mardi 22 avril 2014

Un Mouvement Intégral Européen


Nous sommes au cœur d'une mutation où s'annonce un renversement de perspective. Raoul Vaneigem


Aux Etats-Unis, trois conférences internationales ont déjà réunies autour de la théorie intégrale des représentants de nombreux pays. Edgar Morin était un des invités d’honneur de la troisième conférence internationale qui s’est déroulée du 18 au 21 Juillet 2013 à San Francisco. 

C’est à Budapest, en Hongrie, que va avoir lieu du 8 au 11 Mai 2014 la première conférence sur la théorie et la pratique intégrale en Europe. Une occasion pour les cinq cents participants de témoigner et de célébrer l’émergence de la conscience intégrale en Europe. 

Un mouvement européen 


Durant la dernière décennie, la conscience intégrale a émergé sur une vaste échelle en Europe continentale à travers de multiples expressions. Cette nouvelle structure de conscience se manifeste à travers une grande variété de domaines allant de la psychologie, de la spiritualité, de l’économie et de l’écologie à la vie politique, au leadership, à l’éducation, à l’intelligence collective et au management. 

Les membres de cette vaste communauté ont attendu pour se rencontrer. L’Integral European Conference qui aura lieu à Budapest du 8 au 11 mai prochain permettra d’affirmer l’identité de la communauté intégrale en Europe en lui donnant un rôle important dans le mouvement intégral international. Ce sera une occasion de voir où en est le mouvement intégral en Europe et d’explorer ses nouveaux horizons. 

Cette manifestation est conçue pour ne pas être simplement une rencontre intellectuelle et académique mais plutôt un champ global où science académique, pratiques de transformation et communication interpersonnelle puissent converger à travers le mariage harmonieux du sens, de la sensibilité et de la convivialité. 

Un programme d’une grande richesse 


Carine Dartiguepeyrou
Dans le cadre de cette manifestation auront lieu cinq conférences majeures avec les interventions de Ken Wilber (en vidéo), Roger Walsh, Ervin Laszlo avec Carine Dartiguepeyrou, Suzanne Cook-Greuter et Thomas Hübl. On pourra aussi assister à quatre-vingt-dix présentations correspondant à vingt-cinq sections thématiques. Il sera possible de participer à de nombreux ateliers et à des évènements festifs concernant l’ensemble de la communauté réunie à cette occasion.

Parmi les français présents à cette manifestation, on notera donc la présence de Carine Dartiguepyrou, présidente du Club de Budapest France et directrice d’un ouvrage collectif intitulé La Nouvelle Avant-garde, Vers un changement de culture dont nous avons rendu compte ici

Vice-président du Club de Budapest, Alain Gauthier évoquera Le Co-leadership évolutionnaire, titre de l’ouvrage paru cette année et que nous avons évoqué ici

Quand à Brian van der Horst, français de cœur que nous avons présenté ici, il parlera du changement de croyance, de critères et de valeurs dans la thérapie et le coaching intégral. 

Sur le site dédié à cette manifestation, on trouvera le programme détaillée de toutes les activités avec une présentation des intervenants, des thèmes traités et des évènements conviviaux. 

Présentation Vidéo 

Ressources 


Budapest, capitale de la Hongrie, pont entre l'Ouest et l'Est de l'Europe


vendredi 11 avril 2014

Synchronisation Intégrale


Être spirituel, c'est voir la totalité dans le particulier. Vimala Thakar 


L’exercice que nous proposons ci-dessous vise à synchroniser la conscience individuelle et la conscience collective à la dynamique évolutive de la vie/esprit. Se synchroniser c’est retrouver le rythme d’une temporalité commune au cours de laquelle cette dynamique, en actualisant votre potentiel, transforme votre intention créatrice en intensité existentielle.

Cet exercice a pour but de relier votre singularité individuelle à la totalité dont elle procède. Vous pourrez vous y référez chaque fois que vous sentirez la pesanteur et la pression du monde se manifester en vous à travers un sentiment d’isolement. Autant la solitude peut mener à la plénitude, autant l’isolement enferme l’individu dans une perception de soi fragmentée qui le coupe de son intériorité. 

A travers cet exercice de synchronisation, nous chercherons tout simplement à développer un septième sens : le sens de la totalité qui transforme notre isolement en plénitude.

Synchronisation Intégrale

La philosophie intégrale n’est pas réductible à un système conceptuel. Ce qu’elle propose c’est avant tout l’émergence en soi d’une nouvelle vision du monde. Cette émergence nécessite de se libérer de l’emprise du mental conditionné qui, pour des raisons utilitaires, désintègre le monde en diverses parties afin que nous puissions l’analyser et l’objectiver dans le but de nous rendre « comme maître et possesseur de la nature » selon la célèbre formule de Descartes.

Se libérer de l'emprise du mental c'est retrouver en soi les ressources vivifiantes d’une intuition créatrice qui permet de saisir, derrière le désordre des apparences, l’évidence d’un ordre sous-jacent dont nous sommes partie prenante et apprenante. 

S’intérioriser c’est relativiser le mental et ses distinctions abstraites pour retrouver en soi le sens d’une harmonie profonde qui unit la conscience à son milieu d’évolution à la fois naturel et cosmique, social, culturel et spirituel. 

Tel est le rôle de la philosophie intégrale : faire surgir une vision globale qui, en recollant les morceaux éparpillés par le mental, donne du sens à notre expérience c’est-à-dire une direction et une signification. 

Cette vision intégrale doit être abordée non seulement avec notre intelligence mais avec tout notre être, notre intuition, notre sensibilité et notre instinct. Il  nous faut compléter et compenser le raisonnement qui divise par une résonance intérieure qui unifie.

Que votre souffle devienne le vecteur de votre inspiration en infusant dans votre corps un imaginaire qui le régénère. 

La force de l'égrégore


En cet instant, nous vivons dans des lieux différents, connectés physiquement par la technologie et connectés consciemment par une inspiration commune reliant toutes les personnes qui, de par le monde, développent la même intention. 

Nous pouvons profiter de cette situation pour sortir de notre isolat individuel en synchronisant notre conscience individuelle avec la force de cette conscience collective que les anciens nommaient égrégore. En percevant l'énergie de cet égrégore et sa puissance, vous mesurez l’illusion qui consiste à se croire isolé. 

Non seulement l’être humain est un être social mais c’est aussi et surtout un être culturel qui participe, de l’intérieur, à la dynamique d’une intersubjectivité. L’intersubjectivité est cet organisme supra-individuel qui tisse le lien vivant et vibrant entre votre propre subjectivité et un champ de force collectif en évolution permanente. 

La force de cet égrégore intensifie votre connexion personnelle avec la dynamique créatrice de la vie-esprit. A travers le rythme régulier de votre souffle, vous communiez avec ce mouvement de diastole/systole qui relie conscience individuelle et collective au rythme universel de la vie/esprit. 

Profitez de ces quelques instants pour vous libérer des formes-pensées qui vous identifient à la minuscule sphère de l’égo. 

Entrez dans votre souffle comme on entre en méditation, avec l’intention de retrouver cette liberté irréductible qui est l’attracteur secret de tout votre être et le principe même de son développement. 

Osez l’infini à travers un saut créatif hors des frontières du connu pour vous donner à l’Un connu uniquement de l’intérieur. 

Prenez votre temps pour le donner à l’intemporel qui le redimensionne. 

Accordez-vous à ce souffle subtil qui vous relie à ce que vous êtes réellement : des parties infimes d’un esprit infini, des cellules d’un organisme multidimensionnel en évolution, les pièces d’un puzzle dont l’image apparaît et prend son sens dès lors que l’on s’éveille à une dimension globale qui dépasse les frontières abstraites du mental. 

Habitant du Kosmos

La philosophie intégrale considère la réalité comme un Kosmos c’est-à-dire un tout ordonné et vivant dans lequel le sensible et le suprasensible, la matière et l’esprit, l’individu et le collectif, le quantitatif et le qualitatif, forment une unité harmonieuse et cohérente. 

Cette vision du monde est à la fois très ancienne et très novatrice. Elle puise dans les racines d’une connaissance traditionnelle pour élever sa sève créatrice vers une nouvelle perspective où l’être humain devient le vecteur conscient de la dynamique évolutive. 

Cette dynamique de l’évolution est à la fois unifiée et bidirectionnelle. Elle se déploie intérieurement à travers une conscience de plus en plus profonde et intégrée, comme elle s’exprime à l’extérieur - dans le monde manifesté - à travers des formes de plus en plus de complexes. 

Vous devenez un évolutionnaire dès lors que vous participez de manière consciente à ce mouvement créateur de la vie/esprit qui est celui d’un organisme global et multidimensionnel en développement continu. 


Dans La Déclaration d’Unité, Ervin Laszlo a cherché à exprimer cette expérience de connexion intime qui relie la subjectivité à une totalité qui la transcende et la constitue : 

« Je fais partie du monde. Le monde n’est pas en dehors de moi, et je ne suis pas en dehors du monde. Le monde est en moi et je suis en lui

Je fais partie de la nature et la nature fait partie de moi. Je suis ce que je suis dans ma communication et communion avec l’ensemble du vivant. Je suis un tout irréductible et cohérent avec le réseau de la vie sur la planète. 

Je fais partie de la société, et la société fait partie de moi. Je suis ce que je suis dans ma communication et communion avec mes pairs humains. Je suis un tout irréductible et cohérent avec la communauté des humains sur la planète. 

Je suis plus qu’un organisme fait de peau et d’os ; mon corps, mes cellules et organes sont la manifestation de ce qui est réellement moi : un système dynamique auto-suffisant, auto-évoluant, émergeant, se maintenant et évoluant en interaction avec tout ce qui existe autour de moi. 

Je suis une des manifestations parmi les plus hautes, les plus évoluées de la cohérence et du Tout au sein de l’univers. Tous les systèmes conduisent à une cohérence et à une globalité en interaction avec les autres systèmes, et mon essence vient de cette expression cosmique. C’est cette même essence, ce même esprit qui est inhérent à toutes les choses qui émergent et évoluent dans la nature, qu’elles soient sur Terre ou ailleurs dans l’infini de l’espace et du temps. » 

Le sens de la totalité

Cet exercice de synchronisation relativise les mirages du mental qui enferme notre conscience dans le monde étroit des apparences où règne l'égo. L’expérience de la vie n’est rien d’autre que celle d’un décentrement qui nous libère progressivement d’une vision individuelle pour embrasser une perspective de plus en plus large à travers des stades de développement successifs. 

Einstein a su décrire avec talent cette expérience de décentrement : "Un être humain est une partie du tout que nous appelons "univers", une partie limitée par le temps et l'espace. Il expérimente ses pensées et ses sensations comme étant séparées du reste - une sorte d'illusion d'optique de sa conscience. Cette illusion est une prison pour nous, nous restreignant à nos désirs personnels et à n'éprouver de l'affection que pour quelques proches. 

Notre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion, afin qu'il embrasse toutes les créatures vivantes et l'ensemble de la nature, dans toute sa beauté." Et de résumer sa pensée en une seule phrase : « Ce qui fait la vraie valeur d'un être humain, c'est de s'être délivré de son petit moi. » 


L’univers évoqué par Einstein n'est lui-même qu'une partie d’un Kosmos multidimensionnel tel que l’entendait les pythagoriciens et qui contient à la fois le cosmos (ou la physiosphère), le bios (ou la biosphère), la psyché ou noūs (la noosphère) et theos (la théosphère ou domaine de l’Esprit). Le but de la vision intégrale est de développer ce septième sens qu’est le sens de la totalité. 

Développer en soi le sens de la totalité c’est accorder ces différentes dimensions du Kosmos que sont les sphères physiques, émotionnelles, mentales et spirituelles. C’est cheminer tout au long de sa vie à travers les diverses étapes évolutives qui mènent d’une vision égocentrée à une vision Kosmocentrée en passant par les stades ethnocentrique et mondocentrique. 

Développer en soi le sens de la totalité c’est participer à l’émergence d’une intelligence connective à la fois sensible et rationnelle, intuitive et collective. C’est synchroniser en permanence la conscience individuelle et la conscience collective à la dynamique évolutive de la vie/esprit. 

Développer en soi le sens de la totalité, c’est voir dans cette dynamique évolutive l’expression temporelle d’un Esprit transcendant. C’est développer une conscience non-duelle qui perçoit chaque phénomène comme une manifestation de l’Esprit. C’est percevoir l’Un dans la profondeur du Multiple et le Multiple comme l'expression créatrice de l’Un. 

Comme le dit Vimala Thakar : « La vie est une totalité. C'est une entité organique homogène dans laquelle tout est relié. La corrélation entre tout ce qui vit et bouge est complexe. La vie est toujours entité, une entité qui ne peut jamais être fragmentée. Elle est non divisible, non fragmentable. C'est un tout. Etre spirituel, c'est voir la totalité dans le particulier. 

Les sens intégrés dans le corps ont leur propre limite, ils ne peuvent pas appréhender la totalité de la vie. Ils ont la capacité d'atteindre un objet particulier, à un moment précis. Le particulier est relié à la totalité de façon organique, la totalité est dissimulée dans le particulier. L'illusion a lieu quand le particulier est perçu comme singulier, séparé du tout ; mais quand il est vu dans le contexte du tout, il est aussi divin que la totalité. Etre spirituel, c'est être capable de voir la totalité cachée, dissimulée dans le particulier. » 

Percevoir votre conscience singulière comme l’expression d’une totalité qui la fonde et la constitue, tel est le but de cet exercice de synchronisation intégrale. Se synchroniser c’est retrouver le rythme d’une temporalité commune au cours de laquelle une même dynamique évolutive, en actualisant votre potentiel, transforme votre intention créatrice en intensité existentielle. 

Ressources 


mardi 1 avril 2014

La Méditation c'est l'Intégralité


La méditation, c'est la rencontre de l'éternité dans le moment présent. Vimala Thakar 


Dans mon dernier billet, j’évoquais ma découverte de la méditation évolutionnaire grâce à l’émission "Onde de méditation" sur Radio Evolutionnaire. En introduction à une de ces émissions, son animateur - Denis Averland - a lu un texte sur la méditation qui m’a profondément touché. Je ne connaissais pas l’auteur de ce texte - Vimala Thakar - dont j’ai tapé le nom sur Google avec une orthographe incertaine. C’est ainsi que je suis tombé sur le site crée par Patrick Delhumeau - avec le soutien des « amis de Vimala Thakar » - dont le pour but est de faire connaître Vimala Thakar et ses enseignements. 

Ce fut une très belle découverte. Non seulement, j’ai retrouvé le texte que je cherchais et qui s’intitulait « La méditation, c’est l’intégralité » mais je découvrais un enseignement aussi profond qu’actuel. Dans la lignée d’un Krishnamurti qui l’a inspiré, Vimala Thakar propose de développer une nouvelle conscience humaine, libre de tout dogme et de toute autorité, à commencer par celle de l'ego. Elle promeut une révolution intérieure et relationnelle assez dynamique pour diffuser à travers toute la société grâce à une méditation toujours plus attentive au quotidien et à une compassion toujours plus aimante. 

Pour Vimala Thakar la méditation ne se réduit pas à une pratique mais elle est « un état d’être » et « une manière de vivre », deux titres de ses conférences dont je propose des extraits ci-dessous. Suite à ces textes, j’évoquerai brièvement sa biographie qui illustre sa trajectoire spirituelle. Le but de tout ceci est de donner envie d’explorer un enseignement qui s’inscrit totalement dans la perspective intégrale des Trois Yeux de la Connaissance réactualisée par Ken Wilber puisque que Vimala Thakar considère la méditation comme « une science plus précise que toutes les sciences physiques, c'est la méthode d'investigation de la réalité spirituelle. De même que les sciences physiques existent, ceci est la science de la vie, la science qui nous permet de découvrir l'essence de la vie ». 

La méditation c’est l’intégralité

Vimala Thakar

Le lieu de la méditation, c'est l'être, sans temps, sans son, sans motif. 

Quand surgissent les défis et que l'action est nécessaire, l'être total répond, d'une façon alerte et sensible, dans une vibrance spontanée, mais quand l'action n'est pas nécessaire, l'être se relaxe dans le lieu du silence sans mouvement, et là, il est régénéré. 

Passant au travers de la réalité bien déterminée du connu et de la sombre forêt de l'inconnu, vous atteignez la réalité non cérébrale, la réalité telle qu'elle est, là où il y a libération de tout esclavage

Après avoir fait la traversée, vous revenez vivre avec les sens, avec le monde cérébral, en utilisant la pensée. Vous revenez, mais vous n'êtes plus seul, parce que le bien-aimé, la réalité, l'essence de la vie est avec vous. La séparation n'est plus possible. Ce changement n'est pas un achèvement mais une croissance totale; ainsi il n'y a pas de peur de le perdre. 

L'esprit possède intact tous les talents et toutes les capacités : tout est là. Cependant, quand l'activité mentale n'est pas nécessaire, la pensée n'agit pas, ne bavarde pas sans cesse. Il y a cessation totale de l'activité mentale. Cela, c'est la réelle méditation. 

Ainsi, la méditation c'est vivre dans la liberté inconditionnelle et la relaxation de l'innocence, et se trouver relié à tout par l'indescriptible beauté de cette innocence. 

La méditation, c'est la rencontre de l'éternité dans le moment présent. La voie méditative implique la totalité de l'être dans chaque réponse à chaque mouvement de la vie à l'intérieur et au dehors

 L'état de méditation est présent du matin jusqu'à la nuit à travers toutes les relations, toutes les activités de la journée. Ce n'est pas une acquisition de l'esprit qui vous serait accordée toutes les fois que vous auriez le temps. 

La méditation, c'est la perception de toute chose en relation avec la totalité, la réponse à toute chose dans la perspective de l'intégralité. Rien dans la vie ne s'égare, rien n'est en dehors de l'intégralité.

C'est résoudre chaque problème comme il vient, résoudre chaque tension comme elle se présente. C'est faire face sans crainte aux défis de la vie, vivant pleinement chaque moment, et puis mourant à lui. La méditation, c'est être relié aux faits tels qu'ils sont et non souhaiter les évincer. C'est vivre exposé à chaque mouvement de la vie sans aucun mécanisme de défense. 

La méditation, c'est marcher à travers les couleurs de la dualité, de la joie et du chagrin, de la naissance et de la mort, de la souffrance et du plaisir, dans la grandeur de l'intégralité, dans l'austérité de l'attention, sans être empêtré, bloqué où que ce soit. 

La méditation ne peut pas être enchaînée au temps et à l'espace, elle n'est limitée par aucune des constructions de l'esprit. 

Par la méditation, vous devenez capable de vivre en relation avec l'infini, l'éternité, le sans-mesure; et l'intelligence cosmique, le principe de vie qui n'a pas été conditionné par l'esprit humain, agit et opère. IL apporte la sensibilité, la spontanéité, la créativité à chaque action. Une terrible force d'intelligence commence à opérer. Chaque pore de votre être devient le centre de l'intelligence. 

La personne qui vit en méditation devient une cellule vivante d'une vie nouvelle, d'une nouvelle approche de vie commune dans la paix, d'une façon innovatrice de résoudre les problèmes intensément litigieux en face desquels se trouve l'humanité. 

La méditation est une pertinence pour les vies de ceux qui aspirent ardemment à vivre. Elle est pertinente pour les vies de ceux qui sentent qu'être vivant est une bénédiction. 

 (Extrait de La méditation, une manière de vivre. Traduction par P. et M.Hanriot de « Meditation, a way of life » édition de 1985)

La méditation, un état d’être 


La méditation concerne ceux qui aspirent à vivre et sentent que vivre est une bénédiction. Elle concerne ceux qui voient combien la vie les a bénis en leur donnant l'opportunité de vivre en relation avec les autres. A moins d'avoir foi dans la vie, à moins de voir le caractère sacré de la vie, l'acte de vivre est dénué de sens. 

La vie est une totalité. C'est une entité organique homogène dans laquelle tout est relié. La corrélation entre tout ce qui vit et bouge est complexe. La vie est toujours entité, une entité qui ne peut jamais être fragmentée. Elle est non divisible, non fragmentable. C'est un tout. Etre spirituel, c'est voir la totalité dans le particulier. 

Les sens intégrés dans le corps ont leur propre limite, ils ne peuvent pas appréhender la totalité de la vie. Ils ont la capacité d'atteindre un objet particulier, à un moment précis. Le particulier est relié à la totalité de façon organique, la totalité est dissimulée dans le particulier. L'illusion a lieu quand le particulier est perçu comme singulier, séparé du tout ; mais quand il est vu dans le contexte du tout, il est aussi divin que la totalité. Etre spirituel, c'est être capable de voir la totalité cachée, dissimulée dans le particulier… 

Le savoir n'est pas suffisant pour une transformation. Avec l'aide des mots, de la philosophie, nous pouvons voir la totalité organique, l'homogénéité de la vie. Mais voir n'est pas suffisant, la compréhension intellectuelle n'est pas suffisante. Le savoir ne peut transformer la moelle intérieure de notre être ; il est stérile. La compréhension intellectuelle peut faire de vous un érudit, mais elle ne peut vous transformer. 

Pourquoi le savoir intellectuel, mis en réserve dans la mémoire, ne peut-il transformer l'être humain tout entier ? Parce que les conditionnements sont gravés, non seulement dans le cerveau, mais dans tout l'être humain, dans le système neurologique, chimique et hormonal. Le mental n'est pas seulement contenu dans le cerveau, mais c'est vous tout entier. Les conditionnements de la famille, de la communauté sont gravés dans la totalité de votre être. 

Le mot et ses interprétations mises en réserve dans la mémoire peuvent changer la couche superficielle de la conscience, mais ils ne peuvent atteindre ni le subconscient ni même l'inconscient. C'est pourquoi une personne qui a étudié la Gità, le Vedânta, etc... n'est pas à l'abri de la colère, de la jalousie et autres mouvements psychologiques. Tout le savoir est balayé par le poids du passé. Il n'est pas suffisant ; la méditation est nécessaire. … 


Quand on me demande : "Comment méditez-vous ? Y’a-t-il une méthode ?". Je supplie de comprendre que la méditation n'est pas une activité de l'esprit ou du corps. C'est un état d'être dans lequel on peut grandir, grandir totalement. C'est un état où le mouvement du passé en nous, du subconscient, de l'inconscient et du conscient, se fragmente, s'arrête, et fait place au silence total du mental conditionné. C'est un état de non mouvement dans la partie psycho-physique de notre être. 

Nous vivons dans des structures socio-économiques où, tout le jour, on doit travailler dur, physiquement et intellectuellement, à une vitesse inhumaine. Le système nerveux, l'esprit, s'épuisent car ils fonctionnent sans répit et l'homme est arrivé à croire que bouger physiquement et intellectuellement, c'est vivre. 

Le mouvement est un aspect de la vie, mais le non-mouvement également, et tout aussi important. La parole est un aspect, une partie de la vie, mais le silence inconditionnel également. Forme et non-forme, son et silence, mouvement et non-mouvement, lumière et obscurité, naissance et mort, ces paires d'opposés constituent "l'entièreté" de la vie. L'homme les a opposées et il les regarde comme des entraves à la vie. Et cependant, y a-t-il une contradiction entre naissance et mort, ou la vie est-elle une continuité, un éternel océan d'"êtreté" sur lequel flottent les bulles de la naissance et de la mort ? 

Le silence est une part substantielle de notre vie, le non-mouvement est un état de notre être auquel nous n'avons pas accès. Notre façon de vivre, c'est d'amasser sans cesse, des objets sur le plan matériel, du savoir sur le plan intellectuel, de l'expérience sur le plan sensoriel et psychologique. Nous n'arrêtons pas d'amasser et le Je, le moi, l'ego se renforcent à chaque expérience, à chaque réalisation, et nous créons des barrières autour de nous par notre propre savoir, notre expérience, nos biens. Dans cet enclos, nous nous sentons en sécurité, nous vivons à l'écart, isolés de la totalité de la vie à cause du sentiment de possession. 

La méditation est une façon de vivre qui nous fait accéder à cette autre part de notre vie : le silence, le non-mouvement ; elle nous introduit dans notre pure êtreté qui n'a jamais été conditionnée et ne le sera jamais. .. (La méditation, un état d’être. Traduction par Françoise Mazet et Monique Tournier de « Meditation in daily life » édition de 1988) 

Qui est Vimala Thakar ? 

Vimala Thakar est une indienne et un auteur connu dans les milieux anglophones pour ses ouvrages de spiritualité qui sont souvent la transcription des nombreuses conférences et échanges donnés tout au long de trente années de voyage dans le monde entier. Elle est née en Inde, dans la province du Mahârâstra, près de Bombay en 1923, dans une famille de brahmanes. Elle y a grandi dans un climat de cosmopolitisme religieux et de tendresse familiale auquel elle dit devoir beaucoup. 

Krishnamurti
Après une formation universitaire et un voyage aux États-Unis et en Angleterre qui l'a mise en contact avec les disciplines scientifiques et les réalités technologiques, elle a rencontré Vinoba Bhave, héritier spirituel de Gandhi, soucieux de promouvoir une révolution sociale non-violente dans la société indienne. Elle est alors entrée dans le mouvement Bhoodan et y a passé huit années durant lesquelles elle a visité presque tous les états de l'Inde, tenant des meetings, organisant des camps de travail, collectant des dons de terres pour les distribuer aux paysans. Elle s'est formée durant ces voyages et à travers des séjours à l'étranger où elle a pu observer les effets de différentes formes de gouvernement et prendre conscience des méfaits causés par le racisme et les nationalismes de toutes sortes. Elle en a conclu à l'impuissance des systèmes politiques à rendre les hommes libres et heureux. 

Elle a connu alors une crise spirituelle profonde et une remise en cause de toutes ses certitudes. Elle parle elle-même d'une nouvelle et douloureuse naissance. La rencontre de Krishnamurti a joué un rôle dans ce retournement et a fait basculer son désir de révolution sociale en une exigence préalable de transformation personnelle. En 1961, celui-ci lui a conseillé de déplacer son champ de parole et d'action du domaine social au domaine spirituel. 

Une révolution intérieure 

A commencé alors un long périple à travers le monde pour partager avec qui voulait l'entendre sa conviction sur la nécessité d'une libération intérieure. Des groupes informels intitulés "les Amis de Vimala" ont fleuris dans le monde entier, se regroupant autour du thème de la révolution intérieure. Elle finit toutefois par les dissoudre pour éviter tout risque de fixation sur sa personne. Le récit de ces voyages a été publié en Inde en 1996 par sa secrétaire Kaiser Irani, sous le titre Vimalaji's Global Pilgrimage. 

Comme Krishnamurti, Vimala Thakar ne cesse de récuser en matière spirituelle le principe d'autorité. Ce n'est pas un enseignement hiérarchiquement cadré qu'elle propose mais un compagnonnage dans la recherche : "Je ne suis pas une autorité qui fait des exposés ou des discours. Je partage avec des amis, et ce partage est méditation. ". À la remarque: "Vos interventions et vos voyages, pas plus que ceux de Krishnamurti, n'ont changé le monde", elle répond : "Nous n'avons jamais prétendu changer le monde ni l'humanité, mais seulement partager modestement, avec quelques chercheurs sérieux, des valeurs d'amour, de compréhension et de compassion qui seules nous semblent capables de faire bouger la société". Vimala Thakar est décédée le 11 mars 2009 à Mont Abu (Rajasthan), à l'âge de 87 ans. 

Cet aperçu biographique est tiré du livre d'Alain Delaye : Sagesse Concordantes (Editions Acacias L’originel). L’auteur y évoque quatre grandes figures de la spiritualité moderne : Prajnânpad, Krishnamurti, Vimala Thakar et Etty Hillesum. On trouvera dans ce livre une présentation des enseignements de Vimala Thakar et une préface d'André Comte-Sponville qui écrit: " Voici un livre singulièrement précieux, qui rendra de grands services. De quoi s'agit-il ? D'une étude de sagesse comparée (comme on parle, dans nos universités, de "littérature comparée"), mais qui n'en va que plus droit à l'essentiel... Travail considérable, qui dut prendre des années, et qui en fera gagner quelques-unes à ses lecteurs... 

C'est un merveilleux cadeau qu'Alain Delaye nous fait : voilà, enfin rassemblés, plusieurs des discours les plus toniques et les plus justes qui aient jamais été tenus, à ce que je crois, sur notre vie telle qu'elle est, telle qu'elle passe, mais aussi (quoique ce soit en vérité la même chose) sur la sagesse, sur le bonheur, sur la liberté, sur la vérité... enfin sur l'absolu où nous sommes, qu'on peut appeler Dieu ou l'être, si l'on veut, mais qui n'a pas de nom et qui est tout. " 

Ressources

Vimala Thakar. Ce site a pour but de faire connaître Vimala Thakar et son enseignement, de proposer des textes, des images, de faire entendre sa voix. Traduits par « les amis de Vimala», de traductions de ces textes sont mis gracieusement à la disposition des lecteurs sous forme de fichiers pdf téléchargeables pour permettre aux chercheurs francophones d’avoir accès à l’enseignement de Vimala Thakar.



Biographie complète de Vimala Thakar par Alain Delaye 

Entretien avec Alain Delaye sur son livre Sagesse Concordantes 

Ken Wilber. Les Trois Yeux de la Connaissance. (Trois billets)