mardi 22 octobre 2013

Une Armée de Prophètes


Il n’y a qu’un problème, un seul : redécouvrir qu’il est une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence, la seule qui satisfasse l’homme. Antoine de Saint-Exupéry 


Aux petits rentiers de l’agonie 

Aux fonctionnaires du désastre

Aux gestionnaires du renoncement 

Aux professeurs de désolation 

Aux experts qui, à force de savoir tout sur rien, ne connaissent absolument rien du Tout 

Aux technocrates qui prennent leur impuissance pour de la mesure et leur conformisme pour de la lucidité 

Aux religieux qui veulent faire de la transcendance une marque déposée dont ils revendiquent l’exclusivité

Aux politiciens dont la vision dépasse rarement la perspective de leur prochaine élection 

Aux réducteurs de têtes - nombreux dans la tribu des Psyvaros - qui enferment l’infini de l’esprit dans les limites abstraites de l’individu 

Aux démagogues qui surfent sur la haine, le doigt pointé vers des bouc-émissaires soumis à la vindicte populaire 

Aux conspirationnistes qui, inspirés par la connerie ambiante, imaginent des solutions simplistes et délirantes à des problèmes complexes nécessitant un saut créatif et conceptuel

Aux arriérés qui pensent aujourd’hui comme hier en qualifiant d’avant-garde ceux qui vivent au rythme créateur de l’évolution 

Aux sodomiseurs de dyptères qui qualifient d’illuminés les visionnaires et de visionnaires les désespérés 

Aux cyniques qui, identifiés à leur égo, traitent de mégalos tous ceux qui cherchent à le transcender 

Aux esthètes de nœud qui prennent la poésie pour une activité littéraire alors qu’elle est un état lyrique qui nous plonge au cœur de l’unité irréductible entre l’homme et le monde 

Aux écrivains qui, avec vanité, traitent leurs lecteurs comme des clients et non comme des poètes 

Aux cérébranleurs qui castrent l’imagination créatrice en réduisant un univers complexe et mystérieux à des idées claires et distinctes 

Aux normalisateurs qui réduisent la conscience à un mécanisme cérébral et la psyché à une mécanique dont les rouages chimiques peuvent être réparés à coup de molécules


Aux scientistes, prêtres de l’insignifiance, qui inventent un monde à leur mesure en réduisant le Réel multidimensionnel aux formes apparentes de la réalité

Aux familialistes qui ne reconnaissent comme seul miroir narcissique que la toute puissance de leur progéniture

A ceux qui, parmi les journalistes, nous font prendre pour de l’information la mise en scène du conformisme et de la résignation 

Aux milices de la pensée payées pour que leurs maîtres ne soient pas dérangés par des opinions déviantes c’est-à-dire novatrices

A l’oligarchie des nains qui spéculent sur la misère humaine pour chercher à remplir indéfiniment leur vacuité infinie

Aux poubellicitaires, ces mages noires qui colonisent l’imaginaire en faisant d’un produit le support d’un affect et d’un affect le support d’une aliénation 

A ceux qui, parmi les enseignants, vampirisent la présence d'esprit en destituant la souveraineté de l’intuition créatrice au profit d’un formalisme abstrait qui se retourne contre la vie pour former des absents à eux-même et au monde

Aux apparatchiks de la culture qui attendent d'une avant-garde auto-proclamée qu’elle défèque sur scène, sur un tableau ou dans un livre pour aller nettoyer ses crottes avec autant de respect que de volupté

Aux prédateurs qui, par leur inconscience quotidienne, détruisent leur milieu naturel et les espèces qui y vivent en violant les valeurs sacrées de la sensibilité et de la vie

Aux matérialistes qui, en se constituant prisonniers des apparences, se privent d'une cohérence enracinée dans la profondeur d'une transcendance

A tous ces paumés qui, ayant oubliés d’où ils viennent, ne savent plus où ils vont

Aux pseudo-révolutionnaires qui se font les alliés objectifs de la domination en utilisant le logiciel économique des dominants plutôt que d’inventer le logiciel éthonomique de la convivialité 

Aux déconomistes qui réduisent à un pouvoir d’achat la puissance créatrice de l'humanité

Aux marchands de bonheur qui profitent de la détresse humaine pour vendre l’illumination par mensualité 

A ceux qui savent 

A ceux qui croient savoir 

A ceux qui croient que le savoir les protège d’eux-mêmes 

Comme une armure 

A tous ceux-là et aux autres 

Il faut faire entendre l’écho assourdissant 

D’une voix qui se propage comme un incendie 

Annonçant l’insurrection des consciences 

Avec le Verbe pour seule arme 

Une armée d’enfants prophètes se lève de la nuit

Où les Techniciens du Sommeil l’avait endormie 


Les enfants prophètes vivent dans l’univers et l’univers vit en eux comme une source

Ils n’ont rien à dire et tout à inventer 

Du fond de leur mémoire pulse un rythme souverain

Ils sont enfants de l’univers et l’univers est leur enfant 

Les petites vies s’enflamment à leur passage, les grandes s’illuminent 

Ils appartiennent à un ordre qui se métamorphose à chacun de leur souffle 

Ils sont visionnaires comme on était conscients

Leurs mots sont des graines d’avenir plantées à même le soleil

L’infini les habite comme un locataire bienheureux

« Loué soit l’infini » chantent-ils en aimantant la jeunesse de leur trop plein de bleu 

Ils ont beaucoup voyagé entre les mondes et sont témoins d’histoires inouïes 

Ils regardent les hommes comme les traces mortelles de ce qu’ils furent 

L’immortalité se donne à celui qui sait la chanter

Rien n’a d’importance comme de célébrer le mystère 

A travers les danses du désir et les rythmes de l’incarnation 

Ils interprètent le monde, inspirés par un souffle millénaire 

Ils sont libres comme on est visionnaire

Ils sont présents comme on est libre 

« Osez libérer le prophète qui vibre en vous » disent-ils 

En libérant la conscience de la peur et la peur du temps passé 

« Oser libérer le génie qui vous inspire » disent-ils encore 

La réalité est une femme qui se donne à celui qui saura l’enchanter 

Elle enfantera un monde qui ressemble au souffle créateur 

Acteurs d’un flux instantané qu’ils font circuler en eux et à travers eux 

L’étoile de leur énergie rayonne d’intensité 

Ils donnent et reçoivent en échange 

Éléments solidaires d’un même organisme vibrant 

Ils ne sont plus ce qu’ils furent car ils ont osé le futur 

Ils l’ont généré en méditant 

Ils ont imaginé ses couleurs et ses formes dans l’athanor de leur conscience 

Ils l’ont appelé de tous leurs chants 

Ils ont renoué les fils du visible et de l’invisible 


Rien ne sera plus comme avant 

Ceux qui vous jugeaient du haut de leur égo 

Voilà qu’ils s’effondrent dans les limbes de leurs intérêts

Incapables d’inscrire leur vie dans un récit qui les grandit 

Ils disparaissent à force de devenir minuscule. 

Ils étaient morts mais ne le savaient pas 

Votre présence leur en apporte la preuve 

Et dans cette épreuve, ils font le deuil de leur inhumanité 

Il manque des prophètes à la liste des hommes 

La prophétie est une profession d’avenir 

Osez quitter les rives de la résignation 

Où échouent ceux qui pensent avoir réussi 

Osez le premier pas : celui qui initie tous les autres 

Osez servir l’infini et l’ineffable 

Osez être plus que ce que vous êtes 

Et vous verrez venir à vous l’armée des prophètes 

Enfant rieurs aux paroles d’or et de diamant 

Qui, de leur rire et de leur chant, ensemencent le champ du sens

Tout est nouveau sous le soleil depuis qu’ils se sont éveillés 

A l’harmonie secrète où s’origine la puissance créatrice de la pensée 


Les prophètes ne sont pas des vieillards de légende 

Mais les enfants du nouveau monde 

Qui ont à cœur de servir et de perpétuer le Grand Lien 

Osez ruser avec les masques de la mort 

Collés sur les vivants par l’esprit de sérieux

Quelqu’un quelque part vous attend

Qui vous ressemble comme un frère 

Pour la bonne raison que c’est vous-même 

Réinventé aux couleurs de l’éternité

Il vous faudra assumer l’infini comme une épreuve

Face à tous ceux qui ont fait un tombeau de leur vie 

N’attendez rien d’eux qui ne savent que se vendre 

L’avenir appartient à tous ceux qui osent se donner à lui 

Ne fais rien si chacun de tes pas, de tes pensées, de tes actions n’est pas animé du Souffle 

Attends qu’il te revienne comme on attend sa bien-aimée 

Celui qui n’est pas capable de se réinventer sans cesse 

Comment pourrait-il transformer le monde ? 

Le silence est le temple du sens comme le secret est celui de la présence 

Ne confie pas de perles aux pourceaux 

Ils seraient capables de les confondre avec ces excréments dont ils sont si friands 

Confie-toi à la Présence d'Esprit

Elle seule à le pouvoir de te réinventer au-delà des affres du temps et des sortilèges de l’incarnation

mardi 15 octobre 2013

Table des Matières (12) Sri Aurobindo


L'Homme est un être de transition. L'évolution continue et il sera dépassé. Sri Aurobindo


Chaque billet du Journal Intégral est la pièce d’un puzzle qui dessine, entre intuitions créatrices et réflexions critiques, la vision intégrale d’un homme réunifié dans un Kosmos réenchanté. Les résumés des articles présentés dans cette Table des Matières permettront aux lecteurs de reconstituer ce puzzle en allant se référer à telle ou telle pièce afin de mieux comprendre et intégrer les autres.


1. Demandez le programme !... 2. Une philosophie du Tout 3. La Petite Princesse 4. Evolutions  5.Evolutions (fin) 6. Post-Matérialisme 7. Penser la nouvelle civilisation 

Table des Matières 2011 



Sri Aurobindo 
Table des Matières (12) du 26/07/11 au 02/09/11 


L’heure n’est plus où l'on peut encore s’identifier à une histoire idéaliste ou à une contre histoire matérialiste de la philosophie. L’idéalisme et le matérialisme apparaissent en fait comme les deux faces à la fois contradictoires et complémentaires d’un même dualisme à quoi la conscience humaine n’est pas réductible

Une conscience éveillée, c'est-à-dire non-duelle, n’oppose pas transcendance et immanence mais perçoit le monde de la manifestation comme l’expression immanente et évolutive d’un Esprit transcendant. Animée par une inspiration poétique, la sagesse la plus profonde interprète la finitude existentielle comme l’épiphanie sensible et créatrice de l’Esprit infini. 

Trop souvent, aujourd’hui, le terme de philosophie désigne, par anti-phrase, l’ennemie désignée de la sagesse, réduite à la figure d’un infantilisme sectaire, et destituée au profit d’une abstraction intellectuelle qui absolutise la rationalité. On pourrait utiliser le terme d’ « asphilosophie » pour désigner cette lente asphyxie de l’intuition créatrice par l’abstraction formelle, menant tout droit à ce formalisme intellectuel qui est la mort même de toute pensée. 



Aphorismes est cette chanson où Georges Moustaki met en musique une partie du poème de Sri Aurobindo intitulé Le But. Avec des mots simples sur une musique méditative, cette chanson exprime l’essence d’une vision évolutionnaire au cœur de la pensée intégrale. Dans cette perspective dynamique, l’être humain évolue du savoir à la connaissance en dépassant la raison, il évolue des velléités au pouvoir en dépassant l’effort, de la jouissance à la béatitude en dépassant le désir, de l’individualisation à la personne réelle en dépassant le moi et de l’humanité à l’Homme en dépassant l’animal. 

Aphorismes est cette porte musicale qui nous permet de retrouver Georges Moustaki et son univers poétique tissé de rêves et de révoltes, d’hédonisme et de sensualité, d’Orient mythique et de Brésil nonchalant. Peu de chanteurs ont réussi comme lui à évoquer ce lâcher prise "oriental" que certains prennent pour de la langueur alors qu’il est surtout un art de vivre et de vibrer qui permet de distinguer l’essentiel de l’accessoire en prenant le Le temps de Vivre, En méditerranée et en se rappelant qu’hier encore, Il y avait un jardin qu’on appelait la terre, trois chansons dont nous proposons une vidéo.

04/08/11. L'Esprit de Vacance


Etymologiquement, la notion de vacance renvoie à celles de vide et de vacuité. La spiritualité orientale notamment le bouddhisme, a fait de la vacuité la condition même de l’éveil de la conscience. Quand, dépassant l'abstraction mentale, la conscience retrouve le vide qui la fonde et la transcende, elle se libère des limites qui sont celles de l’identification aux formes pour s’ouvrir à la plénitude de la vie et de l’esprit. 

L'esprit de vacance se développe ainsi dans une conscience libérée des attractions et des distractions formelles. Le pouvoir de l'attention se retourne vers la puissance libératrice de l'intention créatrice. Cette conversion intérieure naît de la reconnexion intime de la subjectivité à une plénitude à la fois existentielle et essentielle. De cette conversion émerge un nouveau regard qui remet en questions aussi bien notre mode de vie et de pensée habituel que le modèle de société profondément matérialiste dans laquelle nous évoluons. 

Les vacances modernes reproduisent en effet de manière absurde l’idéal productiviste, transformant l’oisif et le paresseux en activiste laborieux du loisir, en bagnard du string, du bob et du beignet, traînant son boulet de bambins piailleurs, en stakhanoviste de la fête et de la partouze, dopé à la chimie, en troupeau d’estivants avachis et hagards, broutant les rayons du soleil, en touriste expert, soucieux de la rentabilité de son temps et de son budget, mesurant ses plaisirs comme un géomètre et les rapportant à leur coût comme un comptable sourcilleux. 


Dans un pays comme la France où règne une pensée abstraite, il est rare de trouver un philosophe qui ose se référer à une pratique et à des enseignements spirituels. Et pourtant l’expérience intérieure et la réflexion conceptuelle, loin d’être étrangères, se nourrissent et s’éclairent l’une, l’autre dans toutes les grandes traditions. En réactualisant cette alliance traditionnelle entre raison et vision, le philosophe Serge Durand, co-auteur du Guide de la spiritualité, offre des éléments de sagesse pour le vingt et unième siècle. Dans ce billet il propose un commentaire éclairant sur le poème Le But de Sri Aurobindo, mis en musique et chanté par Georges Moustaki sous le titre Aphorismes. 

Quand nous avons dépassé les savoirs, Alors nous avons la connaissance. La raison fût une aide, La raison est l'entrave. Sri Aurobindo. Commentaire de Serge Durand : « La raison n'est pas la véritable connaissance qui ne peut être qu'une connaissance par identité, une conscience consciente d'elle-même. Ainsi Cela n'est connu que par Cela. Lorsque Cela est envisagé par la raison, il est représenté par des images mais Cela n'est pas connu. Cela n'est connu que par Cela c'est-à-dire sans médiation. L'ego qui est connu en Cela reste un voile de Cela qui interdit plus ou moins la prise de Conscience de Cela. L'ego induit encore une aventure vers une connaissance de Cela par Cela sans voile. L'ego est mental, vital et physique pour Sri Aurobindo.» 


Avant bien d’autres, Sri Aurobindo a discerné et diagnostiqué la crise du modèle occidental devenue une évidence aujourd'hui à travers ses expressions diverses et variées dans tous les domaines. Cette crise systémique est une crise évolutive ainsi définie : « Actuellement l'humanité traverse, dans son évolution, une crise ou se dissimule pour elle l'obligation d'un choix qui déterminera sa destinée. Nous sommes arrivés en effet à un stade où le mental humain a réalisé, dans certaines directions, un développement immense, alors que dans d'autres il est arrêté, désorienté et ne peut plus trouver sa voie... 

C'est ainsi qu'au lieu d'une société harmonieusement ordonnée, il s'est développé un formidable système organisé de concurrence, un industrialisme forcené et unilatéral, en rapide expansion, et, sous le masque de la démocratie, une tendance croissante vers une ploutocratie qui choque par son ostentation grossière et l'immensité des gouffres et des distances qu'elle crée. Tel est le dernier aboutissement de l'idéal individualiste et de son mécanisme démocratique, et c'est le début de la banqueroute de l'âge rationnel. » 

« … Seule une orientation spirituelle totale donnée à la nature toute entière peut élever l'humanité au-delà d'elle même... Ce qui est nécessaire c'est que quelques individus sentent un tournant dans l'humanité, aient la vision de cette transformation, en éprouvent le besoin impérieux, aient conscience de la possibilité et veuillent la rendre possible en eux-mêmes et en tracer la voie. » 


A l’occasion du centenaire de la naissance de Sri Aurobindo, Satprem a écrit un texte intitulé Sri Aurobindo et l’avenir de la Terre où il résume la perspective évolutive du sage indien pour qui « par-delà l'homme mental que nous sommes, s'ouvre la possibilité d'un autre être qui prendra la tête de l'évolution, comme un jour l'homme a pris la tête de l'évolution parmi les singes. » 

Dans cette conférence, Satprem rend compte de la crise évolutive vécue par l’humanité : « Cet éclatement paroxystique de toutes les vieilles formes, nous le voyons partout autour de nous - nos frontières, nos Églises, nos lois, nos morales s'écroulent de tous les côtés. Et elles ne s'écroulent pas parce que nous sommes méchants, immoraux, irréligieux, ni parce que nous ne sommes pas assez rationnels, pas assez savants, pas assez humains - mais parce que nous en avons fini d'êtres humains ! Fini de la vieille mécanique - parce que nous sommes en transition vers AUTRE CHOSE

Ce n'est pas une crise morale que traverse la terre, c'est une "crise évolutive". Nous ne sommes pas en marche vers un monde meilleur - ni pire -, nous sommes en pleine MUTATION vers un monde radicalement différent, aussi différent que le monde de l'homme pouvait l'être du monde des singes au Tertiaire. Nous entrons dans une nouvelle ère, dans un quinquénaire supramental


Satprem

Plus connu sous le nom de Satprem, Bernard Enginger (1923-2007) est déporté à vingt ans pour faits de résistance au camp de concentration de Mathausen où il passe dix-huit mois. En lui enlevant toutes ses illusions, cette expérience fondatrice le met en présence d’un essentiel qu’il cherchera à vivre et à développer tout au long de sa vie. C’est ainsi qu’à Pondichéry, il rencontre Sri Aurobindo et Mira Alfassa, cette française surnommée Mère qui fut l’âme de l’ashram crée par Sri Aurobindo. C’est en 1957 que Mère lui donne son nom, Satprem qui signifie « celui qui aime vraiment » 

Nous vous proposons d'écouter un entretien entre Satprem et Jacques Chancel qui, au cours des années 70, recevait dans Radioscopie, sa célèbre émission de radio sur France Inter, toutes les grandes personnalités du monde des arts et de la littérature, du spectacle et de la vie publique. 

Dans cette émission enregistrée en 1977, Satprem fait part de son expérience et relate son aventure intérieure. Il parle de Mère, de Sri Aurobindo et d’Auroville. En répondant aux questions de Jacques Chancel, Satprem évoque divers sujets comme l’évolution de la conscience, le rôle complémentaire de l’homme et de la femme, la nécessité de dépasser religions et idéologies pour expérimenter dans son corps la mutation en cours annoncée par Mère et Sri Aurobindo.

vendredi 4 octobre 2013

Vers un Mouvement Evolutionnaire


Nous sommes au cœur d’une mutation où s’amorce un renversement de perspective. Raoul Vaneigem 


Depuis la rentrée de Septembre, nous avons évoqué dans nos derniers billets plusieurs manifestations qui, en quelques semaines dans l’hexagone, témoignent de l’actualité d’un élan évolutionnaire de la conscience collective. Quand nous parlons de manifestations, nous donnons au mot son sens littéral : ces divers évènements et colloques qui concernent aussi bien le domaine de la conscience que celui de la culture et de la société sont autant de manifestations d’une même dynamique évolutive. 

Ce mouvement évolutionnaire est porté par des initiatives individuelles et collectives en dehors des formes partisanes, institutionnelles ou idéologiques habituelles aussi discréditées que dépassées. Inspiré par l’émergence d’un nouveau paradigme, ce mouvement est porteur d’un projet de civilisation à formuler et à affirmer face aux illusions régressives d’un repli identitaire comme à celles, technocratiques, des « élites » au pouvoir. 

Ce n’est donc pas un hasard si le 12 Octobre auront lieu simultanément à Paris, dans deux lieux distincts, le deuxième Forum international de l’évolution de la conscience évoqué il y a quinze jours et les États Généraux du pouvoir citoyen que nous évoquerons dans ce billet. Autour du thème Croire au futur, le premier évènement concerne l’évolution de la conscience et de la culture alors que le thème du second Réussir la mutation de nos sociétés concerne la transformation politique et socio-économique. 

Après avoir esquissé quelques éléments du contexte permettant l’émergence de ce mouvement, nous proposerons l'Appel des États Généraux du pouvoir citoyen qui nous apparaît comme symptomatique d’un profond courant de régénération au sein d'une société sénescente. 

Une illusion régressive 

La période que nous vivons, celle d’une mutation entre deux stades évolutifs, peut s’avérer aussi dangereuse qu’exaltante. Par peur d’un saut évolutif qui nécessite à la fois lâcher-prise et vision, nombre d’individus peuvent devenir les victimes d’une illusion régressive leur faisant croire que le monde de demain sera la réplique exacte d’un bon vieux temps idéalisé alors même que celui d’aujourd’hui est d’ores et déjà totalement différent de ce dernier. 

Conséquence de ce que certains observateurs nomment « l’insécurité culturelle », cette illusion régressive est à l’origine d’un courant réactionnaire en Europe fondé sur un repli identitaire qui alimente la haine en désignant l’autre comme victime expiatoire. Déni du présent, l’illusion régressive est une réaction mortifère à cette autre forme d’illusion – technocratique – qu'est le "présentisme" et qui consiste à vouloir résoudre les problèmes avec le mode de pensée qui les a générés, le nez rivé sur le guidon de la gestion quotidienne.

Incapables de se projeter dans le futur car privées de toute vision à long terme, les castes au pouvoir s’avèrent totalement impuissantes à développer une pensée globale qui rende compte de la complexité et de la dynamique de nos sociétés. Si l’illusion régressive est assez spectaculaire dans son refus du changement, l’illusion réformiste de la technocratie n’en est pas moins dangereuse. Elle applique la pensée technique et segmentée de l’ère industrielle au monde complexe et interdépendant d’une ère informationnelle qui nécessite une vision globale et systémique, dynamique et prospective. C’est ainsi qu’au lieu de résoudre les problèmes, elle ne fait que les approfondir. 

Une illusion technocratique 

Nous avons suffisamment déconstruit cette illusion technocratique dans deux séries de billets intitulés Experts et Visionnaires (3 billets) et Entre l’ancien et le nouveau monde (7 billets) pour ne pas avoir à y revenir ici. Nous proposons aux lecteurs intéressés de se référer à ces analyses. L’illusion réformiste de la technocratie consiste, selon le célèbre mot de Lampedusa, à faire en sorte que tout change pour que rien ne change. Le réformisme c’est l’autre nom du conformisme qui, pour perdurer sans avoir à se transformer, utilise les changements de son milieu pour les mettre à son profit.

Les illusions régressives et technocratiques sont deux expressions – traditionnelles et modernes – d’une même résistance à la dynamique d’une évolution culturelle qui inclut la tradition et la modernité en les transcendant dans un nouveau stade évolutif dont nous tentons de préciser les formes, semaine après semaine, dans ce blog.

Ce nouveau stade évolutif est celui d’une intelligence connective - à la fois sensible et rationnelle, intuitive et collective - incarnée par l’Homo Conexus qui se développe en co-évolution avec les diverses sphères de son milieu : géosphère et biosphère, technosphère, sociosphère et noosphère. 

Sortir de l’impasse

Les illusions régressives et technocratiques se nourrissent l’une, l’autre, entraînant un débat aussi puéril que stérile qui, en alimentant les préjugés de chacun et l'inertie de tous, renforce les intérêts des dominants. On ne peut sortir de cette impasse que par le haut, en participant à la dynamique évolutionnaire qui inspire une nouvelle vision du monde à la fois globale et évolutive. 

Animés par cette dynamique, des réflexions et des initiatives, individuelles et collectives, poussent comme des champignons en automne. Elles proposent de nouvelles perspectives émancipatrices et évolutionnaires qui ne sont jamais relayées par les médias officiels dont le rôle est plus que jamais « d’engranger l’insignifiant dans la mémoire des résignés » selon la belle formule de Raoul Vaneigem. Il va sans dire qu'un tel mouvement ignore les frontières et qu'on le retrouve dans de nombreux pays à travers des formes différentes correspondant à chaque culture.

Nous évoquons régulièrement quelques-unes de ces initiatives dans Le Journal Intégral et nous nous sommes fait l’écho de certains évènements qui ont lieu en cette rentrée mais il en existe bien d’autres dont nous sommes informés et dont ne nous ne pouvons pas rendre compte, faute de temps et de place, mais aussi parce que nous n’avons pas pour vocation à répertorier de manière exhaustive la multiplicité de ces manifestations. 

Une vision globale et dynamique 


Contrairement à l’ancien paradigme de l’ère industrielle – analytique et mécaniste – la vision du monde en train d’émerger – celle de l’ère informationnelle – est à la fois globale et dynamique. On peut la résumer très succinctement par deux citations. La première est de Gandhi : « Sois le changement que tu veux voir dans ce monde ». Incarner soi-même le changement, c’est participer à la synchronisation de son intuition personnelle avec la conscience collective et de celle-ci avec la dynamique évolutive de la vie/esprit. 

Cette synchronisation permet devenir le vecteur conscient d’une dynamique évolutive à laquelle chacun participe en développant une vision globale qui intègre les dimensions individuelles et collectives, intérieures et extérieures. On ne peut faire évoluer les structures sociales sans faire évoluer simultanément les représentations culturelles comme il est impossible de faire évoluer celles-ci sans un développement de la conscience individuelle et collective et une transformation des comportements qui leur correspondent. 

La seconde citation est d’Einstein : " On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré". Elle implique une vision dynamique selon laquelle l’être humain participe d’un mouvement évolutif déterminant au cours du temps des changements de paradigme qui se manifeste à travers l'émergence d'une "vision du monde" concernant aussi bien la conscience et la culture que l’organisation socio-économique. Rien d’étonnant donc si, à un moment donné, une diversité de mouvements – sociaux et politiques, culturels et spirituels – traduisent ce changement de paradigme à travers des formes et des normes, des visions et des idées novatrices correspondant à leur domaine de réflexion et à leur champ d’action. 

Une mobilisation face à l'urgence

Bien plus qu’un corpus idéologique formel, ce qui sous-tend l’émergence de ce mouvement évolutionnaire c’est l'intuition commune d'une mutation profonde de nos sociétés et le diagnostic partagée que les « élites » au pouvoir sont incapables de l'’anticiper et de la comprendre, d'y participer et de l'accompagner, prisonnières qu’elles sont d'un formalisme abstrait totalement dépassé. 

Ce vide institutionnel entre l’ancien et le nouveau monde nécessite une mobilisation à la base pour coordonner la multitude des initiatives qui, sur le terrain, inventent des solutions concrètes inspirées par le nouvel esprit du temps. 

Le moment est sans doute venu pour le mouvement évolutionnaire de prendre conscience de lui-même, en se coordonnant et en s’organisant, en partageant ses analyses et ses intuitions, en élaborant une réflexion commune pour affirmer, face aux illusions régressives et technocratiques, une nouvelle vision du monde fondée sur la co-évolution de l’être humain et de son milieu. 

D'une multiplicité d’initiatives concrètes doit émerger une intelligence collective qui exprime une vision commune et réunit des forces encore dispersées afin de proposer un projet de civilisation correspondant à la mutation que nous vivons et dans lequel peut se reconnaître la conscience collective en évolution. 

Un universalisme concret

Fondée sur la perception des interdépendances et des complexités, cette vision globale s’inscrit dans la perspective d’un universalisme concret qui n’identifie pas l’homme à une entité abstraite - coupée du mouvement de la vie comme de la relation à son milieu - mais à une dynamique d’individuation. qui est celle du développement humain dans son milieu, à travers une complexité et une intégration croissantes.

Ce processus d'individuation permet de franchir les étapes successives d’un spectre de la conscience qui s’enracine dans les états archaïques jusqu’à s’élever vers une dimension créatrice et spirituelle en passant par toutes les nuances de la sensibilité et de la rationalité. Cette anthropologie évolutionnaire implique l’émergence d’un nouveau paradigme et le saut qualitatif qui lui correspond, seuls à même de relever les défis actuels de l’humanité. 

Aujourd’hui divers éléments du puzzle commencent à se réunir pour constituer les prémisses d’une organisation capable de porter un projet évolutionnaire. Le Collectif pour une Transition Citoyenne évoqué dans notre dernier billet regroupe d’ores et déjà douze organisations constituées pour devenir le catalyseur, le moteur et l’accompagnateur d’un changement porté par la société civile. Dans le prolongement de cette initiative, Les Etats généraux du pouvoir citoyen auront lieu Samedi 12 Octobre de 9h30 à 17 h à la Bourse du Travail à Paris. Cette nouvelle étape dans la constitution d’un mouvement évolutionnaire vise à synchroniser plusieurs organisations qui sont déjà elles-mêmes collaboratives.

La mise en place d'une telle synchronisation n'est jamais facile tant sont puissantes les forces centrifuges de division et de dispersion fondées sur les jeux de l'égo et du mental comme sur les enjeux de pouvoir, l'inertie des habitudes et des réflexes idéologiques, sans compter toutes les tentatives de récupération d'un système aux abois. Mais, nous le savons, ce ne sont pas les hommes qui font l'histoire mais le mouvement de l'histoire qui agit sur les hommes en rusant.

La puissance de la dynamique évolutive est telle qu'elle devrait permettre de surmonter toutes les forces centrifuges pour affirmer un point de vue évolutionnaire absolument fondamental pour l'avenir de nos sociétés. C'est dans cet esprit et avec cet espoir que nous proposons dessous le texte qui appelle aux États Généraux du pouvoir citoyen.

Appel pour des Etats généraux du Pouvoir Citoyen 


Organisé par le Pacte Civique, le Club de Budapest, Newmanity, Tao Village, le mouvement Colibris, le Collectif Roosevelt, le Labo de l’ESS, Dialogues en Humanité, le Collectif Richesses, le Collectif de la transition citoyenne… 

Réussir la mutation de nos sociétés 

Pourquoi ? 

Notre société est en panne de vision. Chômage de masse, démesure financière, précarité, inégalités sociales et discriminations, gaspillage des ressources naturelles, urgence climatique, confiscation du pouvoir et des richesses par une oligarchie, déficit démocratique… L’avenir que l’on nous prépare fait croître les peurs et les crispations. Il nourrit des courants autoritaires et xénophobes qui se développent dangereusement en France et dans toute l’Europe. 

Citoyen-e-s engagé-e-s individuellement et/ou collectivement, un constat nous réunit : nous ne voulons plus de cette vision désenchantée du monde. Nous savons qu’un autre avenir est possible. 

Comment ? 

Notre société traverse une mutation qui ne sera réussie que si elle est portée par une mobilisation citoyenne d’envergure. Voilà pourquoi nous lançons un appel pour la tenue d'Etats Généraux du Pouvoir Citoyen. 

Qui ? 

Cet appel s'adresse à vous, femmes et hommes prêt-e-s à se mobiliser, à s’entraider, à coopérer et co-construire la France de demain. Une France où les générations futures pourront vraiment partager la liberté, l’égalité, la fraternité.

Nous sommes nombreux et différents, mais convaincus que nos différences sont autant de richesse et d’opportunités d’échange et de dialogue, de rencontres et de convivialité. Ces Etats Généraux seront portés par les forces vives de notre société qui souhaitent faire de la politique autrement et réussir cette transformation.

Avec quels objectifs : 3 axes majeurs 

- Permettre une prise de conscience sur l’interdépendance des trois dettes, financière, sociale et écologique afin de favoriser la mobilisation face à la gravité de la situation

- Mettre en lumière et valoriser les initiatives citoyennes qui aujourd’hui, partout en France, proposent des solutions et des alternatives à cette crise de la démocratie, en alliant justice sociale, esprit d’entreprise, solidarité, créativité et sobriété heureuse. 

- Réunir une « société civique » en rassemblant tous les acteurs qui partagent le même sentiment d’urgence et la même volonté d’agir ensemble pour construire le monde que nous voulons pour nous et les générations futures, qu’ils viennent de la société civile, du monde politique, de l’entreprise ou des médias. 

Sous quelles formes ? 

Ces Etats Généraux prendront la forme d’une démarche rassemblant les énergies créatives et festives ; chacun pourra contribuer concrètement aux initiatives déjà en place, en proposer d’autres. Ensemble nous voulons peser très fortement auprès des instances locales, régionales et nationales, politiques et économiques, au fur et à mesure de l’agenda public : échéances électorales, conférence sociale de juin 2014 et conférence Climat de fin 2015… 

Nous voulons valoriser nos convergences, nous voulons débattre sereinement de nos désaccords. Nous voulons proposer une vision positive et réaliste du monde de demain et nous y engager avec détermination. Le défi est considérable. C’est ensemble que nous le relèverons ! 

Ressources


Sur l'illusion technocratique dans le Journal Intégral :
Experts et Visionnaires    (3 billets)    Entre l'Ancien et le nouveau monde  (7 billets)