mercredi 6 janvier 2010

Le Syndrome de Copenhague...

Victime du syndrome de Copenhague, la petite sirène est triste !... Le sommet sur le changement climatique a révélé un gouffre d'incompréhension entre des états aux intérêts divergents. A l'aune des espérances qu'il avait suscité, ce sommet accouche d'une souris rachitique. Faut-il s'en étonner ?
Faute d'une vision globale, le sujet essentiel n'a pas été esquissé mais esquivé. Ce sujet est celui des relations entre le réchauffement climatique et les modèles - sociaux, économiques et culturels - à l'origine de la crise écologique. Car nos représentations mentales sont des modèles qui créent les modalités comportementales et culturelles à travers lesquelles, en entrant en relation avec notre milieu, nous le transformons. Les crises auxquelles nous sommes confrontées expriment l'inadaptation des modèles qui déterminent nos modes de vie. Lord Byron écrivait : " Les épines que j'ai recueillies viennent de l'arbre que j'ai planté." Ce que la sagesse des nations traduit par un proverbe fort écologique : on récolte ce que l'on sème...
Absorbés par une sorte de transe technologique, nos contemporains ont oublié cette simple évidence, à savoir que notre environnement nous reflète. Il est le miroir de ce que nous sommes. Ce qui se passe autour de nous est aussi la manifestation de ce qui se passe en nous. Ce qui fait dire à Denys Rinpoche : " L'écologie extérieure sans écologie intérieure n'est qu'illusion... Intérieur et extérieur sont interdépendants. Sans un changement intérieur de mentalité et de relation, vouloir un changement à l'extérieur est illusoire". Comment le monde pourrait-il changer si nous ne changeons pas, d'abord et avant tout, nous-même ? Une évidence à l'origine de l'exhortation de Gandhi : "Soyez le changement que vous désirez voir dans le monde".

Un rituel de conjuration
L'échec du sommet de Copenhague pointe spectaculairement l'index sur le paradoxe suivant : pourquoi ces réflexions basiques sur l'interdépendance entre intériorité et environnement, accessibles à un enfant de dix ans, ne sont-elles pas au coeur de nos débats sur la crise écologique ? Sans doute trop simples et trop évidentes, elles remettent en question notre inertie, c'est à dire nos habitudes et nos intérêts, ainsi que notre conformisme, c'est à dire notre mimétisme et nos identifications. Oups !... Rien que cela !... Il est donc bien plus facile de se réfugier dans un déni généralisé qui ne fait, somme toute, que révéler notre peur panique du changement et notre nature profondément conservatrice.
Ce déni conduit à un profond clivage : nous cherchons de manière consciente à trouver des solutions en ayant la ferme intention - inconsciente - de ne rien changer de fondamental. Ce clivage est à l'origine de ces formidables oxymores que sont le "développement durable" ou le "capitalisme vert". Comme si l'on pouvait d'une part préserver et renouveler les ressources naturelles et d'autre part avoir une stratégie de croissance fondée sur l'exploitation de ces mêmes ressources !... Formidable schizophrénie qui fait dire à Kenneth Boulding : "Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou soit un économiste". L'oxymore libéral du développement durable est un magnifique illustration, quasi surréaliste, de cet aphorisme de Lampedusa selon lequel il faut que tout change pour que rien ne change.
Tels des médecins fascinés par les symptômes qu'ils cherchent à éradiquer - comme on cherche à casser le thermomètre qui indique la fièvre - les experts et décideurs traitent des problèmes écologiques en général, et du réchauffement climatique en particulier, avec le mode de pensée technocratique - spécialisé, objectif et fragmentaire - à l'origine même des désastres qu'il veulent solutionner !... Dès lors les grands messes, style Sommet de Copenhague ou Grenelle de l'environnement apparaissent pour ce qu'elles sont en fait : des rituels collectifs de conjuration fondés sur le déni des véritables enjeux de civilisation qui sont ceux d'une évolution radicale des sensibilités et des mentalités.

Une servitude volontaire
On connaissait le Syndrome de Stockholm qui désigne la propension des otages à sympathiser avec leurs ravisseurs. Stockholm n'est pas loin de Copenhague. On peut aujourd'hui parler du Syndrome de Copenhague pour désigner la propension des être humains à devenir les otages d'une servitude volontaire qui les rend complices des processus destructeurs de la biosphère. Grands messes écologiques et discours ostentatoires sont autant de leurres qui visent à pointer l'accessoire pour ne pas surtout pas avoir à toucher l'essentiel.

Il s'agit d'ériger le déni généralisé en stratégies aussi spectaculaires que dilatoires. Que tout change donc, apparemment, pour que rien ne change à cette forme de servitude volontaire qui consiste à échanger sa liberté intérieure, ses intuitions créatrices et son bien-être contre la sécurité illusoire des habitudes mortifères de vivre et de penser.
Seuls certains écologiques (qualifiés de radicaux parce qu'ils vont à la racine des problèmes), des organisations non gouvernementales ou des militants altermondialistes osent poser le vrai problèmes: celui de la remise en question de modèles inadaptés, devenus pathogènes. Car le réchauffement climatique n'est qu'une des dimensions d'une crise écologique qui, elle-même, n'est qu'une dimension d'une crise globale dont les multiples expressions - économiques, énergétiques, culturelles, nucléaires, financières, géopolitiques, démographiques - posent un défi vertigineux : celui de la survie de l'espèce et, à travers elle, de la préservation d'un patrimoine évolutif de plusieurs millions d'années.

Une vision systémique
Le déni de cette situation consiste à envisager tous ces problèmes séparément sans percevoir la dimension systémique qui les relie. Se focaliser sur les symptômes et chercher à les éradiquer à partir des modèles qui les ont générés, est encore le meilleur moyen que l'on a trouvé pour s'enfoncer plus avant dans la crise.

L'attitude évolutive consiste, quant à elle, à percevoir chacune des ces crises dans la relation dynamique qu'elle entretient avec les autres à partir de l'ensemble systémique dont elles sont, chacune, l'expression. Cet ensemble est celui d'une crise globale qui exprime, de manière objective, l'inadaptation de notre pensée à l'évolution de notre puissance technologique.
Un tel diagnostic, et lui seul, permet d'envisager les stratégies évolutives et les modèles novateurs susceptibles de nous libérer de cette fragmentation aliénante de la pensée. Et ce n'est pas un hasard si, au moment où ces crises se font de plus en plus graves et nombreuses, apparaissent de nouvelles perspectives évolutives qui s'expriment notamment par l'émergence d'une culture intégrale et d'une intelligence collective capable de la diffuser à travers les réseaux sociaux et informatifs des technologies numériques.

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