenir moi-même chaque jour un peu plus ". Elle n'aspirait qu'à danser sur le rythme évident de son inspiration. Faire carrière pour acquérir un statut social ? Des rêves minéraux pour des hommes sans sève.... Elle n’avait rien à perdre, ni rien à gagner. Rien à perdre si ce n’est elle-même. Rien à gagner si ce n’est un sens à sa vie.
Delphine avait grandi dans ce décor à la fois cosmique et électronique d'un village planétaire où les images se zappent et où les langages se rappent en une transe dédiée au culte de l'éphémère. Dans ce monde complètement neuf, elle se plaignait qu’on cherche à lui fourguer des mots d'occasion dont le délai de signification était révolu.
Ces mots d'hier lui paraissaient à peu près aussi anachroniques que des hiéroglyphes. Si la langue qu'elle parlait lui semblait étrange, c'est qu'elle lui était étrangère, incapable de traduire les sensations, les intuitions, les perceptions, les idées qui étaient les siennes. Une langue qui parlait d'un univers révolu, une Atlantide engloutie, d'avant le numérique, en ces temps où notre petite planète s'appelait encore le vaste monde.
Enfant des étoiles et du cyberspace, comment pouvait-elle se reconnaître dans ce rôle de terrien sculpté à même la glaise des générations passées ? Trop à l'étroit dans ce prêt à penser, elle était en quête de visions et de langages novateurs, susceptibles de faire le pont entre deux infinis : celui du dedans et celui du dehors. Elle voulait se libérer d’une vielle cartographie mentale qui trace des frontières d'un autre âge pour entrer dans une conscience-fiction dont on elle ressentait confusément l'appel. Une conscience où les forces créatrices de l’inspiration s’exprimeraient aussi bien à travers les formes esthétiques de la sensibilité qu’à travers celles, rigoureuses, de l’intelligence.
Elle était en quête d'un langage inspiré, le seul qui permet de penser une époque inédite. Ne l’ayant pas encore trouvé, elle devait se résoudre à parler la médialectique, ce dialecte utilisé par la race irradiée des absents. Conçue pour nommer tout ce qui n'est pas l'essentiel, la médialectique ne s'apprend pas. Contagieuse, elle s'attrape dans la répétition hypnotique de la banalité en célébrant la dérision et le divertissement, déesses laïques et obligatoires de la post-modernité.
Delfine regardait avec effroi ses contemporains tomber dans le puits sans fond de la résignation en répétant sans cesse, sans cesse, sans cesse, la même scène hallucinée des ambitions. Elle ne voulait pas participer à ce jeu de fous qui appellent folie tout ce qui ne ressemble pas à leur ennui. Le romancier Michel Houellebecq avait dessiné au scalpel cette nouvelle race d’individus résignés qui prennent leur impuissance pour de la lucidité.
En ce début de millénaire, l'air du temps était lourd : brumes, brouillards, nuages bas, crachin. L’atmosphère, était celle d'un long dimanche pluvieux. Ni bouleversements, ni tempêtes, mais de petites fêlures qui laissent deviner, dans le chantier d'un homme abandonné, des machines à vivre grippées par de petites fièvres. Des éruptions, bien sûr, des convulsions même, mais dans le cadre médiatique des émotions sponsorisées.
Sans perspective, les jours, comme des perles passées au fil du temps, forment un collier lourd à porter. Toutes ces journées qui passent et qui se ressemblent, la jupe plissée, le regard droit à se regarder dans la glace d'un avenir qui ne vient toujours pas. Toutes ces nuits qui vous enlacent dans l'angoisse du petit matin...
Dans cette ambiance mortifère, le conformisme d'une pensée confortable faisait son lit d'une chape de plomb. On vivait à l'imparfait dans un bain collectif de normose et de soumission, noyant tout élan vital et dissolvant toute force créatrice. Considérés comme des empêcheurs de penser en rond, ceux qui refusaient de se couler dans le moule étaient jetés en pâture au public dans les arènes médiatiques comme de nouveaux hérétiques.
Comment donc lutter contre cette fatigue colossale, cette torpeur confortable des compromis et des faux-semblants ? Que faire contre cet ordre des choses auquel obéit l'armée du nombre ? Comment peut-on être jeune, sensible et se rendre complice de ces crimes contre l'humanité que sont l'indifférence et la servilité, le renoncement et le dégoût ?
Ces questions, et bien d'autres, Delphine me les posait avec la violence de ceux à qui l’ont n’a pas transmis les mots d’ailes qui permettent de grandir en humanité. Des mots à apprendre par cœur pour soigner les maux d’une génération squattée par une tribu sauvage de pensées, d'émotions et de désirs contradictoires qu'aucun idéal supérieur n'était en mesure d'harmoniser et d'unifier. Après des générations d'hommes au service d'un idéal qui les grandissait, était venu le temps d'une lente dégénération asservie par le désoeuvrement.
Les feux de l'artifice avaient donc brûlé les ailes de Delphine, lui donnant cette soif d'absolu que rien ne parvenait à étancher. Comme toute personne qui rêve d'explorer ses sommets, elle cherchait un guide - non par soumission lâche ou par intérêt, comme l'animal cherche le maître - mais parce qu'elle entrevoyait parfois, derrière les apparences, au fond d'elle-même, une autre réalité qui ressemblait à un jardin secret.
C’est ainsi qu’elle s’était plongée dans les livres et qu’elle avait failli se noyer sous le poids des mots. Nombre d’écrivains s’étaient transformés en maquereaux de la littérature, faisant commerce de l’absurdité, tout en surveillant d’un œil cupide la rue où se pavanaient leurs idées. Plus l'homme se sent isolé et plus il se croit obligé de semer des phrases comme autant de traces de son égarement. On n'avait jamais autant parlé pour dire si peu de choses. Jamais autant écrit de textes aussi insignifiants.
Usée, blasée, désabusée, l'encre noire de ces écrits vains épousait un style neutre, d'une blancheur cadavérique, pour accoucher de cet univers gris qui est celui du cauchemar aseptisé de la post-modernité. D'où cette culture crépusculaire écrite avec l'alphabet du renoncement, cette littérature d'exil pleine d'histoires dérisoires où s'affrontent l'homme et l'inhumain.
Delphine était sortie transie de toutes ses pages muettes dans lesquelles la froideur clinique du style avait évacuée la fraîcheur poétique de l'inspiration. Elle n'y trouvait aucun écho au chant secret de son âme mais une vision filtrée à travers les verres opaques d'une désespérance dont le rôle était de se protéger de l'intensité du sublime.
Ce sublime dont elle recherchait des traces, elle ne le trouvait pas, non plus, dans des traditions qui lui paraissaient anachroniques, comme sorties de l'almanach poussiéreux où sont racontées les merveilleuses légendes du passé. L'image de Dieu le Père était allée rejoindre celle du fils et de l'esprit sain dans un corps sain à la maison de retraite des mythes bouffés aux mites. Leur date de conversion est périmée.
Pour Delphine, comme pour tant d'autres de sa génération, religion était un synonyme de résignation et rimait avec abnégation : tout un héritage ancestral érigé en morale souffreteuse pour canaliser l'ardeur des faibles, justifiant ainsi leur droit de suivre et leur devoir de se taire.
Quant à la souffrance, trop incarnée en ce monde, impossible de l'adorer comme une déesse. Les croassements masochistes des prêcheurs éveillaient en elle une envie infernale de pêcher par pensée, par parole, par action et même, peut-être surtout, par omission. Comment aurait-elle pu se contenter de cette eau bénite, tombée d'un ciel dévot ? Ses racines puisaient dans un sol bien plus riche et ses fruits aspiraient à d'autres couleurs que le rouge de la honte ou le noir du sacrifice.
Avec la rigueur du policier qui mène son enquête et qui interroge un suspect, elle cherchait à connaître mes secrets. Quel était ce paysage dont elle avait intuition mais dont elle ne disposait pas des cartes ? Quel était ce nouveau monde dont elle était enceinte et qu’elle ne parvenait pas à accoucher ? Quel était ce chant secret qui l’emportait parfois vers une harmonie subtile et une profonde intensité ?
Toutes ces questions n'étaient que l'écho d'une quête éperdue : celle d'un sens qui aurait donné à sa vie une perspective et une dynamique. Le désordre était un désert intérieur dont elle cherchait à s'évader en cherchant intuitivement la source vibrale où s'origine le monde.
Il y a tant de Delfines dans ce monde... vêtues d' Aurelies, Geraldines, Sandrines,Dina, Coralines, Angelines et pour quoi pas des Rosines?
RépondreSupprimerTu as décrit avec tant de justesse le périple de tant d'âmes en corps de femme sur notre planète... bravo M. Breteau