jeudi 23 avril 2020

L'Art de la Conversion


Le monde qui marchait sur la tête est en train de remettre ses idées à l'endroit. Coline Serreau


Ce n'est pas
parce qu'il marche
cul par-dessus tête
 que ce monde est fou.

C'est parce qu'il est fou
qu'il marche
cul par-dessus tête.

Ce monde nous rend tous fous. 
Fous de solitude, d’avidité et d’angoisse. 
Fous d’égoïsme, d’orgueil et d’oubli.

Marcher cul par-dessus tête
dans le champ de la conscience
c'est positionner l'égo
au-dessus de l'intuition spirituelle
pour asservir celle-ci
au lieu de la servir.

Marcher cul par-dessus tête
dans le champ de la culture
c'est mettre la raison
abstraite et analytique
au-dessus d'une vision
globale et synthétique
en imposant ainsi
une  science
sans conscience

Marcher cul par-dessus tête
dans le champ social
c'est placer la valeur marchande
au-dessus des valeurs communes
en faisant de l'économie
une idéologie totalitaire
qui détruit les milieux
sociaux et naturels.

Conscience, culture et société
sont ainsi l'objet
 d'une inversion systémique
qui conduit de manière inéluctable
à l'effondrement.

A moins qu'un saut évolutif
ne produise une conversion systémique 
 -  nommée Métanoïa par les anciens -
qui consiste à remettre
tout simplement
l'envers à l'endroit.

Un art de la conversion
qui  nous libère
de la paranoïa ambiante
où chacun
- séparé de lui-même -
voit dans l'autre
son ennemi.

 Pierre Teilhard de Chardin
décrivait ainsi cette Métanoïa :
"Nous ne sommes pas des êtres humains 
en recherche d'une dimension spirituelle, 
nous sommes des êtres spirituels 
vivant l'expérience humaine."

Le confinement
pourrait être une occasion
d'initier cette conversion.

Une façon de prendre ses distances 
avec ce monde insensé
pour accueillir une présence 
qui ne lui est pas extérieure 
mais qui le contient. 

Regarder cette ronde de fous 
qui tourne sans cesse sur elle-même 
sans point fixe auquel se référer. 

Reprendre souffle 
à la rencontre
de la paix intérieure.

Cette Pénélope
toujours fidèle
tisse le fil des jours 
dans l’attente de celui 
qui est parti loin d’elle
en quête de son identité
et à l'aventure de ses limites.

Reprendre source 
dans la fraîcheur immaculée de l’instant,
 loin, très loin de ce monde de fous. 

Retrouver les vertus de l’accueil, 
de l’ouverture et de l’abandon 
Accueillir le silence. 
S’ouvrir au mystère. 
S’abandonner
à ce qui nous transcende. 

Déserter les plages bondées 
où les mots amorphes 
se font bronzer 
au soleil médiatique.

Choisir plutôt le désert
- fut-il celui, inhumain,
 du désert urbain -
pour y créer son oasis. 

Vivre enfin, vivre. 

Intégrer dans son milieu d’évolution, 
les éléments et les personnes 
dont on a besoin
pour se développer
de manière harmonieuse.

Vivre enfin, revivre 
au monde des sensations.

Retrouver les chemins d’un corps 
qui s’était progressivement
 métamorphosé en machine. 

Sentir ce bouquet de perceptions 
qui exhale un parfum de vie. 

N'être plus raisonnable 
mais résonner 
avec une vibration subtile
qui nous éveille 
de manière sensuelle et sensible
à l’intelligence du cœur. 

Pourquoi donc,
 de tout temps,
les hommes d'esprit
 ont-il chanté
 les vertus du confinement ?

Pourquoi ?

Pour renouer un à un
 les fils de la sagesse, 
cette évidence secrète 
qui attire les âmes sensibles 
et les esprits enthousiastes.

Tout le malheur des hommes
disait Pascal,
vient d'une seule chose,
qui est de ne pas savoir
demeurer en repos
dans une chambre.

Incarner cet esprit de vacance
et ne plus rien avoir à dire 
si ce n’est ce rien 
qui contient tout.

Devenir ce grain de sable 
qui contient l’univers.

Se reconnaître
dans le miroir
de cet autre
dont la magie 
contient l’humanité. 

Laissons cette ronde des fous 
s’écrouler vertigineusement 
puisque tel est son destin.

Mais restons centrés et solidaires 
comme les membres d’un corps vivant
afin que cette ronde ne nous emporte pas 
dans le tourbillon de sa folie collective.

Rappelons-le : 
c’est toujours le centre 
qui gagne le concours de circonstances.

Osons l’humanité. 
Reconnaissons cette essence commune.
Retrouvons ceux qui partagent 
le même rythme interne, 
la même intuition, 
le même chant, 
la même vibration. 

Demain n’est pas un autre jour. 
C’est aujourd’hui
qui se métamorphose,
enrichi par hier. 

Osons le Grand Saut. 
Celui dont on ne peut rien dire 
car il est réservé 
à ceux qui en ont fait
l’expérience et l’épreuve. 

Osons le ridicule. 
La folie ridiculise tout ce qui lui échappe. 
Elle se rit de tout ce qui la dépasse
et qu’elle ne peut comprendre. 
Elle nomme radicalité
tout ce qui excède sa vision superficielle.

Le ridicule est une arme
qui se retourne contre celui qui l'utilise
quand le Roi est nu
et qu'il ne peut plus rien faire d'autre
que montrer son cul
par-dessus tête.

Et si ce Coronavirus venait
dans l'épreuve
nous apporter la couronne
 d’une souveraineté renouvelée ?

Une telle hypothèse
fait hurler la folie ambiante.
C’est le signe que l’on est sur la voix. 

Faire honneur
à l’imprévisible et à l’inconnu. 

Avez-vous remarqué combien 
la folie des hommes
se donne toujours des airs sérieux ? 

Cette folie est toujours experte 
dans l’art de conduire
l’homme à sa perte. 

Quand la folie mime la science, 
la science devient folle, 
trahissant la conscience
dont elle procède. 

Une conscience qui, pourtant, 
nous met toujours en confiance 
dans la tendre harmonie du monde. 

Profitons de ce confinement 
pour interroger notre vie.

Qu’a-t-elle à nous dire 
dans le secret des sources ? 

C’est en prêtant attention à sa parole 
qu’on lui donne du crédit. 

Tenir parole c’est, 
malgré les obstacles, 
les épreuves et les vicissitudes, 
être enraciné dans la profondeur de l’être 
pour devenir le porte-voix
 d’un mémoire immémoriale.

Et si la distanciation sociale 
consistait tout simplement 
à prendre ses distances 
avec la folie ambiante, 
à résister à son emprise, 
à refuser ses mots d’ordre 
dont le seul but est d’augmenter 
encore et encore 
le désordre d'un monde agonisant.

Et s'il s'agissait tout simplement
de remettre la tête à l'endroit
et le cul à sa place.

Bien sûr,
tout ceci reste entre nous.  
Ne le répétez pas. 
Je n’ai rien dit.

La folie a horreur qu’on la dévoile, 
elle qui se drape toujours 
 dans la soie sauvage
des pulsions infantiles.

Fantasmes d'omniscience
 et d'omnipotence
sur le même radeau de la méduse.

L’expérience d’une proximité avec la mort 
nous rapproche de l’essentiel.

Et l’essentiel a toujours
le goût d’une vérité cachée
à ceux qui ne sont pas assez murs 
pour l’éprouver. 

Cette lente initiation
nous donne
 le goût du secret,
cette porte ouverte sur le sacré 
que la folie du monde avait fermé à clé. 

Mais chut !  
La folie nous observe
son regard est violent.
et sa violence sauvage.

Prenez l’air fou,
en devenant sérieux
comme un technocrate.

Aussi fous que les économistes,
ces prêtres de la région dominante
qui enseignent les vertus bienfaisantes
d'une croissance exponentielle
dans un monde fini.

Ressources

Confinement / Déconfinement. Jean Bousquet. Troisième Millénaire

Message Collectif en Temps de Crise. Dominique Schmidt. Troisième Millénaire

Dans Le Journal Intégral :

La belle Verte et le mème Vert. Sorti en 1996, La Belle Verte est un film visionnaire de Coline Serreau. Sur le mode de la fable et de la farce, La Belle Verte dénonce les impasses de notre modernité technocratique et annonce l’émergence de valeurs post-matérialistes auxquelles s’identifient les générations nouvelles.

La Métanoïa. Nous ne sommes pas des êtres humains en recherche d'une dimension spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant l'expérience humaine. Pierre Teilhard de Chardin.

Bonne Crise. Les crises sont encore ce que l'on a trouvé de mieux à défaut de Maître pour rentrer dans l'autre dimension. Christiane Singer

Bonne Crise (2) Mourir pour renaître. La crise en tant qu'initiation sauvage du civilisé avec Denis Marquet

Bonne Crise (3) De la chenille au papillon La crise est cette chrysalide où la larve de l'égo peut se transformer en conscience inspirée.

Abécédaire de la méditation (1) - Abécédaire de la méditation (2) Une révolution silencieuse.

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4 commentaires:

  1. C'est très bien dit...
    il n'y a rien à retirer
    et rien à ajouter...

    Soyons "fous"...
    mais choisissons bien notre folie...:-)

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  2. Merci chère Licorne pour cette résonance partagée. Il est des moments où l’intuition créatrice exprime simplement et facilement ce que le mental a élaboré longtemps dans l’effort et la complexité. Tous ceux qui voudraient partager cette résonance peuvent explorer le blog de la Licorne : il y trouveront de quoi abreuver leur soif.
    https://lefildariane1234.blogspot.com/

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