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Chaque billet du Journal Intégral est la pièce d’un puzzle qui dessine, entre intuitions créatrices et réflexions critiques, la vision intégrale d’un homme réunifié dans un monde réenchanté. Les résumés des articles présentés dans cette Table des Matières permettront aux lecteurs de reconstituer ce puzzle en allant se référer à telle ou telle pièce afin de mieux comprendre et intégrer toutes les autres.
Table des Matières 2010
1 – Demandez le programme !...
2 – Une philosophie du Tout
3 – La petite Princesse
4 – Evolutions
5 - Evolutions (fin)
1 – Demandez le programme !...
2 – Une philosophie du Tout
3 – La petite Princesse
4 – Evolutions
5 - Evolutions (fin)
Table des Matières (6) du 17 Octobre au 15 Novembre 2010
On est plus pensé par son époque qu’on ne la pense. Michel Maffesoli
Victor Hugo disait que rien ne peut arrêter une idée dont le temps est venu. Après la plongée des temps modernes dans les abysses du matérialisme, le post-matérialisme est un courant de rénovation culturelle, spirituelle et sociale qui implique aujourd’hui l’émergence de nouvelles formes de représentation, de subjectivité et d’organisation.
La série de textes regroupés sous le titre Post-matérialisme est l’occasion d’entendre celles et ceux que ce nouvel air du temps inspire. Chacun d’eux exprime à sa façon, de manière singulière, cette nouvelle manière de voir et de sentir, de percevoir et de penser. Ce n’est donc pas un hasard si, entre ces textes, existent des échos, des passerelles, des résonances, des similitudes. Cet effet de résonance intersubjective permet de se mettre à l'écoute du nouvel air du temps, rassemblant ces divers voix en un chœur commun qui exprime un réenchantement du monde.
Quelques mots de passe – sagesse, urgence, mutation, sobriété, post-capitalisme, inspiration, simplicité volontaire, partage, plénitude, réenchantement, coopération, décroissance, intuition – sont autant de noms de codes que l’on retrouve parfois d’un texte à un autre. Les codes d’une conspiration – c'est-à-dire une inspiration commune – qui participe à l’émergence d’un nouvel art de vivre dont l’œuvre collective serait de nouvelles formes d’existence et de pensée.
Le site Ploutopia propose un résumé synthétique du livre fondateur de Christian Arnsperger - Ethique de l’existence post-capitaliste - auquel nous avons consacré trois billets (à lire ici). En appliquant la théorie intégrale au champ économique, Arnsperger permet de comprendre les sources spirituelles de l’aliénation propre au système capitaliste qui, avant d’être un système économique, est une « vision du monde » répondant à notre angoisse existentielle en terme d’appropriation et de consommation. Ce texte permet de mieux comprendre en quoi le capitalisme est un piège existentiel et comment il est possible de s’en libérer par une vision intégrale qui prend en compte l’être humain dans sa totalité évolutive.
Dans ce billet, qui est la suite au précédent, l’animateur du site Ploutopia développe notamment la notion de « militantisme existentiel » proposé par Christian Arnsperger : « Être bien conscient que nous faisons partie intégrante d’une culture, d’un système et d’une conscience capitaliste dont nous sommes responsables et dont il est essentiel de sortir si nous ne voulons pas éteindre la flamme (de Vie, de Conscience, de Divin).
D’un point de vue concret, le travail sur soi est la Voie. Simplicité, frugalité, décroissance, autocritique et spiritualité (sens de la vie) sont les clés de sortie du labyrinthe capitaliste. Relocalisation et démocratisation (travail, écologie, monnaie) tombent alors sous le sens. C'est ça le changement de paradigme. C'est ça le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. »
En écho au mouvement social qui a eu lieu aux Antilles en Février 2009, neuf intellectuels antillais ont rédigé un « Manifeste pour les « produits » de haute nécessité » dans lequel ils posent les bases de ce que pourraient être des sociétés post-capitalistes. Nous proposons des extraits de ce manifeste où l’inspiration poétique se mêle à l’analyse politique afin d’alimenter une réflexion sur le post-matérialisme et en général et sur le post-capitalisme en particulier.
« Toute vie humaine un peu équilibrée s'articule entre, d'un côté, les nécessités immédiates du boire-survivre-manger (en clair : le prosaïque) ; et, de l'autre, l'aspiration à un épanouissement de soi, là où la nourriture est de dignité, d'honneur, de musique, de chants, de sports, de danses, de lectures, de philosophie, de spiritualité, d'amour, de temps libre affecté à l'accomplissement du grand désir intime (en clair : le poétique)...
Il est donc urgent d'escorter les "produits de premières nécessités", d'une autre catégorie de denrées ou de facteurs qui relèveraient résolument d'une "haute nécessité". Par cette idée de "haute nécessité", nous appelons à prendre conscience du poétique déjà en œuvre dans un mouvement qui, au-delà du pouvoir d'achat, relève d'une exigence existentielle réelle, d'un appel très profond au plus noble de la vie. »
Ce billet est la suite du précédent. « Nous appelons donc à ces utopies où le Politique ne serait pas réduit à la gestion des misères inadmissibles ni à la régulation des sauvageries du "Marché", mais où il retrouverait son essence au service de tout ce qui confère une âme au prosaïque en le dépassant ou en l'instrumentalisant de la manière la plus étroite. Nous appelons à une haute politique, à un art politique, qui installe l'individu, sa relation à l'Autre, au centre d'un projet commun où règne ce que la vie a de plus exigeant, de plus intense et de plus éclatant, et donc de plus sensible à la beauté.
Ainsi, chers compatriotes, en nous débarrassant des archaïsmes coloniaux, de la dépendance et de l'assistanat, en nous inscrivant résolument dans l'épanouissement écologique de nos pays et du monde à venir, en contestant la violence économique et le système marchand, nous naîtrons au monde avec une visibilité levée du post-capitalisme et d'un rapport écologique global aux équilibres de la planète... Alors voici notre vision : Petits pays, soudain au cœur nouveau du monde, soudain immenses d'être les premiers exemples de sociétés post-capitalistes, capables de mettre en œuvre un épanouissement humain qui s'inscrit dans l'horizontale plénitude du vivant.»
31/10/10 - Post-Matérialisme (5) La Sobriété Heureuse
31/10/10 - Post-Matérialisme (5) La Sobriété Heureuse
Dans un article intitulé Vive la sobriété heureuse, Patrick Viveret esquisse le résultat d’une recherche élaborée dans le temps long d’une recherche transdisciplinaire. Il faut, selon lui, articuler la critique de la démesure productiviste et consumériste avec l’exigence d’un mieux-être fondée sur la prise en compte des besoins fondamentaux de sens, d’appartenance et d’individuation. Ce passage de la réduction technocratique et quantitative à l’intégration qualitative et créative s’inscrit dans la perspective d’une écosophie destinée selon Felix Guattari à penser écologiquement et politiquement la question de la sagesse.
La sagesse, en tant qu’art de vivre et réponse aux besoins fondamentaux devient un thème éminemment politique qui peut être à l'origine d'une citoyenneté terrienne. C’est autour de cette sagesse que peut se reconfigurer le tissus culturel, politique et social d’un vivre ensemble déchiré par la réduction technocratique. En intégrant les sagesses du monde, l’écosophie permet de se libérer de l’emprise d’une culture de domination fondée sur une vision abstraite de l’être humain.
Le passage d’une époque à une autre naît d’une transformation subtile de l’air du temps perçue par les sensibilités les plus aiguisées. Patrick Viveret explique ainsi le changement en cours : « Nous sommes à la fin du cycle des temps modernes qui furent marqués par ce que Max Weber, d'une formule saisissante, avait caractérisé comme "le passage de l'économie du salut au salut par l'économie".»
A nous d’effectuer la synthèse entre le meilleur de la modernité et de la tradition en procédant à un tri sélectif rigoureux concernant le pire généré par ces deux héritages. Remettre l’homme au cœur de la société et l’esprit au cœur de l’être humain sont l’avers et le revers d’une même quête. L’homme ne pourra dépasser cette angoisse existentielle qu’il cherche à compenser dans l’ivresse de la démesure qu’en retrouvant le sens de l’infini et celui du mystère qui le fonde et le transcende à la fois.
Un nouvel air du temps enchante les consciences des individus les plus créatifs qui constituent des réseaux et une intelligence collective au sein desquelles s’échangent des intuitions, des perceptions et des idées nouvelles. S’il est une évidence partagé dans ces réseaux c’est que le bonheur n’est pas réductible à la croissance quantitative de la production et à la course compulsive à la consommation qui constituent la diastole et la systole du système capitaliste, incarnation faustienne du matérialisme moderne.
Cet air du temps est donc post-matérialiste. Un post-matérialisme fondé sur l'impérieuse nécessité de retrouver à la fois le sens de la sagesse et celui de la finitude, le sens du partage et celui de la communauté. L’heure est venue de redéfinir nos priorités et de reconfigurer nos mentalités en inventant de nouvelles formes de vie, de sensibilité et de pensée inspirées par l’esprit du temps.
Paradoxe moderne : plus l’homme devient abstrait et plus il est matérialiste. Plus il est matérialiste et plus il fait abstraction d’une dimension essentielle de l’humanité : celle qui, n’étant réductible à aucune dimension observable ou quantifiable, réside dans le mystère de l’intériorité et se manifeste, de manière qualitative, à travers la sensibilité esthétique, le sens éthique, l’intuition créatrice, l’imagination symbolique ou l’inspiration spirituelle.
Parce que les lunettes abstraites de la modernité ne lui permettent de participer à ce mystère, elle le déclare inexistant. Pire : elle combat toute démarche intuitive et spirituelle comme la résurgence d’une mentalité archaïque qui brouille la modélisation abstraite. En apportant prospérité et confort à une minorité d’être humains, le progrès technologique a, dans le même temps, limité la conscience à une visée utilitaire et instrumentale qui nie la richesse spirituelle et symbolique de l’intériorité.
L’hégémonie de la raison instrumentale a fait autant de merveilles sur le plan de la technique qu’elle a creusé chez l’homme moderne un profond vide existentiel et symbolique. La simultanéité, l’intensité et la profondeur des multiples crises qui nous traversent autant que nous les traversons sont autant d’échos extérieurs à cette crise fondatrice entre la dynamique créatrice de la subjectivité et la mécanique d’une pensée instrumentale, devenue toute-puissante.
La réaction à cette situation tragique est l’émergence d’un courant post-matérialiste qui n’accepte pas la domination du réductionnisme et du formalisme abstrait, au cœur du matérialisme moderne. L' instrumentalisation et la fragmentation de l’humain sont à l'origine d'une profonde déshumanisation. Né du refus de cette déshumanisation, le post-matérialisme exprime la nécessité absolue dans laquelle nous nous trouvons de faire émerger une nouvelle vision du monde qui associe l’intuition holiste et la raison instrumentale.
Dans un telle civilisation fondée sur le déni de l’essentiel, la crise remplace l’initiation : « Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer en profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. »
Prononcée voilà près de vingt ans, cette conférence est aujourd’hui d’une brûlante actualité. Au-delà des spéculations intellectuelles et des analyses fragmentaires qui fleurissent dans les médias et en librairie, Christiane Singer nous donne à voir l’origine réelle – à la fois existentielle et spirituelle – des diverses crises que nous traversons.
Cette phrase proche de l’aphorisme pourrait être mise en exergue d’une analyse sur cette sensibilité post-matérialiste pour laquelle il ne s’agit pas tant "de combattre le matérialisme que de se libérer de la servitude qu’il représente" en développant notre richesse véritable : celle d’une abondance intérieure et d’une sobriété heureuse qui naissent du lien intime que nous entretenons avec la dimension créatrice de l’esprit.
La question fondamentale à se poser n’est donc pas celle concernant l’augmentation infinie de la croissance économique dans un monde aux ressources limitées mais bien celle du choix qui doit être fait par chacun d’entre nous entre le consentement à l’aliénation générale ou, au contraire, l’éveil de la conscience à une dimension transcendante qui libère l’individu de l’emprise et de la fascination des apparences formelles.
A tous ceux qui, enfermés dans une vision matérialiste, objective et unidimensionnelle, nient la profondeur de l’expérience poétique et spirituelle, Jacqueline Kelen rappelle cet avertissement d'une terrible lucidité donné par Antonin Artaud : « La poésie que vous n’avez pas mise dans vos vies vous reviendra sous la forme de crimes effroyables ».
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