Photo Pascal Renoux
Héritière d’une longue tradition judéo-chrétienne et grecque, notre culture occidentale - profondément dualiste, idéaliste et intellectuelle - est fondée sur la séparation du corps et de l’esprit : d’un côté l’esprit à cultiver – sa transcendance, ses oeuvres et ses hauteurs – et de l’autre le corps – ses pulsions, ses bassesses et sa concupiscence – dont il faut se détourner et qu’il faut combattre à travers une ascèse vertueuse. Venant tout juste d'écrire ceci, je tombe "par hasard" sur un article de Michel Onfray sur le site du journal Le Monde qui commence ainsi : " Notre Occident a été formaté par plus d'un millénaire de christianisme, autrement dit d'idéal ascétique, de refus du corps, de mépris de la chair, d'invitation pour les femmes à imiter la virginité de Marie tout en ayant des enfants et, pour les hommes, à s'inspirer du corps de Jésus, corps d'un ange sans désir qui ne mange ni ne boit que du symbole, qui n'a pas de sexualité, ou du corps du même, mais crucifié, troué par une lance, percé par une couronne d'épines, supplicié sur la croix, sanguinolent, mort".
Notre vision du monde est donc hantée par ces modèles corporels, sublimés ou dévitalisés, que sont l'ange, la vierge ou le cadavre. Pas étonnant que notre perception de la sexualité soit brouillée par le filtre de cet imaginaire désincarné ou mortifère, fruit de l'abstraction intellectuelle et de la culpabilité, d’un moralisme et d"une "moraline" chère à Nietzsche, instrumentalisant le sentiment moral. Ces filtres empêchent de reconnaître et de célébrer le mouvement créateur et la dimension sacrée de la vie qui s’expriment à travers la sexualité.
Cette stratégie de ré-pulsion est à l’origine d’un refoulement, violemment compensé par ce retour de refoulé qu’est la fascination obsessionnelle pour la pornographie et la perversion. L’exploitation commerciale de cette obsession pornographique conduit à une sexualité marchande qui réduit la relation sexuelle à un objet de consommation. Puritanisme et perversion sont les deux facettes d’une même attitude ambivalente de répulsion/fascination pour le sexe, née du dualisme entre le corps et l’esprit.
Une culture énergétique
D’autres cultures qui ne connaissent pas cette séparation entre l’esprit et le corps ont une toute autre approche de la sexualité. Fondées sur une sensibilité énergétique antérieure au processus d’abstraction intellectuelle, de grandes traditions orientales comme le Taoïsme ou le Tantrisme - issues du chamanisme, du paganisme et du polythéisme - permettent de comprendre et d’expérimenter les relations harmonieuses et complémentaires entre les deux pôles, charnels et spirituels, de la nature humaine. Ces cultures ont la perception concrète d'une humanité qui participe intimement à une totalité organique souvent, mais pas toujours, identifiée à un Esprit transcendant. Cette totalité se manifeste à travers une dynamique énergétique et vitale qu'il convient d'honorer comme une médiation sacrée. Dans un culture comme la nôtre, tellement abstraite qu'elle en est devenue insensée, il devient indispensable de retrouver le sens de cette participation concrète et sensible de l'homme à son milieu. Quand elle retrouve le sens du sacré, c'est-à-dire celui d’une vie connectée à la sensibilité qui la transmue, au mental qui la canalise et à l’esprit qui la transcende, la sexualité peut être vécue comme un puissant processus d’intégration du corps, du cœur et de la conscience.
C’est en ce sens que, dans sa version contemporaine adaptée à la mentalité moderne, le Tantra est une voie de développement intégral qui nous invite à nous connecter à notre dimension supérieure au travers de pratiques qui mettent en jeu la méditation, la conscience, la danse, la sensualité, la respiration, les mantras et la relation masculin/féminin pour transmuter l’énergie de vie (et notamment l’énergie sexuelle) en amour inconditionnel et en extase divine.
Une érotique intégrale
Une sexualité devient intégrale quand elle met en rapport le microcosme de l'élan érotique propre à chaque être humain et le macrocosme d’une dynamique évolutive concernant tous les règnes depuis des milliards d’années. La dynamique de l’évolution n’est pas une abstraction. Elle s’exprime en chaque humain de manière concrète et incarnée à travers un élan érotique à la fois sexuel et émotionnel, cognitif et spirituel. La dimension érotique n'est pas réductible à la sexualité. Multidimensionnelle, elle permet de participer en totalité, ici et maintenant, au mouvement de l’évolution créatrice dans l’athanor du continuum corps/esprit.
La sensibilité énergétique est, à la fine pointe de la sensibilité, un lien intime et vibratoire à travers lequel nous entrons en résonance avec la dynamique créatrice et intégrative de l’évolution. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on retrouve dans la tradition tantrique les premières cartographies de l’évolution humaine correspondant à la transmutation de l’énergie à travers l’échelle des différents chakras, ces plexus énergétiques dont les corrélats psycho-physiologiques ont été attestés par la science occidentale.
Toute processus d’intégration est l’expression manifeste d’une dynamique. A travers la sensibilité énergétique, l’être humain participe dans son corps, ses émotions, ses idées, ses inspirations et ses états de conscience aux divers milieux, naturels et cosmiques, relationnels et spirituels, dans lequel il évolue. C'est à travers cette résonance intime que se manifeste en nous cette force intégrative de la vie, l'amour et la conscience qu'est Eros.
C’est pourquoi, dans la perspective d’un développement intégral, l’éveil de la sensibilité énergétique et son amplification sont tout aussi fondamentaux que le sont l’épistémologie intégrative ou les cartographies développementales. Dans un prochain billet, nous aurons l’occasion de préciser les modalités d’une véritable « énergétique intégrale » à travers laquelle la sensibilité énergétique participe de manière vivante et vibrante à la dynamique intégrative de l’évolution.
Une sexualité redimensionnée
L’énergétique sexuelle est une dimension particulière d’une sensibilité énergétique plus globale. La prise de conscience et le développement de cette énergétique sexuelle redimensionne la sexualité en retrouvant le caractère sacré qui la fonde, tout en libérant la psyché moderne de l’ambivalence fascination/répulsion vis-à-vis du sexe propre à la culture occidentale.
Nous proposons ci-dessous un article de Jacques Ferber où l’animateur du site Développement Intégral présente la singularité de la voie tantrique comme la Voie d’Eros. Formé au tantra par Jacques Lucas et Marisa Ortolan, Margot Anand et Sudheer Roche, Jacques Ferber est l’auteur de L’amant tantrique. L’homme sur la voie de la sexualité sacrée. A partir de son propre cheminement vers la sexualité sacrée, il y décrit les transformations intérieures qui mènent progressivement vers une nouvelle relation à la femme. Il apporte ainsi un éclairage novateur et profond sur la sexualité de l'homme.
L'ouvrage présente aussi un ensemble de techniques permettant d'atteindre au multi-orgasme et à l'extase grâce à la rétention de l'éjaculation et la diffusion de l'énergie sexuelle. Ce livre s'adresse aux hommes en quête d'une sexualité plus satisfaisante qui intègre sensualité, authenticité et spiritualité. Il est également destiné aux femmes en leur faisant partager de l'intérieur les désirs et appréhensions de l'homme face au féminin.
La Voie d’Eros. Jacques Ferber
Qu’est ce qui est le plus près de l’élan spirituel, qui nous fait oublier nous-mêmes pour nous pousser à nous tourner vers quelque chose qui est au delà de nous mêmes? Qu’est ce qui nous fait peur, nous attire, nous inspire et nous impulse dans une grande part (pour ne pas dire la totalité) des activités de notre vie? L’élan sexuel tout simplement.
Le sexe est une pulsion de vie qui a besoin de la relation pour exister. Cela n’est pas vrai pour la faim ou la soif par exemple que l’on peut épancher seul. Mais le sexe n’existe pas sans la relation à autrui. Même la masturbation met en jeu l’autre dans le fantasme ou la vision d’images érotiques. Le sexe n’est pas non plus un besoin: on n’a pas besoin d’avoir de relations sexuelles pour vivre. Même si une sexualité épanouie transforme n’importe quel être triste et gris en une personne joyeuse et colorée, elle n’est pas nécessaire à notre survie. Sans le sexe, les moines et les nonnes vivent.
Et pourtant, sans la sexualité de nos ancêtres, sans toutes les relations complexes qui ont existé – certaines dures, d’autres tendres – entre nos parents, nos grands-parents, nos arrières-grands-parents, nous n’existerions pas. Sans le désir sexuel qui a amené nos aïeuls les uns vers les autres, nous ne serions pas de ce monde. Nous sommes le fruit du désir entre un homme et une femme.
Cette attirance est complexe, car elle est à la fois le résultat d’une différenciation, un homme est attiré par une femme et réciproquement (je me consacrerai ici à la sexualité hétérosexuelle), et d’une union. De ce fait, la sexualité procède d’un double mouvement, un mouvement de distinction suivi d’une union.
Un mouvement de distinction
Le sexe est d’abord affaire de séparation et de différenciation… La sexualité ne met pas en jeu deux individus, mais un homme et une femme, c’est à dire des personnes typées dans leur genre sexuel (le gender anglais). Dans le tantra, cette séparation est poussée jusqu’à son extrême puisque l’homme devient Shiva et la femme Shakti, c’est à dire le Dieu et la Déesse. Evidemment personne ne vient à penser que l’on devient réellement des dieux ou des déesses, mais cela permet d’aller dans les profondeurs de la psyché, là où nous rencontrons les puissances de l’inconscient collectif. En fait, c’est l’archétype du dieu, ou celui de la déesse, qui vient nous habiter lors d’une rencontre tantrique sacrée.
Cette reconnaissance du divin à l’intérieur de nous a deux fonctions: d’une part cela nous fait sortir de nos petites habitudes quotidiennes en nous plongeant dans un espace sacré, et d’autre part cela nous aide à transcender notre identité égotique et nous faire accéder à une perception plus fine de l’autre, de soi et du Kosmos. On peut dire que la sexualité nous polarise dans notre genre, qu’elle nous rend encore plus homme ou femme que nous ne le sommes dans la vie de tous les jours. Si au travail et dans grand nombre d’activités de la vie civile nous pouvons faire en sorte de nous côtoyer en mettant à l’écart notre genre, en laissant croire que nous sommes “unisexe”, provenant d’une sorte de genre “gris” ni homme ni femme, cela n’est pas vrai dans la sexualité où la rencontre repose justement sur cette différence.
Un mouvement d’union
Mais la sexualité ne s’arrête pas à la distinction et à la polarisation sexuée, car elle est suivie d’un mouvement contraire qui pousse à l’union: dans l’acte d’amour, l’homme et la femme s’unissent et se fondent l’un dans l’autre pour ne faire plus qu’un. Ils étaient deux, ils ne sont plus qu’un. Mais dans cette rencontre, les deux partenaires ne sont pas le symétrique l’un de l’autre: la femme n’est pas un homme inversé. Ils ne jouent pas le même rôle, ils ne tiennent pas la même place dans cette danse de la vie. En effet, l’étreinte charnelle, le coït, ne s’effectue pas à mi chemin entre l’homme et la femme, mais dans la femme. La femme accueille l’homme en elle et, dans sa polarité yin, s’ouvre à la puissance de l’homme. Son sexe est la coupe, le Graal des chevaliers, celle qui appelle et reçoit l’autre en elle.
Le sexe de l’homme est un bâton qui vit à l’extérieur, et en tant que tel constitue le trait d’union entre les deux. La coupe appelle le bâton, le bâton a besoin de la coupe. Lorsque l’union s’accomplit la femme reçoit et l’homme donne par son sexe. On croit souvent que l’homme “prend” la femme, et c’est souvent ce qui se passe. Mais lorsque l’union est véritable, lorsque l’acte d’amour constitue la rencontre totale des corps, des coeurs et des âmes, l’homme ne prend plus la femme: il lui fait don de sa puissance. Et son sexe est alors l’émetteur de cette énergie sexuelle, qui passe dans le sexe de la femme et qui allume la poudre du désir chez la femme.
Inversement, quand l’union est vraiment réalisée, le coeur de l’homme, qui est de polarité yin, peut recevoir l’amour de la femme qui donne naturellement son amour à l’homme, et l’énergie relationnelle de la femme passe de son coeur à celui de l’homme qui est ainsi rempli de l’amour de la femme, comme celle-ci l’est de l’énergie sexuelle de l’homme. Il s’ensuit une boucle énergétique qui unit les deux êtres, ouvre leur âme et leur fait accéder à la transcendance.
Un acte de création
Pendant un moment, parfois long, souvent trop court :- ), deux êtres vont alors au delà de leur personne, de leur individualité pour aller justement dans leur être profond, et s’unir en revivant et recréant les origines. L’acte d’amour est un acte de création, car il est potentiellement à l’origine d’une autre vie, et de re-création car il accomplit ce que tous nos ancêtres ont toujours fait depuis des millénaires. C’est en cela que l’acte sexuel est sacré: il rejoue la création du monde (lire Mircea Eliade à ce sujet), il rejoue la Vie qui se cherche dans cette différenciation/union.
Faire l’amour intensément, ce n’est pas jouer les jeux olympiques du sexe en contrôlant ce que l’on fait pour être plus “performant”, mais s’unir au niveau des énergies du corps, du coeur et de l’esprit. Lorsque l’union est intense, les gestes ne sont plus contrôlés. Le rythme est variable, parfois frénétique, parfois aussi lent et léger qu’une plume. Tout se passe comme si les corps n’étaient plus contrôlés, comme s’il n’y avait plus de “moi” pour maîtriser et comme si les corps étaient “agi” de l’intérieur par cette pulsion de vie liée au mouvement énergétique qui relie l’homme et la femme en une danse cosmique.
Les mots alors ne peuvent plus décrire ce qui se passe. On entre dans le domaine de l’ineffable, ce qu’on traduit par les qualificatifs de “magique” ou “cosmique” tout simplement parce que les mots n’arrivent plus à rendre compte de l’expérience vécue. Dans cette union, c’est la pénétration qui transforme si on sait accueillir l’énergie pénétrante de l’autre, si la femme sait accueillir la puissance sexuelle de l’homme et l’homme la puissance d’amour de la femme. A ce moment là, le circuit énergétique se met en place, le sexe de la femme appelle et le coeur de l’homme s’ouvre, les plongeant l’un et l’autre dans l’extase. La rencontre amoureuse, si elle est ainsi faite en conscience, dans le sacré et l’ouverture à l’autre est alors l’une des voie les plus puissantes d’éveil… C’est la voie d’Eros…
Ateliers de tantra et méditations tantriques
On peut consulter le programme des ateliers de tantra et de méditations tantriques organisés par Jacques Ferber sur le site Développement Intégral. Ces ateliers portent sur la partie méditative, contemplative et énergétique du tantra, en mettant l’accent sur notre relation au divin, seul ou avec quelqu’un d’autre. Il s’agit d’aller au fond de « qui nous sommes vraiment » indépendamment de notre personnalité et de notre histoire de vie.
Le tantra est un anti-stress, anti-dépresseur naturel. Il s’agit de travailler plus particulièrement sur la respiration, le mouvement, la circulation des énergies, mais aussi sur la conscience, la sensualité, la rencontre à l’autre dans un contexte non sexuel. C’est ainsi que l’on peut avancer sur la voie extatique de la connexion au divin. On peut se connecter à notre essence au travers de méditations et d’exercices simples, ludiques et profonds, afin d’acquérir un ensemble d’outils pratiques pour nous permettre d‘incarner plus souvent la Joie au quotidien. Au delà des exercices et du bien être local qu’ils peuvent amener, il sera proposé des « outils » méditatifs qui pourront ensuite être utilisés chez soi.
Le corps et l’esprit
Héritière d’une longue tradition judéo-chrétienne et grecque, notre culture occidentale - profondément dualiste, idéaliste et intellectuelle - est fondée sur la séparation du corps et de l’esprit : d’un côté l’esprit à cultiver – sa transcendance, ses oeuvres et ses hauteurs – et de l’autre le corps – ses pulsions, ses bassesses et sa concupiscence – dont il faut se détourner et qu’il faut combattre à travers une ascèse vertueuse. Venant tout juste d'écrire ceci, je tombe "par hasard" sur un article de Michel Onfray sur le site du journal Le Monde qui commence ainsi : " Notre Occident a été formaté par plus d'un millénaire de christianisme, autrement dit d'idéal ascétique, de refus du corps, de mépris de la chair, d'invitation pour les femmes à imiter la virginité de Marie tout en ayant des enfants et, pour les hommes, à s'inspirer du corps de Jésus, corps d'un ange sans désir qui ne mange ni ne boit que du symbole, qui n'a pas de sexualité, ou du corps du même, mais crucifié, troué par une lance, percé par une couronne d'épines, supplicié sur la croix, sanguinolent, mort".
Notre vision du monde est donc hantée par ces modèles corporels, sublimés ou dévitalisés, que sont l'ange, la vierge ou le cadavre. Pas étonnant que notre perception de la sexualité soit brouillée par le filtre de cet imaginaire désincarné ou mortifère, fruit de l'abstraction intellectuelle et de la culpabilité, d’un moralisme et d"une "moraline" chère à Nietzsche, instrumentalisant le sentiment moral. Ces filtres empêchent de reconnaître et de célébrer le mouvement créateur et la dimension sacrée de la vie qui s’expriment à travers la sexualité.
Cette stratégie de ré-pulsion est à l’origine d’un refoulement, violemment compensé par ce retour de refoulé qu’est la fascination obsessionnelle pour la pornographie et la perversion. L’exploitation commerciale de cette obsession pornographique conduit à une sexualité marchande qui réduit la relation sexuelle à un objet de consommation. Puritanisme et perversion sont les deux facettes d’une même attitude ambivalente de répulsion/fascination pour le sexe, née du dualisme entre le corps et l’esprit.
Une culture énergétique
D’autres cultures qui ne connaissent pas cette séparation entre l’esprit et le corps ont une toute autre approche de la sexualité. Fondées sur une sensibilité énergétique antérieure au processus d’abstraction intellectuelle, de grandes traditions orientales comme le Taoïsme ou le Tantrisme - issues du chamanisme, du paganisme et du polythéisme - permettent de comprendre et d’expérimenter les relations harmonieuses et complémentaires entre les deux pôles, charnels et spirituels, de la nature humaine. Ces cultures ont la perception concrète d'une humanité qui participe intimement à une totalité organique souvent, mais pas toujours, identifiée à un Esprit transcendant. Cette totalité se manifeste à travers une dynamique énergétique et vitale qu'il convient d'honorer comme une médiation sacrée. Dans un culture comme la nôtre, tellement abstraite qu'elle en est devenue insensée, il devient indispensable de retrouver le sens de cette participation concrète et sensible de l'homme à son milieu. Quand elle retrouve le sens du sacré, c'est-à-dire celui d’une vie connectée à la sensibilité qui la transmue, au mental qui la canalise et à l’esprit qui la transcende, la sexualité peut être vécue comme un puissant processus d’intégration du corps, du cœur et de la conscience.
C’est en ce sens que, dans sa version contemporaine adaptée à la mentalité moderne, le Tantra est une voie de développement intégral qui nous invite à nous connecter à notre dimension supérieure au travers de pratiques qui mettent en jeu la méditation, la conscience, la danse, la sensualité, la respiration, les mantras et la relation masculin/féminin pour transmuter l’énergie de vie (et notamment l’énergie sexuelle) en amour inconditionnel et en extase divine.
Une érotique intégrale
Une sexualité devient intégrale quand elle met en rapport le microcosme de l'élan érotique propre à chaque être humain et le macrocosme d’une dynamique évolutive concernant tous les règnes depuis des milliards d’années. La dynamique de l’évolution n’est pas une abstraction. Elle s’exprime en chaque humain de manière concrète et incarnée à travers un élan érotique à la fois sexuel et émotionnel, cognitif et spirituel. La dimension érotique n'est pas réductible à la sexualité. Multidimensionnelle, elle permet de participer en totalité, ici et maintenant, au mouvement de l’évolution créatrice dans l’athanor du continuum corps/esprit.
La sensibilité énergétique est, à la fine pointe de la sensibilité, un lien intime et vibratoire à travers lequel nous entrons en résonance avec la dynamique créatrice et intégrative de l’évolution. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on retrouve dans la tradition tantrique les premières cartographies de l’évolution humaine correspondant à la transmutation de l’énergie à travers l’échelle des différents chakras, ces plexus énergétiques dont les corrélats psycho-physiologiques ont été attestés par la science occidentale.
Toute processus d’intégration est l’expression manifeste d’une dynamique. A travers la sensibilité énergétique, l’être humain participe dans son corps, ses émotions, ses idées, ses inspirations et ses états de conscience aux divers milieux, naturels et cosmiques, relationnels et spirituels, dans lequel il évolue. C'est à travers cette résonance intime que se manifeste en nous cette force intégrative de la vie, l'amour et la conscience qu'est Eros.
C’est pourquoi, dans la perspective d’un développement intégral, l’éveil de la sensibilité énergétique et son amplification sont tout aussi fondamentaux que le sont l’épistémologie intégrative ou les cartographies développementales. Dans un prochain billet, nous aurons l’occasion de préciser les modalités d’une véritable « énergétique intégrale » à travers laquelle la sensibilité énergétique participe de manière vivante et vibrante à la dynamique intégrative de l’évolution.
Une sexualité redimensionnée
L’énergétique sexuelle est une dimension particulière d’une sensibilité énergétique plus globale. La prise de conscience et le développement de cette énergétique sexuelle redimensionne la sexualité en retrouvant le caractère sacré qui la fonde, tout en libérant la psyché moderne de l’ambivalence fascination/répulsion vis-à-vis du sexe propre à la culture occidentale.
Nous proposons ci-dessous un article de Jacques Ferber où l’animateur du site Développement Intégral présente la singularité de la voie tantrique comme la Voie d’Eros. Formé au tantra par Jacques Lucas et Marisa Ortolan, Margot Anand et Sudheer Roche, Jacques Ferber est l’auteur de L’amant tantrique. L’homme sur la voie de la sexualité sacrée. A partir de son propre cheminement vers la sexualité sacrée, il y décrit les transformations intérieures qui mènent progressivement vers une nouvelle relation à la femme. Il apporte ainsi un éclairage novateur et profond sur la sexualité de l'homme.
L'ouvrage présente aussi un ensemble de techniques permettant d'atteindre au multi-orgasme et à l'extase grâce à la rétention de l'éjaculation et la diffusion de l'énergie sexuelle. Ce livre s'adresse aux hommes en quête d'une sexualité plus satisfaisante qui intègre sensualité, authenticité et spiritualité. Il est également destiné aux femmes en leur faisant partager de l'intérieur les désirs et appréhensions de l'homme face au féminin.
La Voie d’Eros. Jacques Ferber
Qu’est ce qui est le plus près de l’élan spirituel, qui nous fait oublier nous-mêmes pour nous pousser à nous tourner vers quelque chose qui est au delà de nous mêmes? Qu’est ce qui nous fait peur, nous attire, nous inspire et nous impulse dans une grande part (pour ne pas dire la totalité) des activités de notre vie? L’élan sexuel tout simplement.
Le sexe est une pulsion de vie qui a besoin de la relation pour exister. Cela n’est pas vrai pour la faim ou la soif par exemple que l’on peut épancher seul. Mais le sexe n’existe pas sans la relation à autrui. Même la masturbation met en jeu l’autre dans le fantasme ou la vision d’images érotiques. Le sexe n’est pas non plus un besoin: on n’a pas besoin d’avoir de relations sexuelles pour vivre. Même si une sexualité épanouie transforme n’importe quel être triste et gris en une personne joyeuse et colorée, elle n’est pas nécessaire à notre survie. Sans le sexe, les moines et les nonnes vivent.
Et pourtant, sans la sexualité de nos ancêtres, sans toutes les relations complexes qui ont existé – certaines dures, d’autres tendres – entre nos parents, nos grands-parents, nos arrières-grands-parents, nous n’existerions pas. Sans le désir sexuel qui a amené nos aïeuls les uns vers les autres, nous ne serions pas de ce monde. Nous sommes le fruit du désir entre un homme et une femme.
Cette attirance est complexe, car elle est à la fois le résultat d’une différenciation, un homme est attiré par une femme et réciproquement (je me consacrerai ici à la sexualité hétérosexuelle), et d’une union. De ce fait, la sexualité procède d’un double mouvement, un mouvement de distinction suivi d’une union.
Un mouvement de distinction
Le sexe est d’abord affaire de séparation et de différenciation… La sexualité ne met pas en jeu deux individus, mais un homme et une femme, c’est à dire des personnes typées dans leur genre sexuel (le gender anglais). Dans le tantra, cette séparation est poussée jusqu’à son extrême puisque l’homme devient Shiva et la femme Shakti, c’est à dire le Dieu et la Déesse. Evidemment personne ne vient à penser que l’on devient réellement des dieux ou des déesses, mais cela permet d’aller dans les profondeurs de la psyché, là où nous rencontrons les puissances de l’inconscient collectif. En fait, c’est l’archétype du dieu, ou celui de la déesse, qui vient nous habiter lors d’une rencontre tantrique sacrée.
Cette reconnaissance du divin à l’intérieur de nous a deux fonctions: d’une part cela nous fait sortir de nos petites habitudes quotidiennes en nous plongeant dans un espace sacré, et d’autre part cela nous aide à transcender notre identité égotique et nous faire accéder à une perception plus fine de l’autre, de soi et du Kosmos. On peut dire que la sexualité nous polarise dans notre genre, qu’elle nous rend encore plus homme ou femme que nous ne le sommes dans la vie de tous les jours. Si au travail et dans grand nombre d’activités de la vie civile nous pouvons faire en sorte de nous côtoyer en mettant à l’écart notre genre, en laissant croire que nous sommes “unisexe”, provenant d’une sorte de genre “gris” ni homme ni femme, cela n’est pas vrai dans la sexualité où la rencontre repose justement sur cette différence.
Un mouvement d’union
Mais la sexualité ne s’arrête pas à la distinction et à la polarisation sexuée, car elle est suivie d’un mouvement contraire qui pousse à l’union: dans l’acte d’amour, l’homme et la femme s’unissent et se fondent l’un dans l’autre pour ne faire plus qu’un. Ils étaient deux, ils ne sont plus qu’un. Mais dans cette rencontre, les deux partenaires ne sont pas le symétrique l’un de l’autre: la femme n’est pas un homme inversé. Ils ne jouent pas le même rôle, ils ne tiennent pas la même place dans cette danse de la vie. En effet, l’étreinte charnelle, le coït, ne s’effectue pas à mi chemin entre l’homme et la femme, mais dans la femme. La femme accueille l’homme en elle et, dans sa polarité yin, s’ouvre à la puissance de l’homme. Son sexe est la coupe, le Graal des chevaliers, celle qui appelle et reçoit l’autre en elle.
Le sexe de l’homme est un bâton qui vit à l’extérieur, et en tant que tel constitue le trait d’union entre les deux. La coupe appelle le bâton, le bâton a besoin de la coupe. Lorsque l’union s’accomplit la femme reçoit et l’homme donne par son sexe. On croit souvent que l’homme “prend” la femme, et c’est souvent ce qui se passe. Mais lorsque l’union est véritable, lorsque l’acte d’amour constitue la rencontre totale des corps, des coeurs et des âmes, l’homme ne prend plus la femme: il lui fait don de sa puissance. Et son sexe est alors l’émetteur de cette énergie sexuelle, qui passe dans le sexe de la femme et qui allume la poudre du désir chez la femme.
Inversement, quand l’union est vraiment réalisée, le coeur de l’homme, qui est de polarité yin, peut recevoir l’amour de la femme qui donne naturellement son amour à l’homme, et l’énergie relationnelle de la femme passe de son coeur à celui de l’homme qui est ainsi rempli de l’amour de la femme, comme celle-ci l’est de l’énergie sexuelle de l’homme. Il s’ensuit une boucle énergétique qui unit les deux êtres, ouvre leur âme et leur fait accéder à la transcendance.
Un acte de création
Pendant un moment, parfois long, souvent trop court :- ), deux êtres vont alors au delà de leur personne, de leur individualité pour aller justement dans leur être profond, et s’unir en revivant et recréant les origines. L’acte d’amour est un acte de création, car il est potentiellement à l’origine d’une autre vie, et de re-création car il accomplit ce que tous nos ancêtres ont toujours fait depuis des millénaires. C’est en cela que l’acte sexuel est sacré: il rejoue la création du monde (lire Mircea Eliade à ce sujet), il rejoue la Vie qui se cherche dans cette différenciation/union.
Faire l’amour intensément, ce n’est pas jouer les jeux olympiques du sexe en contrôlant ce que l’on fait pour être plus “performant”, mais s’unir au niveau des énergies du corps, du coeur et de l’esprit. Lorsque l’union est intense, les gestes ne sont plus contrôlés. Le rythme est variable, parfois frénétique, parfois aussi lent et léger qu’une plume. Tout se passe comme si les corps n’étaient plus contrôlés, comme s’il n’y avait plus de “moi” pour maîtriser et comme si les corps étaient “agi” de l’intérieur par cette pulsion de vie liée au mouvement énergétique qui relie l’homme et la femme en une danse cosmique.
Les mots alors ne peuvent plus décrire ce qui se passe. On entre dans le domaine de l’ineffable, ce qu’on traduit par les qualificatifs de “magique” ou “cosmique” tout simplement parce que les mots n’arrivent plus à rendre compte de l’expérience vécue. Dans cette union, c’est la pénétration qui transforme si on sait accueillir l’énergie pénétrante de l’autre, si la femme sait accueillir la puissance sexuelle de l’homme et l’homme la puissance d’amour de la femme. A ce moment là, le circuit énergétique se met en place, le sexe de la femme appelle et le coeur de l’homme s’ouvre, les plongeant l’un et l’autre dans l’extase. La rencontre amoureuse, si elle est ainsi faite en conscience, dans le sacré et l’ouverture à l’autre est alors l’une des voie les plus puissantes d’éveil… C’est la voie d’Eros…
Ateliers de tantra et méditations tantriques
On peut consulter le programme des ateliers de tantra et de méditations tantriques organisés par Jacques Ferber sur le site Développement Intégral. Ces ateliers portent sur la partie méditative, contemplative et énergétique du tantra, en mettant l’accent sur notre relation au divin, seul ou avec quelqu’un d’autre. Il s’agit d’aller au fond de « qui nous sommes vraiment » indépendamment de notre personnalité et de notre histoire de vie.
Le tantra est un anti-stress, anti-dépresseur naturel. Il s’agit de travailler plus particulièrement sur la respiration, le mouvement, la circulation des énergies, mais aussi sur la conscience, la sensualité, la rencontre à l’autre dans un contexte non sexuel. C’est ainsi que l’on peut avancer sur la voie extatique de la connexion au divin. On peut se connecter à notre essence au travers de méditations et d’exercices simples, ludiques et profonds, afin d’acquérir un ensemble d’outils pratiques pour nous permettre d‘incarner plus souvent la Joie au quotidien. Au delà des exercices et du bien être local qu’ils peuvent amener, il sera proposé des « outils » méditatifs qui pourront ensuite être utilisés chez soi.
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