Changeons le système, pas le climat.
La propagande médiatique et gouvernementale est si intense qu’il faudrait être aveugle ou malentendant pour ne pas savoir que se tiendra à Paris en Décembre une conférence internationale sur le climat (COP21) dont le but est d’aboutir à un nouvel accord, applicable à tous les pays, pour maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C, limite au-delà de laquelle les changements climatiques pourraient avoir un effet dévastateur sur la planète et les être humains. En Décembre 2009, la Conférence de Copenhague (COP 15) fut le dernier grand rendez-vous de ce type et se solda par un échec : alors qu’un nouvel accord international devait succéder au protocole de Kyoto, on aboutit à un accord a minima, juridiquement non contraignant, sans proposer de dates-butoirs ni d'objectifs quantitatifs.
En Janvier 2010, alors que je commençais la rédaction du Journal Intégral, j’intitulais mon second billet Le Syndrome de Copenhague. J’y analysais cet échec comme le refus de remettre en question le modèle (économique, technocratique et culturel) dominant à l’origine du réchauffement climatique. Une réflexion résumée par une parole de Lama Denys Rinpoche : " L'écologie extérieure sans écologie intérieure n'est qu'illusion... Intérieur et extérieur sont interdépendants. Sans un changement intérieur de mentalité et de relation, vouloir un changement à l'extérieur est illusoire".
Quand l'Obs demande à Pierre Rabhi ce qu'il pense de la COP 21, celui-ci évoque : " Un rituel stupide qui laisse croire au bon peuple que les pouvoirs publics s'occupent de l'environnement. Peut-être que la COP 88 prendra enfin les mesures qui s'imposent..." Dans le contexte anesthésiant de la propagande médiatique créée autour de cet évènement, je vous propose donc de lire (ou relire) ce billet sur le syndrome de Copenhague où est affirmée la nécessité d’une approche intégrale de l’écologie qui trouve ces temps-çi des porte-paroles emblématiques comme le Pape François ou Nicolas Hulot. En reprenant dans son encyclique Laudato Si’ le concept d’écologie intégrale, le premier lui a donné récemment une visibilité planétaire. Dans "Osons" son dernier livre-manifeste, le second écrit : " Penser écologique c'est penser intégral".
Pour mieux comprendre le sens de cette pensée intégrale à laquelle ce blog est dédié depuis près de six ans, nous proposerons ensuite le premier billet du Journal Intégral où je définissais sa ligne éditoriale en reprenant la formule de Francis Blanche : "Face au monde qui bouge, mieux vaut penser le changement que changer le pansement". Penser le changement c'est considérer la crise écologique comme une des nombreuses manifestations d'une crise évolutive qui nécessite un saut qualitatif pour appréhender la complexité d'un monde où "tout est lié".
Le syndrome de Copenhague (06/06/10)
Victime du syndrome de Copenhague, la petite sirène est triste !... Le sommet sur le changement climatique a révélé un gouffre d'incompréhension entre des états aux intérêts divergents. A l'aune des espérances qu'il avait suscité, ce sommet accouche d'une souris rachitique. Faut-il s'en étonner ?
Faute d'une vision globale, le sujet essentiel n'a pas été esquissé mais esquivé. Ce sujet est celui des relations entre le réchauffement climatique et les modèles - sociaux, économiques et culturels - à l'origine de la crise écologique. Car nos représentations mentales sont des modèles qui créent les modalités comportementales et culturelles à travers lesquelles, en entrant en relation avec notre milieu, nous le transformons. Les crises auxquelles nous sommes confrontées expriment l'inadaptation des modèles qui déterminent nos modes de vie. Lord Byron écrivait : " Les épines que j'ai recueillies viennent de l'arbre que j'ai planté." Ce que la sagesse des nations traduit par un proverbe fort écologique : on récolte ce que l'on sème...
Absorbés par une sorte de transe technologique, nos contemporains ont oublié cette simple évidence, à savoir que notre environnement nous reflète. Il est le miroir de ce que nous sommes. Ce qui se passe autour de nous est aussi la manifestation de ce qui se passe en nous. Ce qui fait dire à Denys Rinpoche : " L'écologie extérieure sans écologie intérieure n'est qu'illusion... Intérieur et extérieur sont interdépendants. Sans un changement intérieur de mentalité et de relation, vouloir un changement à l'extérieur est illusoire". Comment le monde pourrait-il changer si nous ne changeons pas, d'abord et avant tout, nous-même ? Une évidence à l'origine de l'exhortation de Gandhi : "Soyez le changement que vous désirez voir dans le monde".
Un rituel de conjuration
L'échec du sommet de Copenhague pointe spectaculairement l'index sur le paradoxe suivant : pourquoi ces réflexions basiques sur l'interdépendance entre intériorité et environnement, accessibles à un enfant de dix ans, ne sont-elles pas au cœur de nos débats sur la crise écologique ? Sans doute trop simples et trop évidentes, elles remettent en question notre inertie, c'est à dire nos habitudes et nos intérêts, ainsi que notre conformisme, c'est à dire notre mimétisme et nos identifications. Oups !... Rien que cela !... Il est donc bien plus facile de se réfugier dans un déni généralisé qui ne fait, somme toute, que révéler notre peur panique du changement et notre nature profondément conservatrice.
Ce déni conduit à un profond clivage : nous cherchons de manière consciente à trouver des solutions en ayant la ferme intention - inconsciente - de ne rien changer de fondamental. Ce clivage est à l'origine de ces formidables oxymores que sont le "développement durable" ou le "capitalisme vert". Comme si l'on pouvait d'une part préserver et renouveler les ressources naturelles et d'autre part avoir une stratégie de croissance fondée sur l'exploitation de ces mêmes ressources !... Formidable schizophrénie qui fait dire à Kenneth Boulding : "Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou soit un économiste". L'oxymore libéral du développement durable est une magnifique illustration, quasi surréaliste, de cet aphorisme de Lampedusa selon lequel il faut que tout change pour que rien ne change.
Tels des médecins fascinés par les symptômes qu'ils cherchent à éradiquer - comme on cherche à casser le thermomètre qui indique la fièvre - les experts et décideurs traitent des problèmes écologiques en général, et du réchauffement climatique en particulier, avec le mode de pensée technocratique - spécialisé, objectif et fragmentaire - à l'origine même des désastres qu'ils veulent solutionner !... Dès lors les grands messes, style Sommet de Copenhague ou Grenelle de l'environnement apparaissent pour ce qu'elles sont en fait : des rituels collectifs de conjuration fondés sur le déni des véritables enjeux de civilisation qui sont ceux d'une évolution radicale des sensibilités et des mentalités.
Servitude volontaire
On connaissait le Syndrome de Stockholm qui désigne la propension des otages à sympathiser avec leurs ravisseurs. Stockholm n'est pas loin de Copenhague. On peut aujourd'hui parler du Syndrome de Copenhague pour désigner la propension des êtres humains à devenir les otages d'une servitude volontaire qui les rend complices des processus destructeurs de la biosphère. Grandes messes écologiques et discours ostentatoires sont autant de leurres qui visent à pointer l'accessoire pour ne pas surtout pas avoir à toucher l'essentiel.
Il s'agit d'ériger le déni généralisé en stratégies aussi spectaculaires que dilatoires. Que tout change donc, apparemment, pour que rien ne change à cette forme de servitude volontaire qui consiste à échanger sa liberté intérieure, ses intuitions créatrices et son bien-être contre la sécurité illusoire des habitudes mortifères de vivre et de penser. Seuls certains écologiques (qualifiés de radicaux parce qu'ils vont à la racine des problèmes), des organisations non gouvernementales ou des militants altermondialistes osent poser le vrai problème : celui de la remise en question de modèles inadaptés, devenus pathogènes.
Car le réchauffement climatique n'est qu'une des dimensions d'une crise écologique qui, elle-même, n'est qu'une dimension d'une crise globale dont les multiples expressions - économiques, énergétiques, culturelles, nucléaires, financières, géopolitiques, démographiques - posent un défi vertigineux : celui de la survie de l'espèce et, à travers elle, de la préservation d'un patrimoine évolutif de plusieurs millions d'années.
Vision systémique
Le déni de cette situation consiste à envisager tous ces problèmes séparément sans percevoir la dimension systémique qui les relie. Se focaliser sur les symptômes et chercher à les éradiquer à partir des modèles qui les ont générés, est encore le meilleur moyen que l'on a trouvé pour s'enfoncer plus avant dans la crise.
L'attitude évolutionnaire consiste, quant à elle, à percevoir chacune de ces crises dans la relation dynamique qu'elle entretient avec les autres à partir de l'ensemble systémique dont elles sont, chacune, l'expression. Cet ensemble est celui d'une crise globale qui exprime, de manière objective, l'inadaptation de notre pensée à l'évolution de notre puissance technologique.
Un tel diagnostic, et lui seul, permet d'envisager les stratégies évolutives et les modèles novateurs susceptibles de nous libérer de cette fragmentation aliénante de la pensée. Et ce n'est pas un hasard si, au moment où ces crises se font de plus en plus graves et nombreuses, apparaissent de nouvelles perspectives évolutives qui s'expriment notamment par l'émergence d'une culture intégrale et d'une intelligence collective capable de la diffuser à travers les réseaux sociaux et informatifs des technologies numériques.
"Face au monde qui bouge, mieux vaut penser le changement que changer le pansement" !... (4/1/2010)
Tous deux hommes d'esprit, l'humoriste et le chercheur partagent, de fait, le même regard subversif qui déplace les lignes et invente de nouveaux horizons en se riant des habitudes. Partagée par les gens d'esprit, cette nécessité d'une mutation de conscience a été expliquée par Edgard Morin en 1988, il y a plus de vingt ans, dans le magazine Nouvelles Clés :
" Il faut peut-être que la crise s'approfondisse, approcher plus près du désastre, pour provoquer les sursauts de la prise de conscience. Comment viennent les grandes solutions dans l'histoire de l'humanité ? Par la jonction d'un courant profond et inconscient qui traverse des milliers d'individus, et des idées hyper conscientes qui jaillissent de quelques esprits. C'est cette jonction qui fait les grands mouvements. Il faut espérer que quelque chose de cet ordre va se produire...
La seule chose que je crois, c'est que la révolution salutaire ne pourra pas venir uniquement de l'extérieur, c'est à dire par des réformes d'institutions, par des changements économiques et politiques. La mutation viendra aussi de l'intérieur, et sans doute à deux niveaux : d'abord par ce que j'appelle la réforme de la pensée, qui consiste à penser de manière plus complexe et plus riche, plus adéquate, moins mutilée; et deuxièmement par une réintériorisation de l'existence humaine qui cessera de s'agiter dans tous les sens uniquement en fonction des conquêtes extérieures, de plus en plus artificiellement stimulées et surexcitées.
Je mets donc comme condition à la sortie de l'agonie une réforme intérieure, dans les deux sens du terme : l'un beaucoup plus réflexif et intellectuel, l'autre beaucoup plus intériorisé, dans le sens de la vie de l'âme, pour employer ce mot entre guillemets, bien qu'il corresponde à une réalité profonde." (Entretien repris dans Nouvelles Clés n°58, Spécial : 20 ans d'entretiens visionnaires)
Le Journal Intégral cherchera à rendre compte des avancées et obstacles rencontrés par cette réforme intérieure qui est fondée à la fois sur l'élaboration d'un nouveau mode de pensée, intégral, et sur un retour aux sources vivifiantes de l'intériorité. Parce qu'elle retrouve l'esprit au cœur de l'humain, cette réforme de la pensée replace l'homme au cœur d'une société que l'économie avait colonisée.
Ressources
Dans Le Journal Intégral
Le Syndrome de Copenhague (04/06/10)
Sous le libellé Écologie Intégrale, voir les 14 billets consacrés à ce sujet.
Osons : Plaidoyer d'un homme libre. Nicolas Hulot
Laudato Si' Pape François
Je ne suis pas né pour augmenter le produit national brut : visite chez Pierre Rabhi L'Obs
Osons : Plaidoyer d'un homme libre. Nicolas Hulot
Laudato Si' Pape François
Je ne suis pas né pour augmenter le produit national brut : visite chez Pierre Rabhi L'Obs
Suite de mon message :
RépondreSupprimerSa vision de l'écologie est basée sur une vision romantique de l'homme, ou la nature est idéalisée et l'être humain moderne est diabolisé. L'être humain étant foncièrement mauvais et le but est de minimiser au maximum ces actions. Un des problèmes de Rabhi est qu'il prône une sobriété extérieure, mais qu'il ne donne dans ces livres aucun outil pour développer la sobriété intérieure. Le développement de celle-ci vient avec une pratique spirituelle, et je n'ai jamais entendu beaucoup parler de celle-ci dans la bouche de Rabhi. Peut-être que certaines personnes deviendront naturellement sobre en se retirant dans la campagne et en cultivant des tomates bio ;-) , mais je doute que ce soit une solution applicable à la majorité de la population.
Pierre Rabhi n'arrête pas de critiquer la notion de croissance. Mais le problème n'est pas vraiment la croissance, mais l’obsession de celle-ci et qu'on en ait fait une fin en soi. L'être humain a toujours été curieux et a toujours voulu comprendre le monde dans lequel il vit. Il a également toujours voulu améliorer ses conditions de vie. Croire que cela va s'arrêter est totalement utopique. Par contre il est clair qu'il faut développe beaucoup sa croissance personnelle et spirituelle.
Philippe.
Une dernière remarque a propos de la phrase : "Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou soit un économiste".
RépondreSupprimerPour moi cette phrase n'a aucun sens . Bien sûr que les ressources sur cette planète sont finis, mais la possibilité de l'être humain d'évoluer et d'augmenter ces connaissances sont infinis. On le voit bien tous les jours avec les découvertes technologiques qui sont de plus en plus rapides. Après le vrai problème est qu'il faut qu'il se développe également moralement, sinon les conséquences sont catastrophiques.
Philippe.
Apocalypse signifie révélation. Les connaissances sur le vivant nous disent clairement que nous avons en tant qu'espèce provoqué une crise évolutive : le changement climatique s'accompagne de la sixième grande extinction, et aussi d'un bouleversement des écosystèmes significatifs de toutes les grandes crises évolutives précédentes. Si apocalypse il y a ce sera certainement l'émergence d'une nouvelle manière d'être biologique. Et là la connaissance mentale n'est guère pertinente. Si on suit la connaissance mentale en biologie, il n'y a rien de nouveau sous le soleil depuis les cellules. La connaissance mentale ne peut pas être à la hauteur de l'expérience spirituelle. Un ordinateur pourra faire mieux que notre connaissance mentale mais la connaissance surmentale ou supramentale de l'expérience spirituelle restera inconnue. Ce point de vue intérieur sur une dimension de la conscience qui ne peut être ramenée à une connaissance mentale et donc qui n'est pas modélisable selon des schémas et des modèles mentaux ouvre à la possibilité d'un niveau de conscience possiblement autre. On peut tenter des analogies : la conscience du chien ou du chat n'arrive pas à envisager la conscience humaine dans sa profondeur même s'ils peuvent échanger avec elle. Certains éthologues estiment que le chat dans une famille humaine se prend pour un humain mais quelque chose a priori lui échappe.
RépondreSupprimerDu point de vue d'une expérience d'une conscience spirituelle ouvrant à une aventure au-delà de la conscience mentale, il est évident que la croissance de la culture humaine ne peut être infinie. L'homme mental titanisé ne sera qu'une impasse. L'homme augmenté ne sera qu'un homme qui tombera d'autant plus sur les limites. Un enfant qui balbutiera le nouveau niveau de conscience qui émergera de cette crise évolutive brisera d'un geste ses jouets titanesques et l'homme mental sera plus nu qu'à l'aube de sa venue évolutive. Indice majeur : toutes les technologies ont leur faille et leur panne... Toutes ont un défaut de conscience, une inconscience non pas morale mais ontologiquement indépassable... Une évolution authentique ne peut être qu'une évolution de la conscience au-delà de la conscience ordinaire réduite à un moi mental, émotionnel logeant dans un corps et étendu matériellement avec des artefacts pensés mentalement... La véritable connaissance est de savoir participer de plus en plus consciemment à l'évolution de la conscience. Le chemin de la connaissance est peut-être en ce sens infini mais si on parle de la connaissance exclusivement mentale, on s'enlisera dans système dont la boïte noire échappera de plus en plus à notre conscience et donc de moins en moins à la faille de la crise évolutive du mental en cours...
Pierre Rabbhi est un disciple de Krishnamurti. Au centre de l'expérience de ce dernier il y a ce qu'il appelle "Otherness" surgissant quand tous les chemins de la conscience mentale ont révélé leur vanité.
Dans le monde finissant de la conscience mentale, ce sont nos folies et nos désirs consuméristes égocentriques qui pensent encore en nous que la pensée est le chemin le plus juste vers le réel.
Bien sûr ce discours est encore de la pensée. Mais la pensée usuelle et ordinaire a toujours pour signifié le signifiant : le mental nourrit le mental, l'ego parle de lui-même et voit un monde où le réel et la pensée pourrait coïncider (Hegel pose clairement le problème le réel est-il ou non rationnel, pensable intégralement ? Et il saisit là l'ultime ressort de la modernité et de la postmodernité hypermoderne si l'on veut). Ici dans cette philosophie de l'évolution au-delà du mental humain ordinaire, le signifié est en dehors de tout signifiant mental même si ce signifié est simultanément à la source de l'être et du monde mental. Il ne s'agit pas de fournir une pensée intégrale (comme Hegel) mais de viser à une aventure intérieure de la conscience usant d'une spiritualité intégrale.
La question de la peur dans une perspective spirituelle ne se posera pas puisque faisant l'expérience de la conscience au-delà du mental nous découvrons que nous ne sommes pas ce corps fini, vulnérable et mortel auquel nous nous sommes identifiés jusque là. Associer spiritualité et écologie ne peut donc pas consister à promouvoir la peur. La recherche spirituelle consiste à expérimenter l'au-delà de la peur. Cependant si nous découvrons une dimension de nous même non enfermée dans un corps limité et mortel, il n'empêche que par la spiritualité nous pouvons découvrir que nous participons intérieurement à la manifestation d'une toile du vivant. Susciter la peur pour imposer l'écologie n'est pas du tout un chemin spirituel : ce serait de la politique au sens d'un art de la manipulation et c'est bien ce sens de la politique qui doit être dépassé ou abandonné si une évolution de la conscience passe par une spiritualité intégrale. Dernier point la peur est bien souvent ce qui en réaction mène au cynisme et amplifie la dégradation de l'environnement. Pascal a bien vu que le divertissement face à la mort induit le fait de risquer sa vie : au cœur de l'action la plus risquée je n'ai plus à penser à la mort. Aujourd'hui le cynisme est un divertissement devant la peur de la fin de toute humanité : c'est donc le fruit d'une double négation d'un amour pur au cœur de l'être...
RépondreSupprimerSi l'on hume "l'air du temps" on constate qu'il n'y a pas que le climat atmosphérique qui se réchauffe mais aussi le climat social, moral, politique. La surchauffe est due à un emballement ; toujours plus pour moins ! Cela a pour effet un climat délétère, un stress, une dégradation, une suspicion qui affecte nos comportements et nos relations. Quelque chose semble finir et c'est peut-être tant mieux sans que nous sachions sur quoi retomber.
RépondreSupprimer"La beauté sauvera le monde" Dostoïevski.
Je me mords souvent les doigts à vouloir occuper le vide silencieux et vivant qui a momentanément aboli toute perspective. La beauté de l'inattendu m'a pourtant déjà chuchoté ses demains merveilleux...
RépondreSupprimer@Serge. Merci du commentaire où vous pointez une vérité insuffisamment exprimée dans le billet ci-dessus sur le Syndrome de Copenhague. Le saut évolutif vers une écologie intégrale ne réside pas seulement dans un changement de modèle lié au mental mais dans ce changement de mode d’être qu’est l’éveil à une conscience supramentale. Comme vous l’écrivez fort bien : « Une évolution authentique ne peut être qu'une évolution de la conscience au-delà de la conscience ordinaire réduite à un moi mental, émotionnel logeant dans un corps et étendu matériellement avec des artefacts pensés mentalement. » Si il y a une émergence de nouveaux modèle, elle sera la conséquence d’un authentique saut de conscience dépassant les limitations du mental et de l’égo. Il ne s’agit pas seulement de faire évoluer le mental mais de le dépasser pour accéder à une conscience supramentale, telle qu’elle est évoquée notamment par Sri Aurobindo. M’adressant à un public qui n’est pas toujours sensibilisé à ce type d’approche supramentale, j’essaie, dans un souci pédagogique, de tenir un langage qui puisse être entendu, au risque de mésinterprétation. Merci donc pour cette nuance fondamentale que vous apportez et qui verticalise mon propos. A force de se vouloir pédagogue on peut en oublier l’essentiel. Je me permettrais de citer un extrait de votre commentaire dans un prochain billet car il éclaire le contexte évolutionnaire qui doit être au cœur d’une écologie intégrale. N’hésitez pas à faire part de vos commentaires qui sont toujours pour moi source de réflexion.
RépondreSupprimer@ Philippe. Il faudrait pouvoir répondre de manière détaillée à vos nombreuses remarques intéressantes et légitimes qui suscitent le débat. A l’occasion de la Cop21, Le Syndrome de Copenhague est le premier billet d’une série sur l’écologie intégrale fondée à la fois sur une « abondance conviviale », une mutation culturelle et un développement psycho-spirituel. Je ne chercherais donc pas à répondre de manière détaillée à vos remarques, sachant que j’y répondrai, peu ou prou et à ma manière, dans les billets suivants.
RépondreSupprimerDans un billet intitulé Apocalyse now, j’aborde la dynamique apocalyptique de l’évolution selon laquelle le dévoilement d’un ordre supérieur est toujours accompagné d’une trans-formation/destruction de l’ordre ancien… Il ne faut pas caricaturer Pierre Rabhi qui se réfère souvent au sacré dans sa démarche et dont la spiritualité est inspirée notamment par Krishnamurti comme l’évoque Serge Durand. En lançant sa campagne sur La révolution intérieure auquel j’ai consacré un billet, le mouvement Colibris propose une approche à la fois écologique et spirituelle, ce qui n’a rien d’évident dans une culture française, abstraite et laïciste. Lire en ce sens Comprendre le sens du sacré sur le site des Colibris. L’équipe dirigeante des Colibris utilise par ailleurs des outils comme l’holacratie directement inspirée d’une approche intégrale.
Vos remarques sur la décroissance me semblent inspirées par une forme d’intégralisme américain (Wilber, Cohen, McIntosh and C°) qui développe à la fois une vision évolutionnaire au plan de la conscience et de la culture (Quadrants Gauche) tout en restant fortement influencés par le mème Orange sur le plan de l’organisation techno-économique (Quadrants Droit). Cette forme d’« intégralisme hémiplégique » peut se comprendre si on se souvient le capitalisme représente - avec le protestantisme - le socle culturel sur lequel s’est fondé la nation américaine. Aussi ces auteurs américains ont tant intériorisés l’imaginaire capitaliste qu’il leur parait naturel alors qu’il participe d’une construction culturelles historiquement datée, liée à une vision du monde qui doit être dépassée parce qu’ayant fait son temps (au sens littéral), elle est bien incapable de faire le suivant.
La remise en question de l’imaginaire économique et technocratique, propre au mème Orange, dérange toujours les intégralistes américains. Alors qu’ils ont pu concevoir une cartographie détaillée du développement culturel et psycho-spirituel jusque dans le domaine transpersonnel, ils ont du mal à imaginer une organisation sociale qui dépasse/transcende la forme capitaliste. Cette sorte de « dissonance cognitive » au cœur de l’intégralisme américain saute aux yeux de nombreux intégralistes européens, héritiers d’une longue tradition de critique sociale. Ceux-ci cherchent à rétablir une continuité conceptuelle et discursive entre une approche évolutionnaire de la conscience et de la culture d’une part (Quadrants Gauche) et, de l’autre, une transformation socio-politique post-capitaliste (Quadrants Droit) qui permet l’émergence de nouvelles formes sociales correspondant à la « sortie de l’économie ».
J’ai la conviction qu’il n’y aura pas de saut évolutif vers une écologie intégrale sans une remise en question du fétichisme de l’abstraction et de sa manifestation la plus spectaculaire qu’est la colonisation de nos imaginaires par l’économisme c’est-à-dire par le capitalisme. Nous devons aujourd’hui nous libérer de cette emprise afin que notre imaginaire retrouve sa puissance créatrice et visionnaire, seule à même d’inspirer un nouveau modèle correspondant à la dynamique de l’évolution. Je développe cette réflexion à travers mes nombreux billets sur le post-capitalisme comme sur la sortie de l’économie.
@Philippe (suite et fin !...) Au cours des quarante dernières années, le débat s’est progressivement déplacé. Alors qu’hier il opposait productivisme et écologie, aujourd’hui le capitalisme s’est repeint en vert pour faire de l’environnement un marché. Aujourd’hui le débat oppose donc croissance verte et écologie intégrale. La croissance verte (ou ses synonymes que sont le développement durable ou l’éco-capitalisme) est fondée sur une tautologie selon laquelle la pensée technocratique, la croissance économique et le développement technologique vont réparer les destructions qu’ils ont eux-mêmes opérés. Cette tautologie repose sur l’idée fausse que l’on peut aboutir à des résultats différents en faisant toujours la même chose alors que l’on sait depuis Einstein qu’ “ On ne peut pas résoudre un problème avec le même niveau de pensée que celle qui l'a créé.”
RépondreSupprimerDans un prochain billet, j’expliquerais les cinq raisons - physique, technologique, socio-politique, culturelle et psycho-spirituelle – qui font de la croissance verte à la fois une tautologie, un oxymore et une mystification. Et j’essaierais aussi d’expliquer pourquoi « abondance frugale », mutation des mentalités et développement psycho-spirituel sont les trois composantes d’une écologie intégrale au cœur de la stratégie de résilience face à l’effondrement qui vient. Lire à ce sujet l’article d’Hubert Guillaud qui vient dans un blog du monde : Faut-il prendre l’effondrement au sérieux ?
http://internetactu.blog.lemonde.fr/2015/10/17/faut-il-prendre-leffondrement-au-serieux/
Vos remarques m’ont permis d’expliciter ma pensée et ma position sur cet éco-capitalisme qu’est la croissance verte et je vous en remercie.