mardi 25 décembre 2012

Une Ere Nouvelle


Ce que la chenille appelle la fin du monde, le maître l'appelle un papillon. Richard Bach


Dans le texte ci-dessous, paru sur le site Développement Intégral et intitulé 21 décembre et après? Une nouvelle ère, Jacques Ferber dénonce le catastrophisme médiatique, symbolisé de manière caricaturale par la pseudo fin du monde du 21/12/12. En fait, derrière ce catastrophisme –  si fasciné par les arbres qui s’écrasent qu’il est aveugle aux forêts qui poussent – se cache une mutation profonde de notre mode de fonctionnement individuel et collectif : une génération inspirée co-crée une ère nouvelle.

Selon Ferber, l’époque que nous vivons apparaît comme «  le moment de transition, le point de départ de cette nouvelle ère, portée par un nombre de plus en plus grand de personnes dans le monde. Bientôt nous arriverons au « point critique » (tipping point), ce moment caractéristique des systèmes complexes à partir duquel un processus s’emballe et s’auto-amplifie afin de créer ce qu’on appelle une transition de phase, le système passant d’un régime de fonctionnement à un autre ».

Fondé sur le dépassement des limites de l’ego et la reconnexion à la source profonde de notre être, cette ère nouvelle implique une autre manière de vivre, centrée sur l'âme, où « sans nous juger les uns les autres, nous nous apprendrons mutuellement à vivre à partir de l’enthousiasme et de l’amour, et non de la peur et de la projection comme nous le faisons actuellement ».


Les lecteurs réguliers du Journal Intégral connaissent Jacques Ferber, ce professeur d’université, spécialiste en sciences cognitives et fondateur du site Développement Intégral auquel nous avons consacré trois billets. Comme son nom l’indique, ce site concerne le développement intégral de l’être humain - à la fois individuel, relationnel et social – mais aussi la relation entre sexualité et spiritualité, l’intégration féminin-masculin ainsi que les modèles développementaux proposés par Ken Wilber et la Spirale Dynamique.

Au cours de son parcours psycho-spirituel, Jacques Ferber été formé au tantra, au yoga, à la méditation et à différentes traditions spirituelles. Cette double formation en sciences exactes et en connaissances traditionnelles lui permet d’éclairer l'expérience spirituelle par les sciences cognitives. Auteur de L’amant tantrique et co-auteur avec Véronique Guérin de Le monde change... et nous ? Jacques Ferber anime notamment une formation en cinq modules au Tantra Intégral, c’est à dire à l’intégration de la voie spirituelle tantrique, éclairée et approfondie par l’approche intégrale.

A travers le texte ci-dessous, Jacques Ferber nous transmet une vision inspirée, nourrie de ses connaissances approfondies concernant le développement de l’être humain comme de son expérience de professeur au contact quotidien avec les nouvelles générations.

21 décembre et après? Une nouvelle ère. Jacques Ferber


Ceux qui avaient prédit des cataclysmes physiques de type fin du monde pour le 21 décembre 2012 en seront à leurs frais… Il n’y a pas de comète en vue qui pourrait s’écraser sur la terre, et les gigantesques cataclysmes prévus par des pseudo-spirituels qui font commerce de la crédulité n’ont pas commencé leurs effets. Certains diront bien entendu que c’est grâce à leurs prières que tout a été évité. La capacité de l’être humain à se raconter n’importe quoi et à vouloir croire à la magie ne cesse de m’émerveiller…

Mais sur un plan plus profond, dès qu’on dépasse le plan de la matière et qu’on regarde ce qui se passe depuis une perspective plus vaste, cette fin d’année 2012 est le symbole d’une transformation puissante et d’une véritable renaissance.

Des arbres s’écrasent…

Lorsqu’on qu’on regarde les actualités, il n’y a pas de quoi (a priori) se réjouir: guerres, pollution, réchauffement climatiques, riches qui veulent en avoir toujours plus (comme le montre entre autre l’évasion fiscale), financiers qui n’ont de cesse d’en rajouter pour que les pauvres payent (ex: la Grèce), misère dans tellement de pays, compétition industrielle totalement folle, etc…  Et tout cela s’accélère…

Mais cela ne sont que des arbres qui tombent, même si ces arbres font beaucoup de bruit. Les médias, et d’une manière générale l’environnement standard, ne voit que les événements percutants. Pour être vu médiatiquement, un événement doit être violent, ou bien relevé de la sphère de ce que les journalistes sont capables de voir: la politique, la finance au jour le jour, les guerres, les attentats, les affaires, les mises en examens, etc..

Si vous écoutez les infos à la radio, vous verrez la petitesse d’esprit des journalistes qui tournent en boucle sur quelques sujets dont toutes les personnes éclairées se fichent comme d’une guigne, comme de savoir qui va être le patron de l’UMP ou qui va être mis en examen pour avoir commis des abus de biens sociaux. Tout cela relève de l’illusion standard, de la brume que produit la Matrice en nous faisant croire que tout cela est important.

Et pendant ce temps là, nous nous stressons pour acheter les derniers cadeaux de Noël, afin d’engraisser quelques multinationales et de donner un peu plus de travail aux enfants chinois. C’est ça le mode de fonctionnement de la Matrice, un système de production et de transmission d’information qui ne parle pas des choses importantes, mais qui nous endort d’un côté pour ajouter de la peur de l’autre, afin de produire de la séparation et de la violence entre les êtres.

Et pourtant il y a des forêts qui poussent...

Mais si on sort de ce brouillard, si on commence à voir les choses avec plus de recul, on constatera que tout cela n’est que l’expression d’un monde qui s’écroule, d’un système qui ne sait plus où il va et  fonce droit dans le mur avec une énergie incroyable. A côté de cela, quelque chose d’autre émerge. Une poussée fraîche commence à s’exprimer et peut être observée en de nombreux endroits, et notamment sur certains espaces d’Internet.

A condition bien sûr d’être capable de voir et de s’intéresser à ces choses que les médias classiques occultent, ce qui s’exprime est quelque chose d’incroyable: une révolution puissante est en marche, soutenue par une nouvelle génération d’êtres, une mutation profonde de notre mode de fonctionnement individuel et collectif, pour vivre et co-créer ensemble un monde nouveau.

Et quelque part, c’est déjà là, bien que cela ne soit pas encore très visible. Je vois de plus en plus autour de moi, des jeunes qui portent une lumière incroyable et qui sont mus par un désir impérieux de se consacrer à la planète, qui cherchent avec leur coeur et leur tête à créer un monde meilleur, plus juste, plus fraternel, où l’autre n’est plus vécu comme l’adversaire ou le rival, mais comme le partenaire. Ces jeunes sont souvent brillants et comprennent très bien les théories scientifiques (bon, c’est vrai que beaucoup de ces jeunes que je rencontre sont à la fac des sciences, donc…), mais en plus ils sont ouverts à une autre dimension, celle de l’être…

J’ai même rencontré des jeunes « mini-maîtres », des adolescents, garçon ou fille, qui ont déjà eu des expériences d’éveil et qui voient le monde avec un regard large. Ils se sentent connectés à quelque chose de plus grand qu’eux. Leur lumière est incroyable et est visible par ceux qui voient. Mais ils ne sont pas encore très nombreux et se vivent comme différents des autres. Comme me le disait H, l’une de ces jeunes: « Je me sens vivante. Et je vois bien que les autres ne le sentent pas. Du coup, ils se prennent la tête avec plein d’histoires sans importance, comme de se plaindre de tout ou de passer son temps à savoir qui est en couple avec qui… »

Ces jeunes sont le fer de lance d’un nouvel état d’esprit qui va avoir des conséquences énormes dans  les décennies qui viennent. Ils sont des porteurs naturels de la Conscience et de l’Amour, ces deux aspects s’exprimant ensemble comme les deux faces d’une même pièce.

Un point critique


Et le 21 décembre 2012, est le moment de transition, le point de départ de cette nouvelle ère, portée par un nombre de plus en plus grand de personnes dans le monde. Bientôt nous arriverons au « point critique » (tipping point), ce moment caractéristique des systèmes complexes à partir duquel un processus s’emballe et s’auto-amplifie afin de créer ce qu’on appelle une transition de phase, le système passant d’un régime de fonctionnement à un autre.

Et c’est ce nouveau régime de fonctionnement, fondé sur la Lumière, la Conscience et l’Amour, que nous sommes appelés à fortifier, soutenir et faire croître. La Vie, lorsqu’elle doit passer à une autre phase appelle des individus comme vous et moi pour que cette nouvelle conscience s’exprime. Cela s’est déjà passé plusieurs fois dans l’histoire occidentale, notamment lors de l’avènement du Christianisme, lors de la Renaissance et du Siècle des Lumières, mais cette fois, du fait de l’accélération temporelle, cette transformation va s’effectuer beaucoup plus rapidement.

Une ère nouvelle de conscience. Qu’est ce que cela signifie? D’une manière générale, nous fonctionnons à partir de l’ego, c’est-à-dire à partir d’un comportement relativement infantile, porté par nos peurs. Nous cherchons à accroître nos biens, à avoir plus de sécurité, à combler nos manques d’amour par de la nourriture ou des relations, à faire la fête pour se « laver la tête ». Mais tout cela, nous le voyons bien, ne peut masquer ce vide intérieur, ce gouffre dont nous sentons confusément la présence. C’est ce que Pascal appelait le divertissement. Ce type de divertissement ce n’est pas vivre pleinement, mais éviter notre être profond. Et le chemin psycho-spirituel consiste tout simplement à se reconnecter à cette source.

L'ère de l’âme

La Conscience-Amour c’est changer de mode de fonctionnement pour être guidé par l’âme et non plus par l’ego. C’est reconnaître notre caractère spirituel en nous-mêmes d’abord, mais aussi en chacun des êtres que nous croisons. L’âme, on peut la voir comme une parcelle de lumière divine incarnée dans un corps humain. Elle cherche à s’exprimer et à se faire entendre à partir de la Joie, du Don et l’Amour, même si c’est souvent l’ego, mû par les peurs, les blessures, les vengeances et les petitesses qui gagne et qui nous dirige.

L’âme se vit comme un oiseau en cage dans un corps-mental qui ne la reconnaît pas. Elle nous appelle, nous sonne, nous plonge parfois la tête la première dans une vitre pour que nous puissions la voir. Elle nous inspire nos meilleurs actes, nos plus grandes pensées, nos réalisations les plus abouties. Elle se glisse parfois dans quelques minutes d’intimité, ou dans un échange de regards complice avec un(e) inconnu(e) dans la rue. Elle est l’élan qui nous pousse à donner aux nécessiteux, à nous occuper de ceux qui ont besoin de nous, à transmettre la connaissance à ceux qui aspirent à savoir, à abreuver ceux qui ont soif.

L’âme est très personnelle, mais elle agit toujours pour le bien collectif. C’est elle qui inspire les grandes créations aux artistes, elle qui parle au travers de la bouche des prophètes, elle qui guide la main du protecteur. L’âme est reliée à toutes les âmes et se vit en permanence dans la connexion et la reliance. Immortelle, elle n’a peur de rien, et notamment pas de la mort qui n’est qu’une expérience pour elle, car elle se sait reliée à l’ensemble de la Création, comme le fruit qui tombe de l’arbre se sait porteur de nouvelles graines.

Et cette nouvelle ère, sera donc celle de l’âme, d’une autre manière de vivre, de nous relier les uns aux autres, de vivre ensemble. Une ère où le don sera aussi évident que peut l’être l’achat d’un bien aujourd’hui, une ère où, sans nous juger les uns les autres, nous nous apprendrons mutuellement à vivre à partir de l’enthousiasme et de l’Amour, et non de la peur et de la projection comme nous le faisons actuellement. Préparons nous à cette transformation et allons nous abreuver à la Source de l’énergie de création. C’est pour demain…


Jacques Ferber anime du 29 décembre au 1er Janvier, un réveillon tantrique, dans les Cévennes, près de Nîmes. Ce stage, différent des autres, est organisé comme un crescendo vers le Rituel de Passage, où on laisse derrière soi notre passé, nos peurs et nos croyances, pour renaître à la dimension extatique de l’existence, afin d’être pleinement créateur de notre vie et de jouir de ses bienfaits… Toutes les informations et les détails pratique concernant ce réveillon tantrique sont à lire ici sur le site Développement Intégral.

A lire dans Le journal Intégral

Développement intégral (2) Introduction à la Spirale Dynamique
Développement intégral (3) La Voie d’Eros
Le monde change... et nous (1) et (2)
Idées-forces pour le XXI ème siècle (1) et (2) Jacques Ferber et Véronique Guérin

A lire sur le site Développement Intégral

lundi 17 décembre 2012

Printemps de l'Education


L'élève n'est pas un vase qu'on remplit mais un feu qu'on allume. Montaigne


Cet hiver en France, dans le domaine de l’éducation, la mise en scène d’une énième réforme institutionnelle - rebaptisée « refondation » -  reprend, tout en les dépoussiérant un peu, les anciens décors et les acteurs fatigués, les schémas dépassés et les recettes surannées qui, tous, font preuve chaque jour de leur inefficacité parce qu’ils ne sont plus adaptés à l’évolution des mentalités, des sensibilités et des comportements.

Le roi est nu mais la pièce tragi-comique continue devant des spectateurs distraits, souvent démotivés et parfois désespérés, incapables qu'ils sont de s’identifier au spectacle donné par une institution sclérosée qui n’a plus l'idéal et la  force de se réinventer. Mais, qu’on se le dise : l’Hiver annonce toujours le Printemps. Ce printemps de l’éducation est celui des graines de changement qui, mues par la dynamique de l’évolution culturelle, sont  à l’origine d’un foisonnement d’initiatives novatrices.

Printemps de l’éducation est un collectif qui regroupe tous ceux qui, devant la faillite de l’institution, s’impliquent dans un vaste mouvement visant au renouveau de l’éducation. Un renouveau fondé sur des approches éducatives globales et transdisciplinaires qui mettent au cœur de leur démarche l’enfant en tant qu'Etre à part entière. Un renouveau éducatif qui est une étape indispensable à l’émergence d’une autre société, plus humaine, plus solidaire et plus soucieuse du développement global des individus comme de leur milieu de vie.  

La troisième rupture anthropologique

Dans les précédents billets, nous nous sommes fait l’écho des  réflexions et des analyses menées par des penseurs inspirés qui font tous, de manière consensuelle, le constat d’une mutation fondamentale vécue depuis plusieurs décennies par les jeunes générations.  Une mutation si profonde que certains, comme le philosophe Michel Serres, n’hésite pas à la qualifier d’anthropologique. Selon lui : «  La mutation en cours n'est pas tout à fait comparable à celle qui nous a fait passer à la station debout. Reste que, après l'invention de l'écriture et celle de l'imprimerie, il s'agit de la troisième rupture anthropologique de l'histoire de la personne humaine ». (Le Point)

Ces ruptures anthropologiques correspondent chaque fois à une transformation couplée de la transmission d’une part et de la technologie de l’autre : « L'évolution historique du couple support-message est une bonne variable de la fonction d'enseignement. Du coup, la pédagogie changea au moins trois fois : avec l'écriture, les Grecs inventèrent la Paideia ; à la suite de l'imprimerie, les traités de pédagogie pullulèrent. Aujourd'hui ? » (Petite Poucette).

Aujourd’hui ? Tout est à refaire et à repenser : tel est le défi immense et motivant auquel nous devons faire face. La prise de conscience d’un phénomène d’une telle profondeur historique, anthropologique et culturelle rend risible ou tragique - selon les tempéraments - toutes les réformes cosmétiques qui visent à faire du nouveau avec de l’ancien.

Une intelligence inventive


La refondation de l’éducation est un élément essentiel d’une vision globale qui doit inspirer un projet de civilisation portée par cette nouvelle humanité qu’incarne la figure de la “Petite Poucette" crée par Michel Serre. Cet enfant d’Internet au pouce agile a, grâce à son ordinateur, "une mémoire plus puissante que la nôtre, une imagination garnie d'icônes par millions, une raison aussi, puisqu'autant de logiciels peuvent résoudre cent problèmes que n'eussions pas résolus seuls". Cette évolution technologique aboutit à une révolution à la fois cognitive et épistémologique : « Aujourd'hui, on n'a pas le cerveau vide, on a le cerveau libre. Nous pouvons nous concentrer sur l'intelligence inventive. »

Cette intelligence inventive est une « intelligence connective », à la fois sensible, intuitive et collective. Intelligence sensible qui grâce à une diversité cognitive, se nourrit de la participation intime de la subjectivité à son milieu de vie. Intelligence intuitive qui perçoit de manière intégrale c'est-à-dire globale, systémique et dynamique, ce que la raison analytique perçoit de manière segmentée, disciplinaire et statique. Intelligence collective, enfin, qui sait utiliser la synergie des consciences pour faire émerger des solutions et des visions qui dépasse la somme des individus en présence.

On ne peut donc plus éduquer « Petite Poucette » comme on éduqua ses parents. C’est bien ce qu’ont compris, face aux dénis et aux échecs dramatiques de l’institution, tous ceux qui résistent au formatage d’une éducation utilitariste, destinée à fournir les  producteurs et les consommateurs indispensables au développement du Marché.

Dans son ouvrage Ces écoles qui rendent les enfants heureux : expériences et méthodes pour éduquer à la Joie, Antonella Verdiani décrit de nombreuses initiatives qui visent à développer cette intelligence inventive évoquée par Michel Serres. Docteur en science de l’éducation, et  auteur du blog Eduquer à la joie, Antoniella Verdiani a travaillé durant plus de dix huit ans à l'UNESCO, où elle était responsable des questions d'éducation.

Actuellement consultante et formatrice, elle est la fondatrice du collectif Printemps de l'éducation, constitué de représentants de la société civile en France et à l'étranger et qui a pour objectif l'organisation de rencontres entre les acteurs du changement en matière d'éducation. Nous proposons ci-dessous une présentation de cette association comme expression emblématique des réflexions et des pratiques novatrices dans le domaine de l’éducation.

Printemps de l’éducation


L'alliance PRINTEMPS DE L'ÉDUCATION est née de rencontres entre enseignants, éducateurs, parents, grands-parents, mais aussi enfants, ainsi que représentants d'associations, d'organisations, d'entreprises, de collectivités partageant un même constat, une même envie et une même vision.

Il s'agit d'une nouvelle association d'intérêt général, indépendante, à but non lucratif, non politique, non confessionnelle, créée en mai 2012. Son conseil d’administration et son équipe sont composées de personnalités liées au changement de l'éducation.

Le constat

Des problèmes de plus en plus préoccupants s'accumulent (échec scolaire, difficulté d'insertion dans la vie professionnelle, perte de sens, sentiment croissant d'impuissance des enseignants et des éducateurs au sens le plus large, violence à l'école, etc.) sans qu'aucune réforme ambitieuse et innovante ne soit vraiment à la hauteur des enjeux. Repenser, réinventer l'éducation sont donc pour nous des priorités absolues.

L'envie

Nous souhaitons construire une nouvelle société plus humaniste, plus coopérative, plus solidaire, véritablement orientée vers le vivre mieux tout en renforçant l'intérêt général, la démocratie, la multiplicité des savoirs et de l'information, l'égalité des chances et la diversité culturelle.

Or, pour nous, le renouveau de la société passe nécessairement par un renouveau de l'éducation. Mais pas n'importe quelle éducation !

Notre vision de l'éducation est que c'est l'enfant en tant qu'Etre à part entière, et ses intérêts, qui doivent être au cœur de celle-ci. Elle doit lui permettre de devenir acteur conscient, créateur, responsable et autonome face à son avenir, de s'épanouir individuellement et collectivement, et apprendre à être en paix avec soi-même, avec les autres et avec son environnement.

Nous voulons donc plus particulièrement promouvoir les approches éducatives globales et transdisciplinaires dans lesquelles :

- L'enfant est à la fois enseigné et enseignant,
- Son désir, sa joie d'apprendre sont sans cesse stimulés,
- Ses rythmes de vie et d'apprentissage sont respectés,
- Son épanouissement personnel est encouragé sur tous les plans (physique, émotionnel, social, éthique, multiculturel, écologique, santé, artistique, cognitif),
- Sa connaissance de lui-même et son savoir-être sont développés au même titre que les savoir-faire et les savoirs,
- Sa relation aux autres est privilégiée à travers le lien entre les générations, le travail en groupe, l'apprentissage de la coopération,
- Son lien avec la nature et le vivant est préservé et cultivé,
- Son apprentissage de la citoyenneté, de la démocratie, de la santé, de l'alimentation, de l'environnement, de la solidarité, du développement durable sont accompagnés,
- Sa maîtrise des outils de communication est assurée...

Les approches éducatives que nous encourageons - qui ne sont plus seulement le monopole de l'école mais bien une mission collective impliquant l'ensemble de la société et de ses acteurs - doivent permettre de lutter contre l'échec scolaire et de prendre en compte les spécificités des nouvelles générations tout autant que des enfants en situation de handicap.

Groupes de parents, réseaux associatifs, collectifs, écoles, porteurs de projets éducatifs divers, élus, organisateurs de conférences et de rencontres, etc., nombreux sont ceux qui œuvrent déjà pour ce «renouveau de l'éducation» dont nous venons de décrire les grandes orientations. Cependant, nous constatons trop souvent que ces initiateurs se sentent isolés et fragiles face au système actuel, qu'ils se connaissent peu, que l'énergie et les informations sont trop dispersées.

C'est pour rompre cet isolement, pour relier tous ces acteurs entre eux, pour encourager les transmissions d'expériences et leur démultiplication que nous avons créé le Printemps de l'éducation, alliance indépendante, apolitique, non confessionnelle.

Les objectifs

Les objectifs du mouvement sont les suivants :

- Identifier les acteurs du « renouveau » éducatif, les pratiques innovantes et les recherches les plus significatives en la matière ;
- Encourager la transmission des pratiques existantes et la mise en œuvre d'expériences éducatives nouvelles ;
- Animer un réseau destiné à relier les acteurs, favoriser les échanges autour de cette nouvelle conscience et ces savoir-faire, activer toutes les intelligences collectives et susciter des coopérations éducatives ;
- Rassembler le plus grand nombre pour devenir un acteur significatif du renouveau éducatif capable de mener une action politique.

Les actions

Pour ce faire nous comptons mettre en place des actions aussi diverses que :
- Organiser des rencontres Printemps de l'éducation,
- Initier des campagnes de communication et informer les médias, participer à des salons,
- Représenter les acteurs du mouvement auprès des pouvoirs publics et nourrir les politiques éducatives,
- Organiser des ateliers de formation pour les enfants, les parents et les enseignants,
- Publier des livres et coproduire des documentaires,
- Créer une plate-forme web de ressources, d'actualités média et de réseau social,
- Créer des commissions de travail thématiques,
- Animer des comités locaux dans toute la France,
- Mettre en place des collaborations internationales,
- Soutenir les recherches, les expériences innovantes et la création d'écoles,
... et écouter les rêves des enfants !

De l’ego à l’âme

En complément aux réflexions menées par le collectif Printemps de l’éducation et dans la continuité de celles-ci, j’aimerai faire partager aux lecteurs du Journal Intégral, le commentaire de Serge Durand à notre avant-dernier billet intitulé L’éducation à l’ère des créateurs. Co-auteur de l’indispensable Guide de la spiritualité qui propose une vision asssez complète de la mutation intellectuelle, culturelle et spirituelle en train d’advenir, Serge Durand nous fait part d'une réflexion inspirée de son expérience de professeur, de philosophe et de chercheur spirituel :

" J'adhère à l'évidence qu’un monde vivant pousse en ce moment même aux milieux des décombres du vieux monde dominé encore, quoi qu'il en pense, par la bestialité. Plus le temps passe, plus je sais que je vois ce Monde nouveau si et seulement j'y participe. L'évidence de l'horreur du vieux monde fait partie des ruines. C'est même une impression de grisaille interne dépressive qui participe de l'auto-destruction du vieux monde. Le monde nouveau n'est vu qu'à partir d'une certitude de Joie sans objet qui accueille une force créatrice et transformatrice.

Un deuxième point me saute aux yeux : l'éducation n'est plus une sortie (ducere) hors de soi (e-) mais une initiation à soi c'est-à-dire une intégration de puissance de pensées, d'émotions (voire de sentiments) ou encore de capacités physiques répondant aux besoin d'une âme.

La société du vieux monde ne connaît que des egos manipulables par leurs désirs égocentriques puisque foncièrement mimétiques et qui donc suscitent de la concurrence. Même la bonne conscience de ce vieux monde a cette mécanique. La société du vieux monde ignore tout de l'âme.

L'éducation véritable consiste certainement à permettre à une âme de ne pas se perdre dans les mécaniques des pensées, des désirs et des pulsions. La spiritualité contemporaine avec la non-dualité nous donne d'échapper peu à peu à la mécanique. Mais quid du mouvement de transformation du monde ? L'ego n'est que le visage défiguré de notre âme quand, pire malheur, il n'en est pas la tombe où elle se tient étouffée dans le silence.

L’éducation de demain

Sri Aurobindo

L'éducation authentique est au service d'un principe d'individualisation. Celui qui aime ses enfants ou le prof qui se soucie de ses élèves travaille pour leur proposer ce qui leur facilitera de devenir ce qu'ils sont : il leur donne de quoi s'individualiser. Ceci commande même la manière dont parfois on peut leur introduire une manière de voir, par exemple la non dualité : une boîte d'outils ou une sensibilité poétique pour ne pas se faire engrener dans la mécanique.

Plus on s'approche du continent perdu de l'âme, plus on peut aider les plus jeunes âmes à se trouver au cœur de l'humanité. Il ne s'agit pas d'une manière de penser mais d'une aspiration au cœur de la conscience pure. C'est un monde paradoxal où la plénitude de la conscience se découvre un besoin d'être, une soif de conscience encore plus ample.

Le monde de l'âme, le monde psychique vraiment libre du monde psychologique qui ne trouvera jamais de solution en lui-même, est une dimension spirituelle que l'éducation de demain devra sans aucun doute découvrir si elle veut s'accomplir.

Pour l'instant à ma connaissance la tentative qu'est L'école du progrès telle qu'elle a été développée autour de Mère et Sri Aurobindo reste l'une des rares après certainement l'Académie platonicienne à souligner le rôle central de l'âme (principe d'individualisation au cœur de la conscience pure) qui donnerait tout son sens à une éducation de la pensée, de l'intelligence émotionnelle et de la maîtrise d'un corps en vue ensuite de lui offrir la capacité d'une évolution de la conscience par delà les limites de la conscience ordinaire humaine".

A lire

Sur le site consacré à l'oeuvre de Gabriel Monod-Herzen, on trouvera en ligne le livre de Gabriel Monod-Herzen et de Jacqueline Bénézech intitulé L’école du libre progrès de l’Ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry évoquée ci-dessus par Serge Durand. Dans cet ouvrage, les auteurs présentent les éléments fondamentaux d’une éducation intégrale inspirée par Sri Aurobindo. On trouvera aussi en ligne sur ce site, le livre passionnant que Gabriel Monod-Herzen a consacré à Sri Aurobindo : la seule étude de ce genre qui ait été revue et corrigée par Sri Aurobindo lui-même.

Antonella Verdiani, l’initiatrice du Printemps de l’éducation, a mené sa recherche de doctorat, dans le cadre de l’université Paris 8, sur l’éducation intégrale à Auroville.

L’éducation à la Joie : un exemple dans les écoles d’Auroville (Inde) par l’éducation intégrale.
Résumé de la thèse de doctorat sous la direction du professeur René Barbier

Eduquer à la Joie. Un article d'Antonella Verdiani. L'Harmattan

vendredi 7 décembre 2012

Education + Initiation = Développement Intégral


L’humanisme classique a défini l’homme de façon beaucoup trop étroite : il l’a défini comme être pensant au lieu de le définir comme être vivant.  Claude Levi-Strauss


En écho à la journée du 30 Novembre consacrée par l’Université Intégrale aux initiatives novatrices dans le domaine de l’éducation, nous avons proposé une série de billets dont il ressort un certain nombre de réflexions qui font consensus parmi les observateurs les plus éclairés. Dans ce billet, nous tenterons de proposer une rapide synthèse de ces réflexions pour tous ceux qui explorent et inventent dès aujourd’hui les voies novatrices à l'origine des institutions de demain.

Le nouveau paradigme en train d’émerger complète l’abstraction de la démarche éducative par la sensibilité de la démarche initiatique. En associant rationalité abstraite et intuition holiste au sein d’une « intelligence sensible », le nouveau paradigme intègre ces deux projets complémentaires que sont l’éducation et l’initiation dans un projet de civilisation fondée sur l’évolution de l’être humain.

1 – L’éducation, miroir d'une civilisation

L’éducation est le miroir à travers lequel une civilisation se reconnaît, s’affirme et se pérennise en transmettant ses valeurs et sa vision du monde. Cette transmission est formation, au sens littéral, c'est-à-dire mise en forme des consciences selon une vision du monde et une culture correspondant à un stade évolutif donné. Ce lien organique et essentiel entre éducation et civilisation fait qu’il est absurde et impensable de vouloir refonder l’éducation sans inscrire cette refondation dans un nouveau projet de civilisation.

2 –  Une mutation fondamentale

La crise de l’éducation n’est que le reflet spectaculaire d’une crise de civilisation, bien plus profonde, qui se manifeste aujourd’hui de manière systémique à travers tous les aspects - personnels et collectifs, culturels et sociaux - de la vie humaine. Michel Serres parle d’une «  crevasse si large et si évidente que peu de regards l'ont mesurée à sa taille, comparable à celles visibles au néolithique, à l'aurore de la science grecque, au début de l'ère chrétienne, à la fin du Moyen Age et à la Renaissance ».

 Edgar Morin évoque, quant à lui : « une grande métamorphose, aussi profonde et multidimensionnelle que celle que l’humanité a connu quand elle est passée de la préhistoire aux sociétés historiques. »

Pour RaoulVaneigem : «  Le monde a changé davantage en trente ans qu'en trois mille. Une mutation comparable à l'invention de l'outil, qui produisit jadis le travail d'exploitation de la nature et engendra une société composée de maîtres et d'esclaves ».

Selon Patrick Viveret : « Nous sommes à la fin du cycle des temps modernes qui furent marqués par ce que Max Weber, d'une formule saisissante, avait caractérisé comme "le passage de l'économie du salut au salut par l'économie » 

3 –  Un changement de paradigme

Observée par tous les penseurs attentifs et intuitifs, cette mutation fondamentale - qualifiée par certains d'anthropologique - transforme en profondeur les mentalités et les comportements, les organisations et les institutions. Ceci explique pourquoi la crise profonde qui frappe l’éducation ne peut être résolue par les institutions actuelles dont le philosophe Michel Serres dit qu’elles luisent «  d'un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprirent qu'elles étaient mortes depuis longtemps déjà. »

Le pseudo-réalisme qui inspire des pseudo-réformes n’est qu’une stratégie dilatoire , illusoire et cosmétique, destinée à faire perdurer un modèle à l’agonie à travers des « rapetassages qui déchirent encore plus le tissu qu'ils cherchent à consolider. » On ne peut en effet, comme le dit Einstein, résoudre un problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré.

Toute réflexion concernant l’éducation doit trouver sa source dans la prise de conscience de cette mutation fondamentale qui implique un changement de paradigme Refonder l’éducation c’est inscrire un projet pédagogique dans un projet évolutif de civilisation qui remet l’homme au cœur de la société et la dynamique créatrice de la vie/esprit au cœur de l’humain.

4 - Une réforme intérieure


Graphisme de Vincent Curien

Il y a plus de vingt ans, Edgar Morin définissait dans le magazine Nouvelles Clés la mutation intérieure que nous sommes en train de vivre : « La seule chose que je crois, c'est que la révolution salutaire ne pourra pas venir uniquement de l'extérieur, c'est à dire par des réformes d'institutions, par des changements économiques et politiques.

La mutation viendra aussi de l'intérieur, et sans doute à deux niveaux : d'abord par ce que j'appelle la réforme de la pensée, qui consiste à penser de manière plus complexe et plus riche, plus adéquate, moins mutilée; et deuxièmement par une réintériorisation de l'existence humaine qui cessera de s'agiter dans tous les sens uniquement en fonction des conquêtes extérieures, de plus en plus artificiellement stimulées et surexcitées.

Je mets donc comme condition à la sortie de l'agonie une réforme intérieure, dans les deux sens du terme : l'un beaucoup plus réflexif et intellectuel, l'autre beaucoup plus intériorisé, dans le sens de la vie de l'âme, pour employer ce mot entre guillemets, bien qu'il corresponde à une réalité profonde." (Entretrien repris dans Nlles Clés n°58, Spécial : 20 ans d'entretiens visionnaires)

5 – Une réforme cognitive

L’ancien paradigme était fondé sur une rationalité instrumentale qui a inspiré le modèle utilitariste de l’Homo Oeconomicus et celui, prométhéen d’une toute puissance technologique. La mutation que nous vivons fait émerger un nouveau paradigme fondé sur une conscience intégrale qui participe à la dynamique évolutive, créatrice et intégrative, de la vie/esprit.

Pour Edgar Morin : «  La voie pédagogique serait celle d'une réforme cognitive qui permettrait de relier les connaissances, plus que jamais morcelées et disjointes, afin de traiter les problèmes fondamentaux et globaux de notre temps

Le paradigme émergent refuse le terrorisme intellectuel fondé sur l'hégémonie d'une pensée abstraite pour affirmer une multiplicité d’intelligences et une diversité cognitive qui prennent en compte toutes les ressources - corporelles, émotionnelles, intellectuelles et spirituelles - de l’être humain. L’avènement d’une conscience intégrale passe par le développement d’une "intelligence connective "à la fois sensible, intuitive et collective.

6 -  Une réforme de l'esprit

La réintériorisation de l’existence constitue, selon Morin, le second aspect de la réforme intérieure : «  L'idée d'une réforme de la connaissance, d'une réforme de la pensée, est une idée que je propose depuis longtemps. C'est le projet que l'on retrouve dans La Méthode. Mais je suis de plus en plus convaincu qu'il faut à présent parler d'une réforme de l'esprit (au sens de mind), d'une réforme de "quelque chose" de plus profond, de plus personnel, de plus subjectif : c'est-à-dire, finalement, une réforme de l'être, de nous-mêmes. » (Transversales Science/Culture : La réforme de la pensée suppose une réforme de l'être)

La voie de l’éducation fut celle de l’individualisme abstrait qui s’extrait de l’indifférenciation pour affirmer sa singularité individuelle. Issu du latin ex-ducere « guider hors de », l’éducation renvoie à un processus d’abstraction dont l'étymologie (abstrahere, « tirer hors de ») exprime la séparation entre l’individu et son milieu de vie. Par une médiation intellectuelle séparant de manière abstraite la sensibilité du sujet de ses objets d’attention, l’éducation transforme le milieu de vie en environnement à maîtriser et à dominer.

Le problème, comme le dit Claude Levi-Strauss c’est que «  L’humanisme classique a défini l’homme de façon beaucoup trop étroite : il l’a défini comme être pensant au lieu de le définir comme être vivant ». C’est pourquoi le projet éducatif qui se réfère à la raison de l’être pensant doit être complété par un projet initiatique qui se réfère à la sensibilité de l’être vivant.

Si l’éducation insiste sur le savoir abstrait comme moyen de maîtriser le monde, l’initiation se réfère à la connaissance comme mode sensible de participation à celui-ci.  Une authentique co-naissance qui est participation intérieure - à la fois intuitive et instinctive - de la subjectivité à son milieu de vie. Dérivée de initium (« début ») lui-même de ineo (« aller dans »), l’initiation est une voie vers la profondeur créatrice et spirituelle, là où l'éducation (ex-ducare) peut être considérée comme un chemin vers l'extériorité objective.

La profondeur de l'initiation est celle d'une sensibilité organique et d'une intuition holiste qui tissent le lien homéotélique entre chaque partie et la totalité dont elle est membre. En recentrant la vie humaine sur la richesse intérieure, le processus initiatique est au cœur de cette réintériorisation de l’existence évoquée par Edgar Morin.

L’intégration de l’éducation et de l’initiation est au coeur d'un projet de civilisation fondé sur le développement intégral de l’être humain. Durant ce processus d’individuation, la conscience se développe à travers des stades de développement successifs en intégrant les éléments du milieu - naturel, humain et culturel- où elle évolue. A un certain moment de ce processus évolutif, le développement humain doit dépasser le stade du mental pour participer, au-delà des limites de l’ego, aux états supérieurs de conscience et aux étapes les plus élevées de l’évolution spirituelle.

7 –  Un nouveau monde


Il existe une profonde relation, à la fois systémique et dialectique, entre la réforme intérieure propre à chaque individu et un projet de civilisation qui concerne la collectivité. Aucun nouveau projet de société ne peut advenir sans réforme intérieure comme toute réforme intérieure doit être étayée et nourrie par la vision partagée d'un projet de société. Tel est le nouvel horizon d'une véritable politique intégrale qui place au coeur de son projet la dimension évolutionnaire de l'être humain.

Portée et inspirée par un tel projet de civilisation, une dynamique de régénération se manifeste aujourd’hui à travers une constellation d'initiatives et de pensées qui sont en train de faire émerger un nouveau monde. Selon Raoul Vaneigem : « À l'abri des médias qui font métier de l'ignorer, une société vivante se construit clandestinement sous la barbarie et les ruines du Vieux Monde. Il n'est pas inutile de montrer de quelle façon elle se manifeste et comment elle progressera ».

Pour confirmer et documenter ces propos, on notera la parution ces jours-ci du livre de Bénédicte Manier intitulé Un million de révolutions tranquilles. Anne-Sophie Novel présente ici cette forme d'encyclopédie des alternatives citoyennes qui « offre un survol riche et passionnant des actions menées par les pionniers de la transition vers une société plus participative, solidaire et humaine ».

8) Le vivier du futur

Edgar Morin est un des meilleurs observateurs et analystes de cette dynamique de régénération qui fut au cœur de toutes les grands projets de civilisation : «  L'Histoire humaine a souvent changé de voie. Tout commence, toujours, par une innovation, un nouveau message déviant, marginal, modeste, souvent invisible aux contemporains... Aujourd'hui, tout est à repenser. Tout est à recommencer. Tout en fait a recommencé, mais sans qu'on le sache. Nous en sommes au stade de commencements, modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Car il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d'initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de vie.  

Ces initiatives ne se connaissent pas les unes les autres, nulle administration ne les dénombre, nul parti n'en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s'agit de les reconnaître, de les recenser, de les collationner, de les répertorier, et de les conjuguer en une pluralité de chemins réformateurs. Ce sont ces voies multiples qui pourront, en se développant conjointement, se conjuguer pour former la voie nouvelle, laquelle nous mènerait vers l'encore invisible et inconcevable métamorphose. Pour élaborer les voies qui se rejoindront dans la Voie, il nous faut nous dégager d'alternatives bornées, auxquelles nous contraint le mode de connaissance et de pensée hégémoniques...» (Eloge de la métamorphose)

9 –  Un courant d’innovation

Dans le domaine de l’éducation, comme dans tant d’autres domaines, un vaste mouvement d’innovation, vecteur de nouvelles valeurs, élabore le nouveau monde en train d’émerger. Billet après billet, avec d’autres, Le Journal Intégral essaie de rendre visible cette mutation des mentalités encore invisible à ceux qui n’y participent pas.

Fondée sur une approche à la fois globale et systémique, dynamique et inclusive, une nouvelle vision du monde anime les innovations pédagogiques et éducatives comme elle participe à l’émergence de formes novatrices dans le domaine de l’épistémologie et de l’organisation sociale, des représentations culturelles et de l'économie psychique.

Dans un précédent billet sur le Nouvel esprit pédagogique, nous avions déjà présenté quelques unes de ces initiatives novatrices dans le domaine de l’éducation. L’Université Intégrale, lors de sa dernière journée, autour du thème Education et Co-écolution a invité nombre de pionniers qui explorent des pistes innovantes en ce domaine. Parmi ces invités, Antoniella Verdiani vient d’écrire un livre - Ces écoles qui rendent les enfants heureux -  où elle décrit avec précision un courant novateur à l’origine d'expériences diverses et de réflexions originales.

Après avoir mené, dans le cadre de l’université Paris 8, une recherche de doctorat sur l’éducation intégrale à Auroville, Antoniella Verdiani a travaillé durant plus de dix huit ans à l'UNESCO, où elle était responsable des questions d'éducation. Auteur du blog Eduquer à la joie, cette docteur en science de l’éducation, actuellement consultante et formatrice, est la fondatrice du collectif Printemps de l'éducation, constitué de représentants de la société civile en France et à l'étranger et qui a pour objectif l'organisation de rencontres entre les acteurs du changement en matière d'éducation.

10 –   Des pédagogies alternatives

Dans la présentation de son ouvrage, Antoniella Verdiani décrit la mutation qui se manifeste dans le domaine de l’éducation et de la pédagogie à travers une foisonnement d’initiatives et d’expériences : «  En France et dans le monde entier, des initiatives éducatives novatrices naissent tous les jours. De plus en plus d'écoles publiques ou privées, à la maison, à la ferme, en communauté, autogérées, démocratiques, ouvertes, libertaires, osent aujourd'hui se détourner d'une conception de l'éducation imposée par les institutions.

Partout, des gens s'organisent pour trouver des alternatives au système éducatif actuel : des enseignants qui aiment leur métier et qui, au sein de l'école publique, tentent des expériences épanouissantes; des parents qui se fédèrent pour créer des écoles dans leur village, des mères qui enseignent leurs savoir-faire traditionnels au sein de l'école de leurs enfants...

Des jeunes aussi, qui inventent de nouvelles façons de s'éduquer par l'autoformation ou l'apprentissage par les pairs, comme à la Brockwood Park School en Angleterre ou à Last School à Auroville, en Inde, où ils décident librement d'étudier les matières qu'ils aiment, sans se préoccuper de notions d'évaluations, d'examens ou de niveau scolaire.

Ainsi, naissent des mouvements et des courants nouveaux, basés sur des pédagogies alternatives. Si certaines d'entre elles - quoique mal connues - sont relativement familières, comme les pédagogies Steiner, Montessori ou encore Freinet, d'autres se développent et sont à découvrir, comme celle de l'éducation lente (la "Slow School" ou la pédagogie de l'escargot), de l'éducation démocratique inspirée par les idéaux libertaires (EUDEC, Aero, etc.), de l'école à la maison ou de l'instruction en famille. 

Ce livre, richement documenté, propose un tour d'horizon de toutes ces initiatives éducatives innovantes, en détaillant à la fois la spécificité et l'originalité de chacune d'elles. Conçu de manière pratique, il fournit aux parents, citoyens et enseignants des informations et références pour découvrir des écoles qui replacent l'enfant et son épanouissement au coeur du processus éducatif. »

Au fur et à mesure qu'émerge une nouvelle vision du monde, les anciennes formes d'éducation s'écroulent avec les institutions qui les incarnaient, alors que s'inventent des formes novatrices qui intègrent projet éducatif et trajet initiatique dans un processus de déloppement intégral.

A lire