dimanche 28 mars 2010

Ken Wilber, Philosophe du Tout (1)


Eveil et Evolution Andrew Cohen est un enseignant spirituel américain qui transmet la vision originale de l'éveil évolutif, un éveil spirituel qui, au 21ème siècle, s’effectue dans le contexte d’une évolution cosmique de quatorze milliards d'années. N'hésitant pas à remettre en cause l'individualisme qui caractérise la plupart des approches spirituelles contemporaines, Cohen propose une vision novatrice qui transcende la narcissisme ambiant de la post-modernité en éveillant chez l’individu un énergie créatrice à travers laquelle il participe à l'évolution de la conscience et de la culture.
Autour d’une question centrale : "Qu'est-ce que l'éveil et qu’est-ce que cela signifie pour le monde d'aujourd'hui ? » il fonde en 1991 un magazine qui fait écho à ses recherches : What Is Enligthenment ? Ce magazine a changé de nom récemment pour devenir EnligthentNext, du nom du réseau international constitué par tous ceux qui suivent ses recherches et ses enseignements dans de nombreux pays.
Tout au long de ces années, Cohen et son équipe de journalistes ont donc rencontré mystiques et matérialistes, physiciens et philosophes, militants, artistes ou athlètes avec la volonté de créer un forum de dialogue, d’enquête et de réflexion sur le sens de la vie humaine à notre époque. Eveil et Evolution est la version française de EnlightenNext. A travers les sept numéros déjà parus, ce magazine, à la fois philosophique, culturel et spirituel est la vecteur francophone d’une culture intégrale qui propose des perspectives nouvelles dans de nombreux domaines : la pensée et la science, l’art et l'environnement, la politique et l’économie.
L’équipe d’Eveil et Evolution privilégie actuellement une diffusion sur internet. C’est en ce sens que le site d’EnlightenNext France propose une médiathèque où l’on peut trouver, entre autre, les articles parus dans Eveil et Evolution, lisibles en ligne ou téléchargeables. Dans ce cadre, des articles nouveaux sont proposés aux lecteurs chaque mois. Une occasion à ne pas manquer pour tous ceux qui s’intéressent à la culture intégrale et à son développement.
Andrew Cohen est un ami de Ken Wilber, le pionnier de la théorie intégrale. Le premier se définit plutôt comme un guide spirituel et le second comme un érudit. Leurs dialogues font l’objet d’articles passionnants lisibles en français sur le site d'Eveil et Evolution et en anglais sur celui d'EnlightenmentNext. Suite à la parution du nouveau livre de Wilber, Integral Spirituality, l’équipe de What is enlightenment ? a publié dans son édition de Juin 2006 un numéro consacré principalement à Wilber et à son œuvre.
Dans ce numéro, Carter Phipps dressait le portrait de Ken Wilber en Philosophe du Tout. Ayant travaillé à la traduction française de cet article, j’ai demandé à l’équipe d’Eveil et Evolution l’autorisation de diffuser dans Le Journal Intégral cet article encore inédit en français qui permet aux lecteurs francophones de se familiariser avec le travail de Ken Wilber et son évolution récente. Nous publions donc en trois parties la traduction de cet article dont on peut lire ici l’original en anglais. Pour tous ceux qui s’intéressent à l’œuvre de Wilber, nous renvoyons à notre billet sur le livre de Franck Visser qui vient de paraître : Ken Wilber, la pensée comme passion.
Le Philosophe du Tout par Carter Phipps. Première Partie
Vous ne le verrez pas dialoguer avec des leaders internationaux sur CNN. Vous ne le verrez pas non plus papoter avec des politiciens à Davos. Vous ne le verrez pas interviewé par Guillaume Durand ou Patrick Poivre d’Arvor dans les magazines télévisés. Vous pouvez même être un citoyen cultivé et informé du monde occidental sans jamais avoir entendu parler de lui. Mais attention, ne vous y trompez pas, Ken Wilber est important. Sa recherche et ses idées - ce qu’il appelle « la philosophie intégrale » - ont, peu à peu, une influence sur ce que des centaines de milliers, voire des millions, de gens pensent du monde où ils vivent.
Depuis la publication de son premier livre, The Spectrum of Consciousness en 1977, l’œuvre de Wilber n’a cessé d’ébranler progressivement les fondations philosophiques de notre époque postmoderne en mettant à jour sa confusion et ses contradictions. Les nouveaux modèles et cartes de la réalité qu’il propose et articule entre eux préfigurent ce que sera la culture du futur. Si la postmodernité peut-être définie, selon la fameuse expression de Lyotard comme « l’incrédulité à l’égard des méta-récits », alors la théorie intégrale de Wilber en est la parfaite antidote.
Avec des livres intitulés « Une Brève Histoire de Tout » et « A Theory of Everything », Wilber a voulu créer une sorte de Saint Graal des grands récits, une structure permettant l’intégration de toutes les catégories de la connaissance humaine. Quel autre philosophe pourrait rassembler aussi aisément l’essentiel de la religion, de l’art, de la morale, de l’économie, de la psychologie et des sciences majeures en une théorie unique ? Quand Wilber utilise le mot « intégral », il sait ce que cela signifie. Wilber n’est pas le fondateur de ce domaine de recherche, encore embryonnaire, qui est celui de la philosophie intégrale. Un titre qui reviendrait sans doute au sage indien Sri Aurobindo ou au philosophe Jean Gebser. Certains iront même jusqu’à y voir l’héritage d’Hegel, bien que l’idéaliste allemand n’ait jamais utilisé d’une manière spécifique le mot « intégral ». Mais Wilber est le représentant actuel du « monde intégral ». Son oeuvre synthétise en une théorie intégrale, unifiée et cohérente, toute une collection d’idées éparses proposées par une poignée de visionnaires.
A l’origine d’un mouvement de pensée important, cette oeuvre puissante propose un ensemble de notions fondatrices sur notre réalité. Son influence commence à se faire sentir y compris dans les sphères dirigeantes comme en témoigne une référence récente de Bill Clinton à l'œuvre de Wilber lors d’une conférence à Davos au cours de laquelle il mentionne l’approche intégrale comme un prisme puissant au travers duquel on peut comprendre notre monde en pleine globalisation et y participer. L’attrait de la théorie intégrale tient à sa dimension de synthèse et de compréhension, à sa capacité de restructurer la complexité du savoir humain en une organisation à la fois cohérente et pratique.
Wilber est le principal responsable de la notoriété de cette théorie. Son esprit à la fois brillant et synthétique lui permet d’être aussi à l’aise avec la psychologie jungienne qu’il l’est avec les épistémés de Foucault, avec le difficile problème des sciences cognitives ou la nature du Vide dans le bouddhisme Vajrayana. Et il écrit sur ces sujets de manière à être compris de tous comme un éducateur amenant le public à contempler des perspectives à la fois radicalement nouvelles et plutôt sophistiquées.
Wilber a débuté sa carrière en explorant les liens entre psychologie et traditions spirituelles orientales, et en intégrant de manière audacieuse ces perspectives différentes dans un « spectre de la conscience » exhaustif, véritable cartographie du développement psychologique et spirituel de l’être humain, depuis la naissance jusqu’à l’illumination bouddhique. Cette synthèse, assez radicale pour l’époque, lui a valu un succès d’autant plus grand qu’elle a largement inspiré le domaine de la psychologie transpersonnelle (domaine avec lequel il a pris ses distances depuis). C’est ainsi qu’il est apparu comme le véritable porte-parole des profondes intuitions véhiculées par les grandes traditions mystiques tant orientales qu’occidentales.
Selon lui, ces traditions sont la source de connaissances que toute théorie « intégrale » authentique se doit d’inclure. Sa recherche répondait aussi à une exigence intime et une passion profonde dans la mesure où Wilber, lui-même, est un pratiquant spirituel dont l’expérience emprunte plusieurs voies, notamment celles du Zen et du Bouddhisme Tibétain. Il s’est donné le nom de « pandit », terme sanscrit correspondant à l’enseignant érudit qui défend le vrai dharma* contre tous ceux qui voudrait le pervertir. Ce plaidoyer permanent lui vaut d’être apprécié et respecté par beaucoup de gens, y compris par les rédacteurs de ce magazine, qui pensent qu’un discours religieux et spirituel conséquent est essentiel aussi bien pour la santé de la culture contemporaine que pour son évolution.
* ( Le terme Dharma est un mot Sanskrit signifiant loi naturelle, ou réalité. Utilisé dans le cadre de la religion et de la spiritualité, il décrit une façon d’être se conformant à la loi universelle ou à la nature essentielle des choses.)
Bien entendu, le fait pour Wilber de mettre la spiritualité au cœur de sa construction philosophique n’a pas attiré la sympathie d’une intelligentsia occidentale profondément sceptique. Dès le début, il savait que sa propre philosophie irait à l'encontre des courants intellectuels dominants : « Une chose était très claire pour moi alors que je me battais avec difficulté pour savoir comment procéder dans un climat intellectuel acharné à déconstruire tout ce qui croisait son chemin: je devais retourner en arrière et tout reprendre depuis le début pour tenter de créer le vocabulaire d’une philosophie plus constructive. Au-delà d’un pluralisme relativiste, il existe un « intégralisme » universel. Par conséquent, j’ai voulu ébaucher une philosophie qui soit celle de cet « intégralisme » universel.
En d’autre terme, j’ai cherché une philosophie universelle, une philosophie intégrale qui réunirait de façon plausible ces divers contextes du pluralisme que sont la science, la morale, l’esthétique, la philosophie aussi bien oriental qu’occidentale, ainsi que les grandes traditions de Sagesse. Pas au niveau des détails, ce qui est impossible, mais à celui des orientations générales : une façon de suggérer que réellement le monde est un, indivisible, complet et relié à lui-même à travers tous ses aspects ; une philosophie holistique, pour un Kosmos holistique ; une philosophie à la fois universelle et intégrale.
»
Avec la parution durant l’automne 2006 de son vingt-troisième livre « Integral Spirituality» Wilber a mis fin à quatre ans d’absence dans le monde de l’édition américaine. Cet ouvrage se propose d’apporter un éclairage à la fois brillant et novateur sur le rôle et l’importance de la spiritualité et de la religion dans le monde moderne et postmoderne. La finesse du volume est trompeuse tant sa lecture est roborative. Wilber nous livre des clés pour comprendre les principaux dilemmes auxquels les traditions religieuses sont confrontées de nos jours : leur influence déclinante, leurs débats continuels avec la science, leur lutte contre les différentes formes d’extrémisme, etc...
L’auteur tente de ressusciter les intuitions-clés des religions en dépassant les structures des croyances mythiques, à la fois désuètes et dépassées, communes à nombre de traditions. Il examine les problèmes auxquels doivent faire face les chercheurs spirituels postmodernes : le rôle de la thérapie, les limitations de la méditation, la diversité des démarches et des formes d’illumination, la pluralité des interprétations de Dieu aussi bien que les challenges que doit affronter le Bouddhisme américain. Même si la notoriété de Wilber est déjà fermement établie au sein d’une certain « culture spirituelle », dans le domaine de la psychologie transpersonnelle, et parmi tous ceux que l’on nomme les « Créatifs Culturels », Integral Spirituality est une œuvre qui devrait le faire connaître par un plus grand public. En utilisant toute la richesse du modèle intégral pour comprendre l’un des domaines les plus complexes et importants de la vie humaine, Wilber pourrait attirer l’attention du plus grand des critiques : l’histoire.


(A suivre... )

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Je voulais simplement vous informer de la sortie ce mois-ce de "Grâce et courage:spiritualité et guérison dans la vie et la mort de Treya Killam Wilber", de Ken Wilber, aux éditions Almora. J'en suis le traducteur. Si cela vous intéresse, il existe une page facebook sur le livre.

    N'hésitez pas à en parler autour de vous! Merci et bonne continuation, Kevin Dancelme

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