vendredi 12 décembre 2014

Matthieu Ricard. L'Entraînement de l'Esprit


Être libre, c'est être maître de soi-même. Matthieu Ricard


Nous vous proposons ci-dessous une vidéo de l’intervention de Matthieu Ricard lors de la troisième édition du Forum international de l’évolution de la conscience qui a eu lieu le 18 Octobre dernier à Paris avec pour thème : « Comprendre pour évoluer : la science de l’évolution de la conscience ».

Moine tibétain et interprète français du dalaï-lama, Matthieu Ricard, 67 ans, vit au Népal, dans le monastère de Shechen depuis quarante ans. Après sa thèse en génétique cellulaire à l’Institut Pasteur en 1972, il s’établit dans l’Himalaya où il se consacre depuis à l’étude et à la pratique du bouddhisme. 

L’intérêt de cette vidéo est de nous montrer que cette « science de l’esprit » qu’est le bouddhisme peut aider chacun d’entre nous de manière concrète dans notre quotidien. Dans un langage simple, souvent avec humour, Matthieu Ricard tord le cou aux clichés véhiculés en Occident sur la méditation. Selon lui, cette pratique est partie intégrante d’un entraînement de l’esprit qui n’est pas une évasion hors du monde ou une simple quête de sérénité mais qui vise à retrouver, au-delà de l’incessant « bavardage des neurones », une présence éveillée qui est la source de toutes nos facultés cognitives. Cette présence d’esprit développe une ouverture et une bienveillance pour toutes les formes de vie et de conscience. 

 A travers ce dialogue avec Eric Allodi, Matthieu Ricard transmet son expérience avec humilité et humanité en montrant qu’il n’est pas besoin d’aller au cœur de l’Himalaya pour commencer cet entrainement de l’esprit qui va déterminer la qualité, l’intensité et la profondeur de notre vie. 

Le Forum International de l’évolution de la conscience 


Voilà trois ans que l’équipe d’EnlightenNext France organise le Forum international de l’évolution de la conscience qui réunit des visionnaires du monde entier afin de partager des paradigmes émergents et de nouvelles perspectives susceptibles de catalyser une évolution fondamentale de la conscience. Le succès remporté  chaque année par ce Forum et son écho dans le public sont en eux-mêmes des signes patents d'une transformation de la mentalité collective.

Dans Le Journal Intégral nous avons rendu compte des deux premières éditions qui ont posé le caractère indispensable de cette évolution comme clé de notre devenir et qui ont défini comme un(e) évolutionnaire celui ou celle qui perçoit le potentiel du présent, croit profondément au futur et s’en sent personnellement responsable. Une fois que nous comprenons le besoin pressant de faire évoluer notre vision du monde, la question suivante se pose : comment mettre en place une telle démarche au quotidien? 

Pour trouver des réponses à cette question les organisateurs ont invité des chercheurs spirituels comme des scientifiques - qui sont parfois les deux en même temps - afin de mieux comprendre les fondements de la conscience et de son évolution. Ces intervenants ont aussi partagé leur expérience en évoquant les pratiques qui permettent à la conscience de se développer sur le plan individuel et collectif. 

Plaidoyer pour les Animaux 

Depuis de nombreuses années, Matthieu Ricard participe aux recherches du Mind and Life Institute dont le but est de développer les échanges entre la science et le bouddhisme. Il est auteur de plusieurs best-sellers dont Le Moine et le philosophe, L’art de la méditation, Plaidoyer pour le bonheur. L’année dernière, son Plaidoyer pour l’altruisme vendu à plus de 120.000 a popularisé le concept de «bienveillance ». 

Matthieu Ricard consacre le début de son intervention à son dernier ouvrage qui vient juste de paraître : Plaidoyer pour les animaux. Vers une bienveillance pour tous. Selon lui, l’entraînement de l’esprit, au cœur du bouddhisme, développe un champ de bienveillance et de compassion qui n’est pas restreint aux êtres humains mais qui englobe tous les êtres sensibles capables d’éprouver de la souffrance, ce qui est, bien-sûr le cas des animaux. C’est ainsi qu’il évoque la célèbre phrase de Lamartine : "On n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme et l'autre pour l'animal. On a du cœur ou on n'en a pas!". Et ce alors que nous tuons par ans pour notre consommation 1.000 milliards d’animaux marins et 60 milliards d’animaux terrestres dans des conditions souvent abominables. 

Dans un entretien à l’Obs au sujet de cet ouvrage, Matthieu Ricard dit ceci : « Le bouddhisme estime que tous les êtres ont le droit fondamental d'exister et de ne pas souffrir. C'est une question de cohérence éthique. Dès le XIXe siècle, Schopenhauer, lui-même inspiré par l'Inde et le bouddhisme, affirmait que «celui qui est cruel envers les animaux ne peut être un homme bon»… 

Tous ceux qui ont parlé en faveur de la cause animale - Voltaire, Shaftesbury, Bentham, Mill et Shaw - étaient aussi les plus ardents avocats du respect des droits de l'homme. Il y a trois cents ans, on torturait les gens sur la place publique. En trois cents ans, nous en sommes venus au respect des droits de l'homme, de la femme, de l'enfant, avec l'abolition de l'esclavage et de la torture. L'étape suivante naturelle du progrès de la civilisation, ce sera le respect des animaux. Et ça commence par accorder un peu de compassion à l'autre. » 

Une science de l’esprit 


La bienveillance évoquée par Matthieu Ricard est le résultat d’une ouverture de la conscience qui peut se développer grâce à un entraînement de l’esprit. Développée depuis plus de deux millénaires, cette véritable science de l’esprit qu’est le bouddhisme permet de mieux comprendre le mécanisme du bonheur et de la souffrance. En prenant du recul par rapport aux réactions en chaîne des idées et des émotions, nous découvrons en nous une présence éveillée qui nous libère de la confusion mentale.

Cette présence nous familiarise avec un nouveau mode de perception, plus en adéquation avec la réalité profonde de notre conscience comme de l’univers. C’est ainsi que nous nous libérons des limitations de l’égoïsme pour embrasser dans notre champ d’attention et de compassion une sphère de plus en large. 

Fondamentalement, l’être humain n’est pas une entité abstraite, totalement autonome, mais un être de relations qui, grâce à un entraînement de l’esprit, notamment par la méditation, prend peu à peu conscience de l’interdépendance entre toutes les formes de vie et de l’impermanence de toutes les formes de conscience. Se désidentifier des pensées, des émotions, de l’égo, c’est participer à ce flux continu de transformation qu’est notre être et notre conscience. 

Évolution individuelle et collective 


Paradoxe : plus nous entrons en nous-mêmes dans la profondeur de la conscience et plus nous nous sentons engagés dans le monde et dans son évolution. Une telle prise de conscience va à l’encontre des préjugés occidentaux qui séparent trop souvent la quête spirituelle et culturelle de l’action sociale et politique. Pour la mentalité dominante en Occident, se consacrer à une quête intérieure c’est se déconnecter du monde et de l’humanité dans une sorte de quiétude et de repli narcissique. 

Ce que nous enseignent au contraire les chemins de sagesse c’est que l’action sociale et politique n’a de sens et d’efficacité véritable que si elle est enracinée dans la profondeur d’une vision à la fois culturelle et spirituelle. L’évolution du monde passe par notre évolution personnelle c’est-à-dire par le développement de notre esprit au-delà des illusions de l’ego et des limitations du mental. 

L'exemple de Matthieu Ricard est parlant. Loin de se cantonner à l’étude et à la méditation, il est le fondateur de Karuna-Shechen, une importante association à but non lucratif qui a pour idéal la compassion en action. Depuis 2000, Karuna-Shechen initie et gère des projets spécialisés dans la prestation de soins de santé primaires et de services éducatifs et sociaux aux populations défavorisées en Inde, au Népal et au Tibet. Tous les droits d’auteurs de ses ouvrages sont destinés à cette association. 

L’expérience et le témoignage de Matthieu Ricard montre que, par-delà le marketing de la pleine conscience qui instrumentalise la méditation pour nous vendre du bonheur en dix leçons, l’entraînement de l’esprit est un long chemin de sagesse où l’évolution de l’individu entraîne celle de la collectivité qui elle-même transforme chacun de ses membres. En nous libérant des impasses de l’individualisme et du consumérisme, l’ouverture de la conscience à une présence éveillée permet le développement de la bienveillance et de la compassion qui englobent dans leur champ d’attention toutes les formes de vie et de conscience. 

Matthieu Ricard : Conscience et Méditation



Ressources 



Entretien avec Matthieu Ricard dans l’Obs au sujet de son dernier ouvrage : Plaidoyer pour les animaux. 

2 commentaires:

  1. Savoir gérer ses pensées, c'est possible.

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  2. Passionnant. Une pensée exigeante et de haut vol, sans recettes toutes faites. La rigueur scientifique alliée à la recherche spirituelle, c'est très stimulant, et ça donne beaucoup d'espoir.

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