Parce qu’elle est porteuse de valeurs spécifiques fondée sur nouveau mode de conscience, la culture intégrale inspire des réflexions politiques qui cherchent à promouvoir une organisation sociale fondée sur ces valeurs.
Dans le numéro 6 du magazine Eveil et Evolution, on peut lire la traduction française d’un entretien fort intéressant de Carter Phipps avec Steeve Mc Intosh sur L’avènement d’une politique intégrale. Dans cet article téléchargeable sur le site du magazine, Mc Intosh définit la politique intégrale en ces termes :
« Il existe différentes façons de décrire la politique intégrale, mais l’une d’elles serait de dire que c’est la plate-forme ou le programme politique de ceux qui partagent les valeurs correspondant au niveau de conscience intégral. La politique intégrale étudie la manière dont ces valeurs sont appliquées dans le champ politique... C’est un véritable aveuglement médiatique que de tenir un discours politique fondé sur le paradigme gauche-droite.
C’est une catégorie complètement dépassée dont il faut se débarrasser. La politique intégrale transcende les politiques de gauche et de droite, et elle offre une foule de nouveaux aperçus politiques remarquables, aussi bien au niveau national qu’international. Entre autres, cela nous montre d’une manière plus claire combien les stades historiques de développement culturels sont encore actifs et influents dans le monde aujourd’hui...
Quand nous regardons la spirale du développement culturel, nous voyons que chaque niveau de conscience et de culture a émergé, en partie, dans le creuset d’une forme politique. Ce que je veux dire c’est que chaque nouvelle vision du monde significative est co-créée par la politique. La politique aide à définir la vision du monde et la vision du monde définit la politique ou le type spécifique d’organisation politique qui lui correspond. Donc l’expression politique des valeurs correspondant à chaque vision du monde émergeante tire les gens vers un niveau de conscience plus élevé qu’ils peuvent voir se manifester à travers une politique d’un plus haut niveau. »
Un humanisme spirituel
Dans Ken Wilber : la pensée comme passion Frank Visser résume ainsi certains éléments de la réflexion politique de Wilber : « Le paysage politique aux Etats-Unis est divisé en deux camps. D’un côté on voit le camp libéral qui plaide pour la liberté individuelle, économique et politique, mais qui a souvent de l’aversion pour la religion. De l’autre, il y a un camp conservateur qui souhaite se centrer sur la religion (en d’autres termes, la Chrétienté avec sa prédominance mythique) et honorer les valeurs communautaires, qui procède souvent au sacrifice de la liberté intellectuelle de l’individu dans ce processus en prescrivant comment l’individu est supposé atteindre le salut. Dans cet exemple la tyrannie économique est opposée à la tyrannie culturelle. »
Cette tension contradictoire incite Wilber à penser à ce que serait un Dieu libéral, c'est-à-dire une nouvelle vision de l’esprit qui dépasse les cadres dogmatique de la religion en inspirant de nouvelles formes culturelles et sociales liées à la liberté et à la créativité individuelles :
« Ne pouvons-nous pas trouver un libéralisme spirituel ? Une orientation qui place les droits des individus dans des contextes spirituels plus profonds, qui ne renie pas ces droits mais qui les enracine ? Une nouvelle conception de dieu, de l’Esprit, peut-elle se trouver en harmonie avec les buts les plus nobles du libéralisme ? Ces deux ennemis modernes, Dieu et le libéralisme, peuvent-ils d’une manière quelconque trouver un terrain commun ?
Je pense qu’il n’y a pas de question plus pressante, d’aucune sorte, à laquelle le monde moderne et post-moderne soit confronté. Presque tous mes livres sont des prolégomènes à ce sujet très précis ; la recherche d’un Dieu libéral, d’un Esprit libéral, d’un humanisme spirituel ou d’une spiritualité humaniste, quelle que soit la façon dont on voudra nommer l’essence de cette orientation» (The eye of spirit). Franck Visser propose dans la section francophone de Integral World une analyse de ce que Wilber entend par Politique Intégrale.
Sur Integral Life comme sur Integral World, on peut trouver quantité de textes écrits en anglais par nombre d’auteurs anglo-saxons sur les divers aspects de la politique intégrale. Mais, convenons-en, ces réflexions relèvent trop souvent d’une forme d’impérialisme culturel tant elles restent imprégnées par ces préjugés propres à la culture anglo-saxonne et au paradigme libéral que sont l’individualisme, l’absolutisation du marché et l’intériorisation des valeurs capitalistes.
Dans ce contexte, il est donc d’autant plus intéressant de voir émerger une réflexion francophone sur la politique intégrale qui s’inscrit dans la filiation des Lumières françaises et allemandes, assez différentes sur le fond des Lumières anglaises. On sait que l’idéal des Lumières européen était fondé sur l’affirmation d’un individu autonome, douée d’une pensée critique, qui s’émancipe de la superstition grâce aux lumières de la raison. « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières » nous dit Kant.
Un militantisme existentiel
Selon le philosophe Dany Robert Dufour, auteur de Le Divin Marché et de La Cité Perverse : « L’idéal moderne était de produire un sujet critique. Mais il y a une opposition très claire entre cet idéal critique des Lumières allemandes et l’idéal libéral des Lumières anglaises.... Le libéralisme économique depuis ses origines anglaises au dix huitième siècle est à situer dans une problématique de libération des passions et des pulsions. Il se fonde sur l’adage selon lequel des vices privés font la fortune publique, c’est-à-dire l’accroissement général de la richesse...
Si le libéralisme a constitué un frein aux totalitarismes du XX ème siècle, il néanmoins entrepris une destitution de l’individu critique en faveur de l’individu libidinal et purement pulsionnel. Le tournant ultra-libéral des années 1980 a précipité le libéralisme vers un néo-libéralisme qui s’appuie sur les pulsions d’avidité et de jouissance dont la crise financière est la dernière manifestation. Cette économie de l’absence totale des limites diffuse dans la société un impératif de jouissance généralisé...» (In La Décroissance N°66).
C’est en réaction à l’emprise de l’idéologie néo-libérale et dans la tradition d’émancipation des Lumières continentales, celle de la pensée critique, que Christian Arnsperger, docteur et agrégé en sciences économiques, chercheur au Fonds National belge de la recherche scientifique et professeur à l’Université Catholique de Louvain, vient d’écrire un livre fondateur : Ethique de l’existence post-capitaliste. Pour un militantisme existentiel.
Inspiré, entre autre, par la pensée et les modèles de Ken Wilber, cet ouvrage trace les voies créatrices - communalistes, existentielle et spirituelles - d’une société post-capitaliste. Nous ne saurons assez recommander la lecture de cet ouvrage essentiel à la réflexion sur une société post-capitaliste fondée sur une politique intégrale et sur une « économie des profondeurs ».
Politique Intégrale
En Suisse, un groupe des citoyens inspirés par la culture intégrale - peut-être plus dans la lignée allemande de Jean Gebser que dans celle, étasunienne, de Ken Wilber - a créée en novembre 2007 une association dont le nom est Politique Intégrale. Un noyau de base composé de dix femmes et de dix hommes a élaboré durant deux ans un texte de base sur les fondements philosophiques de ce que pourrait être une société intégrale.
Nous conseillons ceux qui sont intéressés par le thème d’une société post-capitaliste d’aller sur le site de Politique Intégrale où sont disponibles un certain nombre de textes théoriques et d’informations sur le développement de ce réseau suisse.
Bien qu’elles se situent à des niveaux d’expertise et d’expérience différents, dans des pays - Belgique et Suisse - à la culture distincte, la réflexion de Christian Arnsperger comme celle de Politique Intégrale possèdent de très nombreuses résonances. Cette convergence entre des personnes qui ne se connaissent sans doute pas exprime bien l’émergence d’une nouvelle forme culturelle correspondant à l’Esprit du temps et la volonté simultanée d’inscrire cette vision intégrale dans un contexte socio-économique correspondant, celui d'une société post-capitaliste.
Dans le cadre d’une réflexion sur la politique intégrale, nous proposerons dans les prochains billets une présentation du livre de Christian Arnsperger et des textes fondateurs de Politique Intégrale.
C’est une catégorie complètement dépassée dont il faut se débarrasser. La politique intégrale transcende les politiques de gauche et de droite, et elle offre une foule de nouveaux aperçus politiques remarquables, aussi bien au niveau national qu’international. Entre autres, cela nous montre d’une manière plus claire combien les stades historiques de développement culturels sont encore actifs et influents dans le monde aujourd’hui...
Quand nous regardons la spirale du développement culturel, nous voyons que chaque niveau de conscience et de culture a émergé, en partie, dans le creuset d’une forme politique. Ce que je veux dire c’est que chaque nouvelle vision du monde significative est co-créée par la politique. La politique aide à définir la vision du monde et la vision du monde définit la politique ou le type spécifique d’organisation politique qui lui correspond. Donc l’expression politique des valeurs correspondant à chaque vision du monde émergeante tire les gens vers un niveau de conscience plus élevé qu’ils peuvent voir se manifester à travers une politique d’un plus haut niveau. »
Un humanisme spirituel
Dans Ken Wilber : la pensée comme passion Frank Visser résume ainsi certains éléments de la réflexion politique de Wilber : « Le paysage politique aux Etats-Unis est divisé en deux camps. D’un côté on voit le camp libéral qui plaide pour la liberté individuelle, économique et politique, mais qui a souvent de l’aversion pour la religion. De l’autre, il y a un camp conservateur qui souhaite se centrer sur la religion (en d’autres termes, la Chrétienté avec sa prédominance mythique) et honorer les valeurs communautaires, qui procède souvent au sacrifice de la liberté intellectuelle de l’individu dans ce processus en prescrivant comment l’individu est supposé atteindre le salut. Dans cet exemple la tyrannie économique est opposée à la tyrannie culturelle. »
Cette tension contradictoire incite Wilber à penser à ce que serait un Dieu libéral, c'est-à-dire une nouvelle vision de l’esprit qui dépasse les cadres dogmatique de la religion en inspirant de nouvelles formes culturelles et sociales liées à la liberté et à la créativité individuelles :
« Ne pouvons-nous pas trouver un libéralisme spirituel ? Une orientation qui place les droits des individus dans des contextes spirituels plus profonds, qui ne renie pas ces droits mais qui les enracine ? Une nouvelle conception de dieu, de l’Esprit, peut-elle se trouver en harmonie avec les buts les plus nobles du libéralisme ? Ces deux ennemis modernes, Dieu et le libéralisme, peuvent-ils d’une manière quelconque trouver un terrain commun ?
Je pense qu’il n’y a pas de question plus pressante, d’aucune sorte, à laquelle le monde moderne et post-moderne soit confronté. Presque tous mes livres sont des prolégomènes à ce sujet très précis ; la recherche d’un Dieu libéral, d’un Esprit libéral, d’un humanisme spirituel ou d’une spiritualité humaniste, quelle que soit la façon dont on voudra nommer l’essence de cette orientation» (The eye of spirit). Franck Visser propose dans la section francophone de Integral World une analyse de ce que Wilber entend par Politique Intégrale.
Sur Integral Life comme sur Integral World, on peut trouver quantité de textes écrits en anglais par nombre d’auteurs anglo-saxons sur les divers aspects de la politique intégrale. Mais, convenons-en, ces réflexions relèvent trop souvent d’une forme d’impérialisme culturel tant elles restent imprégnées par ces préjugés propres à la culture anglo-saxonne et au paradigme libéral que sont l’individualisme, l’absolutisation du marché et l’intériorisation des valeurs capitalistes.
Dans ce contexte, il est donc d’autant plus intéressant de voir émerger une réflexion francophone sur la politique intégrale qui s’inscrit dans la filiation des Lumières françaises et allemandes, assez différentes sur le fond des Lumières anglaises. On sait que l’idéal des Lumières européen était fondé sur l’affirmation d’un individu autonome, douée d’une pensée critique, qui s’émancipe de la superstition grâce aux lumières de la raison. « Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières » nous dit Kant.
Un militantisme existentiel
Selon le philosophe Dany Robert Dufour, auteur de Le Divin Marché et de La Cité Perverse : « L’idéal moderne était de produire un sujet critique. Mais il y a une opposition très claire entre cet idéal critique des Lumières allemandes et l’idéal libéral des Lumières anglaises.... Le libéralisme économique depuis ses origines anglaises au dix huitième siècle est à situer dans une problématique de libération des passions et des pulsions. Il se fonde sur l’adage selon lequel des vices privés font la fortune publique, c’est-à-dire l’accroissement général de la richesse...
Si le libéralisme a constitué un frein aux totalitarismes du XX ème siècle, il néanmoins entrepris une destitution de l’individu critique en faveur de l’individu libidinal et purement pulsionnel. Le tournant ultra-libéral des années 1980 a précipité le libéralisme vers un néo-libéralisme qui s’appuie sur les pulsions d’avidité et de jouissance dont la crise financière est la dernière manifestation. Cette économie de l’absence totale des limites diffuse dans la société un impératif de jouissance généralisé...» (In La Décroissance N°66).
C’est en réaction à l’emprise de l’idéologie néo-libérale et dans la tradition d’émancipation des Lumières continentales, celle de la pensée critique, que Christian Arnsperger, docteur et agrégé en sciences économiques, chercheur au Fonds National belge de la recherche scientifique et professeur à l’Université Catholique de Louvain, vient d’écrire un livre fondateur : Ethique de l’existence post-capitaliste. Pour un militantisme existentiel.
Inspiré, entre autre, par la pensée et les modèles de Ken Wilber, cet ouvrage trace les voies créatrices - communalistes, existentielle et spirituelles - d’une société post-capitaliste. Nous ne saurons assez recommander la lecture de cet ouvrage essentiel à la réflexion sur une société post-capitaliste fondée sur une politique intégrale et sur une « économie des profondeurs ».
Politique Intégrale
En Suisse, un groupe des citoyens inspirés par la culture intégrale - peut-être plus dans la lignée allemande de Jean Gebser que dans celle, étasunienne, de Ken Wilber - a créée en novembre 2007 une association dont le nom est Politique Intégrale. Un noyau de base composé de dix femmes et de dix hommes a élaboré durant deux ans un texte de base sur les fondements philosophiques de ce que pourrait être une société intégrale.
Nous conseillons ceux qui sont intéressés par le thème d’une société post-capitaliste d’aller sur le site de Politique Intégrale où sont disponibles un certain nombre de textes théoriques et d’informations sur le développement de ce réseau suisse.
Bien qu’elles se situent à des niveaux d’expertise et d’expérience différents, dans des pays - Belgique et Suisse - à la culture distincte, la réflexion de Christian Arnsperger comme celle de Politique Intégrale possèdent de très nombreuses résonances. Cette convergence entre des personnes qui ne se connaissent sans doute pas exprime bien l’émergence d’une nouvelle forme culturelle correspondant à l’Esprit du temps et la volonté simultanée d’inscrire cette vision intégrale dans un contexte socio-économique correspondant, celui d'une société post-capitaliste.
Dans le cadre d’une réflexion sur la politique intégrale, nous proposerons dans les prochains billets une présentation du livre de Christian Arnsperger et des textes fondateurs de Politique Intégrale.
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