vendredi 28 novembre 2014

Abécédaire de la Méditation (2) Une Révolution Silencieuse


Je crois que la méditation est aujourd’hui la dernière grande chance révolutionnaire pour notre temps. Fabrice Midal 


Le succès rencontré par la méditation en Occident s’apparente à une révolution silencieuse. A travers cette pratique, l’Occident redécouvre dans la ferveur le continent de l’esprit avec lequel il avait pris ses distances via une abstraction intellectuelle réduisant la vie de la conscience à une mécanique utilitaire. Étouffant sous l’emprise d’une raison instrumentale et d’une idéologie utilitariste qui leur a fait perdre tous leurs repères éthiques et métaphysiques, les occidentaux cherchent à retrouver en eux les ressources spirituelles susceptibles de donner un sens à leur vie c’est-à-dire à la fois une orientation et une signification. 

Dans un monde traversé par un flux d’information continu, la méditation apparaît comme un retour aux sources de l’esprit. Elle n’est ni un moyen, ni une fin mais trace un chemin d’évolution qui, en relativisant et en dépassant la pensée abstraite, permet de développer une conscience plus large, plus unifiée et plus intégrée. Ce faisant, elle peut devenir un levier politique capable de subvertir la pensée technocratique en ouvrant l'intelligence collective à une nouvelle vision du monde et à des manières de vivre ensemble différentes de l'économisme dominant.

Dans un entretien au magazine Inexploré, Fabrice Midal évoque le potentiel révolutionnaire de la méditation : « Mon engagement dans la méditation, je le pense comme un engagement politique. Je crois que la méditation est aujourd’hui la dernière grande chance révolutionnaire pour notre temps. Parce qu’il s’agit en méditant de cesser l’attitude de vouloir tout contrôler et tout dominer. C’est le problème majeur de notre monde ! » Dans ce billet nous évoquons donc cette révolution silencieuse en terminant l’abécédaire de la méditation commencé dans le précédent billet. 

Réel 


La réalité c’est ce qui reste quand on a oublié le Réel dont nous faisons l’expérience à travers la méditation. Un Réel non-duel à la fois complexe et irréductible, holiste et multidimensionnel, évolutif et en émergence continue.

Paradoxe : ce que les psychologues occidentaux nomment "état de veille" apparaît comme un profond sommeil par rapport à cet état d'illumination appelé "Éveil" par les orientaux.

La réalité n’est rien d’autre qu’une abstraction du Réel dont on a amputé la part essentielle de mystère, de profondeur et d’humanité. 

Qui dira la peine d’une âme sensible dans un monde sans qualité où l’agitation passe pour une vertu et la méditation pour une fuite hors de la réalité ? En faisant l'expérience du Réel, la méditation transcende la réalité et la remet à sa place qui est celle d'une manifestation à la fois transitoire et évolutive.

La méditation est cette respiration intérieure absolument indispensable pour tous ceux qui ne supportent pas l’ambiance de pollution intellectuelle, morale et spirituelle d’une civilisation asphyxiée par le nihilisme dominant. 

A travers la technologie, nous cherchons à vivre une réalité augmentée sans comprendre que la réalité elle-même n’est qu’un Réel diminué. 

Simplicité 

La méditation apparaît comme le paradigme d’une spiritualité qui, par sa radicale simplicité, ouvre un chemin de gratitude et de gratuité menant à la grâce. 

La méditation est un rendez-vous avec la simplicité au cœur même de la complexité, bien loin de cette simplification abstraite opérée par la pensée. 

C’est parce qu’elle est art de la simplicité que la méditation est aussi science de l’intensité.

Attention ! Rien de plus difficile que de parvenir à la simplicité comme il n’y a rien de plus de facile que de se perdre dans les complications mentales. 

C’est une imposture que de vouloir réduire la méditation à une posture corporelle sans comprendre que celle-ci n’est que l’expression physique d’une posture métaphysique. 


Spectacle 

Mettre en présence, tel est le but de la méditation quand celui du mental est de mettre en scène ce spectacle qu’est la représentation. 

Le mental génère une hypnose abstraite dont la méditation peut nous libérer en traversant le voile de séparation qui occulte l’Unité. Appelé Maya par les indiens, ce voile est à l’origine de ce que les situationnistes nomment le « spectacle ». Selon Guy Debord : « La séparation est l’alpha et l’oméga du spectacle ». Depuis des millénaires, les éveillés expliquent quant à eux que le mental est l’alpha et l’oméga de la séparation. 

Le spectacle – c’est-à-dire la séparation – n’est rien d’autre qu’une conscience aliénée par la représentation abstraite du mental. Transcender celui-ci, c’est comprendre pourquoi et comment la séparation – c’est-à-dire le spectacle – réduit le lien social à un abstraction économique.

Méditer - seul ou ensemble - c’est créer les conditions d’une communauté vivante et organique qui dépasse l'économisme dominant en retrouvant les valeurs de de la réciprocité – don et contre-don – comme celles de la gratuité : l'abandon, la gratitude et la grâce.

En créant des oasis d’intériorité dans ce désert d’insignifiance qu’est le chaos contemporain, le partage de l’expérience méditative invente une politique de l’esprit fondée sur la résistance à l'inhumanité.

Transfigurant la puissance de la vie en une présence d’esprit, la méditation libère la conscience de cette machine infernale que devient le mental quand il réduit la force créatrice de la vie/esprit à la mécanique aliénante de l’abstraction. 

Subversion


La méditation ne sert à rien. Elle met simplement la conscience au service du Tout dont elle est partie pensante et agissante. 

Tout est là : dans le rendez-vous du lâcher prise.

La présence d'esprit est dissidence en un monde où tout est fait pour la diluer et l'oublier dans l'enfer programmé de l'abstraction. Comme l'amour, l'art et la poésie, la méditation s'élève contre l'emprise de l'abstraction avec la force insurrectionnelle de la sensibilité concrète et de l'intuition créatrice.

Le verbe retourner, avec son double sens de retour et de conversion, rend bien compte du double mouvement qui anime la méditation : à la verticalité d’un retour aux sources de l’esprit correspond la translation horizontale de l’extérieur vers l’intérieur. Durant ce retournement, les forces créatrices et spirituelles de l’individuation s’élèvent contre les formes à la fois abstraites et narcissiques de l’individualisme. 

Le lâcher prise permet de ne plus supporter un monde insupportable en le laissant tomber pour en inventer un autre aux couleurs éclatantes de l'intensité.

Le geste insurrectionnel du méditant subvertit ce que Régis Debray nomme la "subversion utilitariste" à savoir l’hégémonie de la raison instrumentale au cœur de la modernité tardive. Dans ce contexte, la méditation est ce retournement dialectique qui vise à s’abstraire de l’abstraction pour retrouver l’intensité vécue et à subvertir la "subversion utilitariste" pour se mettre au service de ce que Bergson nomme l’évolution créatrice. 

Totalité 

La méditation c'est la perception de toute chose en relation avec la totalité. Vimala Thakar

Méditer c’est arrêter de tout vouloir expliquer pour s’impliquer intimement dans la totalité. 

Penser c’est réduire. Créer c’est accomplir. Méditer c’est intégrer. 

Méditer c’est faire l’expérience du Réel c’est-à-dire de la Totalité. La plénitude est le sentiment d’accomplissement d’une sensibilité qui participe avec intensité à la totalité dont elle procède. 

Il faut commencer par être ici et maintenant pour participer à une Totalité qui est partout et toujours. 

Méditer c’est, l’air de rien, être prêt à Tout. 

Développer le sens de la plénitude c’est faire le plein d’essentiel dans le désert existentiel de nos sociétés désenchantées.

Méditer c’est être Tout en Un comme on est Un en Tout et pour Tout. 

Transcendance 

La méditation est cette absorption dans la présence qui permet de démystifier l’hypnose abstraite générée par le mental. 

Parce qu’elle permet à l'intuition de transcender le mental pour l’inspirer, la méditation est la métaphore du saut créatif que doit effectuer l’humanité.

La séparation abstraite crée par le mental permet d’objectiver le monde. Au cours de la méditation, le mental devient lui-même objet d’attention d’un esprit transcendant. C’est ainsi que la méditation relativise le mental et le démystifie en objectivant de manière vivante et créatrice son processus abstrait d’objectivation.


Méditer c’est suivre le flux de l’attention jusqu’à la source de l’intention cosmique dont elle procède et qui la constitue.

La méditation est une médiation entre la verticale de l’intention transcendante propre à l’être et l’horizontale de l’attention immanente propre au devenir. 

Méditer c’est littéralement disparaître. Se libérer du champ des apparences pour entrer dans celui d’une transparence qui les transcende et les englobe à la fois. 

Méditer c’est apprivoiser la mort pour vivre avec plus d’intensité. En traversant les apparences, on apprend ainsi à disparaître tout au long de sa vie. 

Unité 

À l'origine, un symbole, du grec sun-bolein, est une pièce coupée en deux que se partagent deux êtres qui vont se séparer pour longtemps. Ils pourront plus tard se reconnaître en rapprochant les deux parties séparées et en reconstituant ainsi la pièce d’origine. Méditer c’est devenir un symbole qui, en unissant dans un seul souffle la présence d’esprit et la puissance de la vie, reconstitue l’unité originelle entre la terre et le ciel. 

Penser c’est distinguer. Méditer c’est transcender les distinctions mentales pour s’accorder à l’unité qui les sous-tend. C’est ainsi que la raison suzeraine se met au service de l'intuition souveraine.

L’expérience méditative nous plonge au cœur de la non dualité sur la voie du Milieu où les contraires se révèlent être des complémentaires. 

La froideur abstraite du mental éteint tout feu intérieur qui viendrait à l’embraser. L'Esprit est un tout qui embrasse le mental et le dépasse dans la perspective d’une non-dualité. 

En transcendant le mental, la méditation relativise les limites conceptuelles que l’abstraction impose à la conscience et ouvre à celle-ci le chemin intuitif de l’analogie où le Même incarne poétiquement l’Unité. 

Vie

Alors que le mental prend la vie au sérieux, méditer c'est prendre la vie à la légère en observant avec lucidité les gouffres de l'égo où elle se perd.

La méditation est ce lâcher prise qui nous donne rendez-vous avec la joie de vivre et l'intensité de vibrer.

La méditation est cet enracinement dans le silence qui puise dans les profondeurs de la vie la force de s’élever vers l’infini. 

Méditer ce n’est pas se concentrer sur son nombril mais se décentrer de son égo pour se mettre au service de la vie c’est-à-dire de l’évolution. 

Le retour aux sources de la vie nécessite d’arrêter la course vers ce qui la détruit : tel est le contexte aujourd’hui de la pratique méditative.

Méditer c’est célébrer, à travers l’inspiration et l’expiration, l’unité irréductible de l’esprit et de la vie. 


Vision 

Méditer c’est approfondir sa vision. Militer c’est incarner celle-ci à travers sa vocation. Méditer c’est Militer. Militer c’est Méditer. 

Ce n’est pas notre action qui transforme le monde, c’est la vision qui l'inspire, l'anime et la guide. Plus je médite et plus j’ai envie de militer. Plus je milite et plus j’ai envie de méditer. 


La méditation n’est ni une action, ni une abstraction mais la présence inspirée qui anime tout acte et toute pensée. 

L’expérience méditative devient un engagement politique quand elle conduit à percevoir dans l’aliénation sociale une forme de l’aliénation culturelle et dans celle-ci une impuissance à inventer des formes novatrices qui expriment la dynamique créatrice de la vie/esprit. 

Ressources

Dans la rubrique Ressources située à la fin du billet précédent - Abécédaire de la méditation (1) - nous avons proposé nombre de références destinées à ceux qui cherchent à mieux comprendre ce qu'est la méditation ou à approfondir leur pratique.

Démystifier la méditation avec Fabrice Midal. Magazine Inexploré de l’INREES - Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinairs

vendredi 14 novembre 2014

Abécédaire de la Méditation (1)


Méditer c'est, en toute simplicité, s'impliquer dans le Tout.


Il n'est pas une semaine où la presse, la radio, la télévision ou Internet ne nous vantent les mérites supposés de la méditation et de la pleine conscience dans le domaine du stress, de la santé, de l'éducation, du management, du bien-être, de la psychothérapie, de la créativité ou du développement personnel. Aux États-Unis, elle est enseignée dans les écoles, les entreprises, à l'armée et même dans les prisons. Cette ferveur se retrouve en Europe avec plus ou moins d’intensité selon la culture de chaque pays et le rapport que celle-ci entretient avec la spiritualité. En France, le grand succès rencontré par les ouvrages de Matthieu Ricard, Christophe André, Fabrice Midal ou Jon Kabat-Zinn sont le signe de cet engouement pour une approche qui permet de dépasser et de remettre en question le formalisme abstrait et mortifère dont souffre la mentalité hexagonale.

Un tel phénomène est d’autant plus étonnant que la méditation a longtemps été perçue en Occident, telle une drogue, comme une fuite hors des contraintes de la réalité. Ce changement radical de perception est à l'origine d'un profond paradoxe. A travers un lent et long apprentissage du lâcher prise, la pratique de la méditation et de la pleine conscience conduit à vivre pleinement l’instant présent en libérant la conscience de l’hégémonie du mental et de son utilitarisme intrinsèque. Et ce alors même que nos sociétés réduisent le plus souvent la méditation à un outil et à une technique, c’est-à-dire à un moyen au service d’un but pratique, dans une perspective strictement utilitaire.

Ce paradoxe ne peut être résolu que par un autre paradoxe : la méditation ne sert à rien et c'est pour cela qu'elle est utile. En dévoilant les illusions de l’égo et les limites du mental, cette pratique radicale nous libère de l'utilitarisme dominant nos sociétés et de l'intellectualisme aliénant nos subjectivités. Si la méditation ne sert à rien c'est qu'elle met la conscience au service de la totalité dont elle procède et auquel elle participe intuitivement. Car méditer c'est, en toute simplicité, s'impliquer dans le Tout à travers une attitude de lâcher prise qui, en transcendant le mental, ouvre sur  la présence d'Esprit.

Une pensée autre

Toute révolution commence par une pensée dans l'esprit d'un individu.

Dans le domaine de la méditation - comme dans celui de l’amour - moins on en dit, plus on suggère et plus on approche de l’ineffable légèreté de l’être. La méditation ne fuit pas la réflexion, elle la transcende pour l’inspirer en donnant naissance à une nouvelle forme de pensée. Débarrassée de l’utilitarisme dominant, cette pensée inspirée embrasse poétiquement le monde dans son intégrité

Comme l’écrit Fabrice Midal : « En Inde et dans tous les pays d’Asie, la méditation a toujours reposé sur une pensée subtile du monde et à l’engagement de l’être humain en son sein. Nous avons, nous aussi besoin, à partir de la méditation, de pouvoir penser plus avant notre monde – et donc aussi bien l’économie, la politique, la poésie que les relations internationales. La méditation doit nous permettre de donner naissance à une pensée autre ». (La méditation. Que sais-je ?)

Retrouvant le rôle central de l’intériorité, cette nouvelle forme de pensée associe l’intuition à la raison au sein d’une vision intégrale. Méditer ce n'est donc pas tenir le monde à distance mais s'engager dans la profondeur d'une vision qui le transforme. Comme toutes les voies d'évolution et de libération, la méditation ne se laisse enfermer dans aucune définition. En ce domaine toute explication du mental est une tentation à laquelle il faut résister pour s'impliquer dans son dépassement. Aussi nous contenterons-nous de proposer des indices, issus de notre pratique, comme autant de petits cailloux sur le chemin. Nous le ferons ici à travers un abécédaire de la méditation regroupant autour d'un thème une série de fragments et d'aphorismes qui, par leur concision même, vont à la méditation comme un gant. 

Amour

Penser c'est prendre conscience. Méditer c'est la rendre à l'Esprit en lâchant prise. La méditation est littéralement un "rendez-vous".

La plénitude du Réel ne se donne qu'à celui qui se met en situation de l'accueillir dans l'ouverture et la vacuité.

Le présent est un don. Pour le recevoir, il faut oser s'abandonner à l'intensité du vivant.

Enracinée dans l'expérience intime du don et de l'abandon, la méditation est dépassement du moi dans la rencontre du Soi.

Quand il devient sacré, l'acte sexuel est méditation en mouvement. Faire l'amour revient alors à méditer activement à travers une forme de hiérosexualité où le corps et l'âme fusionnent dans la présence d'Esprit.

La méditation est cet acte intérieur où l'abandon devient l'épiphanie de l'absolu. L'horizon du mental s'ouvre à la verticalité de l'Esprit comme la femme à la virilité de son amant.

Comme l'étreinte amoureuse, la pleine conscience est conversion du regard : dans le premier cas, ce ne sont pas les amants qui font l'amour mais l'Amour qui fait des amants une seule entité, dans le second ce n'est pas la conscience qui fait le vide, mais la plénitude qui fait de la conscience une intensité.

Dans la méditation je est un autre qui, dans le silence immobile, devient une épiphanie de la Totalité.

Art


La méditation c’est l’art de ne rien faire avec intensité.

La méditation est un art de vivre dont l’œuvre est l'éveil de la conscience à la totalité dont elle procède.  

Méditer c’est passer notre ego sous silence pour accueillir ce long poème qu’est la vie. C’est ainsi que le méditant développe une sensibilité à fleur de poésie. 

La méditation conjugue un art de vivre fondé sur la simplicité de l’immanence et un art de vibrer fondé sur l’intensité de la transcendance.

En retrouvant dans chaque respiration le souffle même de l’univers, le méditant perçoit une profonde harmonie dans la diversité infinie des manifestations de la vie. 

Et si la méditation était avant tout une voie poétique pour devenir plus humain ? Nicolas d'Inca

Face à l'activisme compulsif de nos sociétés modernes, il ne suffit pas de méditer dans la vie. Il faut faire de sa vie une méditation continue en développant cette conscience symbolique qui relie à chaque instant, d'une manière attentive, la face invisible de l'intention créatrice à la face visible des phénomènes à travers lesquels elle se manifeste

Méditer c’est entendre, derrière le mur de l’égo, l’écho d’une harmonie à interpréter dans le silence. Réenchanter le monde, c’est lui rendre son irréductible part de mystère en suivant la voix du Milieu.

Décroissance

La méditation est ce vide-grenier où l'on se débarrasse de l'insignifiance comme la simplicité volontaire se débarrasse du superflu pour se recentrer sur l'essentiel.

Attentif au mouvement de la conscience, la méditation s'en affranchit pour accueillir la plénitude du vivant. C'est ainsi qu'elle nous libère de l'avidité de l'égo qui ne connaît aucune limite dans sa volonté d'emprise et domination, d'expansion et d'accumulation.

Dans la méditation, la décroissance de la pensée abstraite est synchrone avec l'intensification de la présence : moins de moi et plus de Soi. Parce qu'il refuse la réduction des relations humaines au champ des intérêts économiques, le projet politique de la décroissance est synchrone avec l'intensification des relations humaines : moins de biens et plus de liens.

Simplicité volontaire sur le plan personnel et projet de décroissance sur le plan collectif sont deux formes économiques de méditation.

L'économie n'est que la manifestation extérieure de dynamiques personnelles et interpersonnelles fondées sur l'identification à l'égo. Mieux vaudrait parler de "l'égonomie", cette loi de l'égo qui est celle d'une conscience de séparation imposant une vision du monde fondée sur la peur et l'avidité, l'abstraction et la domination. Transcender l'égo c'est sortir de l'économie pour entrer tout simplement dans le bien commun.

Enfance

Méditer est à la fois l’enfance de l’art et le vieil art de l’enfance.

Il ne faut pas craindre d'enseigner la méditation dans les lycées, non pour faire des illuminés mais pour retrouver notre moitié perdue. Arthur Koestler

La méditation dépasse la gravité infantile du mental pour découvrir en souriant l’innocence enfantine du premier regard.

Dans la méditation, le mental s'ouvre à l'Esprit qui le transcende comme les bras de l'enfant marchant joyeusement vers ses parents.

Méditer ce n’est pas être concentré mais attentionné, observant les pensées, les émotions et les sensations avec la compassion d’une mère pour ses enfants turbulents.

L’apprentissage de la méditation ressemble étrangement à celui de la bicyclette. Quand l’enfant a développé le sens de l’équilibre, les parents enlèvent les deux roulettes, parallèles à la roue arrière, qui permettaient de stabiliser le vélo. Devenu adulte, il peut suivre le chemin de la méditation en retirant progressivement les béquilles d’une pensée dualiste pour évoluer sans perdre l’équilibre vers une conscience unifiée.

Parce qu'elle relève de l'esprit d'enfance, la méditation doit être enseignée aux jeunes et pratiquée par eux comme le plus court chemin de soi à soi-même.

Quelle erreur de vouloir refonder l'éducation sans prendre appui sur les fondations de l'esprit explorées depuis des millénaires par toutes les grandes traditions !

Évolution

Sur les chemins de l’ineffable, la méditation est une conversation silencieuse avec l’essentiel.

A travers la méditation, l'individu moderne dépasse les impasses narcissiques de l'individualisme pour participer au flux évolutif de l'individuation. 

Aimer, Créer et Méditer. Tels sont les principes complémentaires d’une vie évolutionnaire. 

La conscience humaine évolue en dépassant les limites conceptuelles de la réflexion par une vision inspirée et en transfigurant cette inspiration personnelle en une présence impersonnelle.

Mettre des mots sur des idées, c’est parler. Formuler ses intuition à travers des concepts, c’est penser. Ressourcer ses intuitions à la présence d'esprit, c’est méditer.

L'intime complicité entre le méditant et la vie fait de celui-ci un agent du courant évolutif et un résistant à toutes les formes de domination qui voudraient lui faire obstacle.

Libération 

Méditer c’est se déhabituer pour habiter pleinement la présence. 

La méditation est cette contention intérieure qui permet à l’intention créatrice de se libérer de cette détention qu’est la pensée. 

De même que la langue en poésie n'est pas instrumentalisée mais rendue à sa liberté, de même l'esprit en méditation n'est pas utilisé mais rendu à son déploiement. Nicolas d'Inca

La méditation est une médication soignant cette blessure de l’ego d’où s’écoule le sens de la vie. 

En libérant le flux de la présence de la fixité des représentations, la méditation se joue des identités qui nous mettent en résidence surveillée.

La réflexion authentique conduit à la suspension provisoire du jugement pour permettre à l'imagination de se déployer, comme la méditation conduit à la suspension provisoire de la pensée pour accueillir l'ineffable. Dans le temps suspendu de la méditation, la conscience se libère de l’identification obsessionnelle au jeu mouvant des formes. 


L’expérience de la méditation nous délivre du terrorisme intellectuel qui prend l’intuition en otage pour maintenir l’emprise de l’abstraction.

La méditation n’est ni une fin ni un moyen mais l’expérience sensible de la finitude à travers l’ouverture sur l’infini. 

La méditation véhicule l’essentiel sur le chemin chaotique de l’existence. 

Certains méditent comme on dépose de l'argent sur un compte en banque. Ces rentiers de la pleine conscience prennent la posture, dans le silence et l'immobilité, attendant patiemment le versement de leur intérêts en paiement de leurs efforts. Ils se trompent : la grâce ne se révèle et ne s'incarne que dans la gratuité.

Quand elle se transforme en routine, la pratique de la méditation peut devenir un obstacle à l'esprit de la méditation. Il faut alors, selon l'expression du bouddhisme Zen, "Tuer le Bouddha" c'est à dire remettre en question l'hypnose formelle pour réinvestir la pratique d'un élan vital et inspiré.

Philosophie

Philosophe en méditation de Rembrandt (1632)
Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre. Blaise Pascal

Méditer c'est déjà philosopher en s'abandonnant à la présence qui fonde le sens et défait les préjugés. Philosopher c'est déjà méditer en prenant ses distances avec le conformisme dominant.

Croire que l'on peut être philosophe sans pratiquer la méditation revient à croire que l'on peut être musicien sans la pratique d'un instrument. En relativisant la pensée représentative, la présence d'esprit permet d'observer celle-ci et d'en saisir tous les mouvements pour en comprendre les limites.

Penser c'est identifier. Méditer c'est transcender l'identité pour la dissoudre dans le flux souverain de la présence. 

Le philosophe est ami de la sagesse. Le sage est ami de l'indicible. 

La méditation remet la raison à sa place : celle d'une intendante dévouée au service de l'intention créatrice.

La méditation est cette opération alchimique qui transmue le plomb de la représentation abstraite en or de la présence d'esprit.

L'abstraction met le monde à distance en l'expliquant pour le dominer. La méditation nous met en sa présence pour y participer en s'y impliquant.

Il faut impérativement distinguer la connaissance par représentation de la connaissance par participation. En somme connaître par le "dehors" et connaître par le "dedans". Différence entre philosophie et science d'une part, mystique et résonance, d'autre part. Ces deux voies de connaissance ne sont pas antinomiques et contradictoires mais, au contraire, complémentaires et dialectiques. Marc Halévy

Présence 

Méditer c'est faire simple. Le chemin de l'éveil commence par la veille et se poursuit dans l'émerveillement.

Méditer c'est prendre son temps et vivre avec lui. Prendre son temps en retournant à la source de l'instant pour le donner à l'éternité. Vivre avec son temps en participant de l'intérieur à son mouvement évolutif. 

La posture de la méditation est une danse immobile.

Pour que la méditation nous parle, il faut faire silence. 

Les pratiques de méditation les plus avancées à travers les âges et les continents se réduisent à une seule technique : abandonner l’idée même de technique en vivant la plénitude de l’instant présent. 

La méditation est cette quête de l'intra-ordinaire d'où jaillit la mémoire de l'éternité.


La méditation c'est la rencontre de l'éternité dans le moment présent. Vimala Thakar

La méditation est cet art de veiller et de s'émerveiller en s'ouvrant à la vibrante intensité d'une présence vivante.

En conjuguant le silence et l’immobilité, la méditation est cette science humaine de l’exactitude intérieure qui invite à la présence concrète comme le mental invite à la représentation abstraite. 

« Connectez-vous pour installer les mises à jour importantes ». Ce message que l’on peut lire sur les écrans d’ordinateurs convient parfaitement à la pratique de la méditation qui consiste à se connecter au flux évolutif de la vie/esprit.

En observant le contenu de la conscience, la méditation s’en émancipe. Le vide ainsi crée permet de plonger dans l'inconnu : l’attention se met alors à l’écoute de l’inattendu.

Ressources 

Site de Fabrice Midal.

La Méditation. Que sais-je. Frédéric Midal 

Pratique de la méditation. Méditations Guidées. Livre, CD, DVD. Frédéric Midal

Méditations sur l’amour bienveillant. 12 Méditations Guidées. 3 CD. Fabrice Midal

L’École occidentale de méditation fondée et dirigée par Fabrice Midal

Psychologie et Méditation. Blog de Nicolas d'Inca


Émission Onde de Méditation. Méditations guidées sur Radio Évolutionnaire 

Festival de la méditation. Seconde édition à Paris du 23 au 25 Janvier 2015 à Paris